2021 tire à sa fin. Pour l’occasion Emedia lance une série d’articles revenant sur les dix faits marquants de l’actualité durant cette période. Pour le premier épisode, retour les manifestations sanglantes de mars.
MANIFESTATION – Lors de ces évènements tragiques, quatorze personnes ont perdu la vie, par balles. Les victimes, âgées entre 12 et 35 ans, ont été tuées lors de manifestations survenues depuis l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, le 3 mars 2021, et qui ont tourné en des scènes de guérillas urbaines.
Dans un premier temps, des heurts éclatent entre sympathisants de l’opposant et forces de l’ordre, puis des saccages et pillages les jours qui suivent, jusqu’à la libération sous contrôle judiciaire de l’ex-candidat à la présidentielle de 2019, le 8 mars.
L’élément déclencheur
En marge de l’affaire politico-judiciaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, l’opposant est convoqué pour être auditionné. Leur leader accusé de viol, par une jeune-employée d’un salon de beauté, les militants de Pastef / Les Patriotes dénoncent un complot orchestré par le pouvoir.
Sonko est convoqué le 8 février par la gendarmerie nationale, mais refuse de se rendre à cette convocation en invoquant son immunité parlementaire.
Des dizaines de sympathisants manifestent leur soutien devant le domicile de Sonko. Des heurts éclatent alors que les forces de l’ordre tentent de disperser le rassemblement. Après l’audition de la plaignante, le mis en cause est convoqué par le juge d’instruction. La machine judiciaire est lancée, après la levée de l’immunité parlementaire du député-opposant. Le 26 février, après des échanges tendus, les députés de l’opposition quittent la salle avant le vote à une large majorité, 98 pour, 1 contre et 2 abstentions. Le juge d’instruction du 8e cabinet, Mamadou Seck, qui a reçu la notification de la décision de l’Assemblée nationale, a convoqué le leader du parti Pastef/Les Patriotes. Ce dernier, Sonko doutant de sa probité, sera finalement dessaisi au profit de feu Samba Sall, ancien Doyen des juges, remplacé depuis novembre dernier par Oumar Maham Diallo. L’affaire reste pendante.
La veille, 25 février, dans une déclaration, Sonko annonce sa décision de ne répondre à aucune convocation du juge, estimant que la procédure de la levée de son inviolabilité parlementaire ne s’est pas faite selon les règles de l’art. Par conséquent que la décision qui en découlait est nulle et non avenue.
Après avoir initialement annoncé qu’il ne se rendrait pas à cette convocation, le marabout Abdou Lahad Mbacké, ses avocats et des personnalités du pays le convainquent d’y aller. Il s’y résout finalement tout en affirmant ne « pas faire confiance à la justice » et en appelant ses soutiens à rester mobilisés. Le 3 mars, jour de la convocation, une foule immense l’accompagne. Arrêté sur la route, après de longues discussions avec le préfet de Dakar, pour « troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée » par la gendarmerie et le GIGN, l’opposant met les mains derrière le dos et feint d’être menotté.
Magasins pillés, médias ciblés
Son arrestation provoque des heurts, notamment des échanges de jets de pierres et des tirs de gaz lacrymogènes, entre des groupes de jeunes et la police. Des pillages d’enseignes françaises, notamment supermarché Auchan et des stations-service Total, sont également notés. Les locaux du quotidien Le Soleil et du Groupe Futurs Médias (GFM), jugés proches du pouvoir, sont attaqués par des pro-Sonko.
Des scènes de violence qui se propageront sur le territoire national, entraînant de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Un jeune homme de 20 ans, Cheikh Coly, meurt pendant une de ces manifestations à Bignona. Le bilan grimpe. Le 6 mars, quatre morts sont recensés. La mort d’un collégien à Diaobé porte le bilan à cinq morts. A Bignona, la ville du Sénégal qui a payé le plus lourd tribut lors des manifestations, Bounama Sagna, 14 ans, grièvement touché par balle, succombe à ses blessures, allongeant la liste des victimes.
La société civile élève la voix, exigeant « une enquête indépendante pour faire la lumière sur les circonstances des décès », tandis que le gouvernement « condamne fermement les ac tes de violence, les pillages et destructions ». Le 7 mars, le médiateur de la République, feu Alioune Badara Cissé (ABC), appelle le président Macky Sall à prendre la parole « avant qu’il ne soit trop tard. »
Le 8 mars, jour de comparution d’Ousmane Sonko devant un juge d’instruction, des blindés de l’armée prennent position dans Dakar pour assurer le maintien de l’ordre et la protection des institutions. Sonko est officiellement inculpé par la justice et relâché sous contrôle judiciaire. Après sa libération, il appelle à poursuivre la mobilisation.
Commission d’enquête
Le soir même, le président Macky Sall appelle à l’apaisement.
Le 11 mars, une journée de deuil et de prières est organisée en mémoire des victimes des manifestations. Porté sur les fonts baptismaux, le Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D) annonce également suspendre son appel à manifester le 13 mars, à la suite d’une demande de plusieurs chefs religieux, dont le Khalife général de la confrérie mouride, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké. En échange, ils demandent notamment « la libération immédiate et sans conditions des prisonniers politiques incarcérés », l’« arrêt de la persécution des opposants » et la fin des poursuites contre Ousmane Sonko. Ils demandent également au président Sall de s’engager à organiser les prochaines élections dans « des conditions libres et démocratiques » et de ne pas briguer un troisième mandat.
« La vie humaine est sacrée. Quiconque tue un individu ira enfer. A fortiori, s’il s’agit d’un musulman », a sermonné le Khalif général des mourides, recevant l’opposant Sonko.
Afin de situer les responsabilités, une commission d’enquête indépendante et impartiale est mise sur pied pour faire la lumière sur les émeutes ayant secoué le pays. L’annonce a été faite depuis avril dernier par le ministre sénégalais des Forces armées, Sidiki Kaba. L’interrogation demeure.
Maderpost / Emedia