En refermant « Passion de liberté », le livre de Abdoulaye Bathily, on est comme attendri par le déroulé d’une vie qui n’a pas toujours été tendre avec l’auteur. Celle d’une enfance bercée par les travaux champêtres, les courses de chevaux, les grands espaces et dont la trajectoire, bousculée par les rêves du père, va emprunter des chemins abrupts. Il devra s’instruire, aller à l’école. Obligé alors de s’éloigner du cocon familial, il se retrouvera à poser son baluchon à Bakel, loin de Khérisinghané (Plateau du bonheur) , village saisonnier où les habitants de Tiyabou allaient camper pour y cultiver la terre, le temps de la saison des pluies.
TRIBUNE –Soumis à la précarité de l’exil, Bathily va devoir se construire en faisant face aux affres d’une vie à la merci des humeurs de sa famille d’accueil. Heureusement qu’il est des rencontres qui réorientent des parcours en les mettant en relation avec de bonnes personnes susceptibles de leur donner ainsi l’opportunité de construire un destin. Alors qu’elle faisait entrevoir au jeune Bathily des chemins pavés de difficultés, la vie se révèle pleine de surprises en revenant à de meilleurs sentiments, se faisant plus câline, domestiquée par l’empathie et la générosité de rencontres habitées par le souci pour autrui. Désormais, faisant sien le rêve de son père, après plusieurs escapades où se dessinait une certaine désinvolture, là où beaucoup de ses camarades d’enfance avaient été visités par la déscolarisation, les sirènes de l’émigration, il réussit, en dépit d’un « parcours cahotique », à s’en sortir par la magie de sa bonne étoile. Réussite à l’entrée en 6e , admission à l’Ecole militaire préparatoire africaine (EMPA) de Saint-Louis. C’est là, à Bango, que le jeune Bathily découvre « pour la première fois le sentiment de l’unité et de la diversité de l’Afrique ».
Son engagement dans une grève en classe de première, pour réclamer de meilleures conditions de vie et d’étude, sera sanctionné par une exclusion en avril 1966, en pleine année scolaire. Et vive la Galère ! Il va devoir survivre, refuser la fatalité, le renoncement. Trébucher parfois, sans jamais s’affaler à même le sol, puiser au contraire dans ses réserves pour dérider le fatum et lui ôter ce côté sombre de l’acharnement pour celui étincelant de défricheur d’avenir. Il ne saurait en être autrement puisqu’ « il n’y a pas de citadelles imprenables, il n’y a que des citadelles mal assiégées ». Quitte à faire couler par tous les pores de sa peau « des larmes de sueur ».
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Au passage, Abdoulye Bathily attire l’attention sur la face sombre de Sekou Touré, l’homme du référendum de 1958, dont la répression a fait entre autres nombre d’exilés guinéens parmi lesquels l’écrivain Camara Laye, l’historien Boubacar Barry.
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* Khérisinghané, mot soninké signifiant : Plateau du bonheur.
Présence Africaine. Mai 2022. 724 pages
Maderpost / Sud quotidien