« Où va la France » était le titre de l’émission de TF1 et LCI lors de laquelle Emmanuel Macron a répondu pendant près de deux heures aux questions de deux journalistes mercredi 15 décembre. Mais il s’agissait plutôt de savoir où va Emmanuel Macron ? Le président n’a pas dit qu’il serait candidat mais a tout fait pour préparer son entrée dans la campagne présidentielle.
PRESIDENTIELLE – Si ce n’est pas un candidat, ça y ressemble. En revenant sur le bilan de son quinquennat, Emmanuel Macron a cranté la première étape indispensable pour un président sortant qui veut être réélu : dire ce qu’il a fait bien, un peu moins bien, ce qu’il n’a pas pu faire, assumer, regretter -le Covid, les gilets jaunes, les réformes, les petites phrases.
Et son message était clair : « J’ai appris » l’humilité, le respect, à aimer les Français. Autant de réponses à toutes les critiques qu’il a pu subir sur sa déconnexion, son arrogance ; comme une tentative pour évacuer le sujet de son image avant d’entrer dans le vif de la campagne et essayer de couper l’herbe sous le pied de ses adversaires.
Ne pas nommer ses adversaires
Des adversaires qu’il a taclés au passage, mais sans les nommer pour faire mine de ne pas descendre dans l’arène, Valérie Pécresse sur les fonctionnaires et surtout Éric Zemmour sur l’exacerbation des peurs.
Et puis, Emmanuel Macron a affiché sa vision de la France, son désir intact de réformer notamment les retraites. Et il dit son envie de se projeter plus loin que le mois d’avril, son envie de « faire ». Il a souvent employé le « nous » pour parler des Français. Cet entretien était une pierre de plus sur le chemin de la candidature.
♦ De vives critiques
Du côté de l’opposition, on n’a pas beaucoup apprécié l’exercice. Le candidat de la France Insoumise à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon dénonce sur Twitter « un moulin à parole égocentré ». « On attendait le président sur l’essentiel : la France. On l’a eu sur l’accessoire : lui même », écrit Eric Zemmour.
Un moulin à paroles égocentré, tiède et sans souffle. Sans un mot sur la catastrophe en cours en Outre-mer. Sans un mot sérieux sur les crises écologiques et sociales. Ni la paix dans le monde, ni la guerre du Mali. Bavardage hors-sol.
En déplacement à Mayotte, la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen a surtout vu dans cette intervention télévisée le « mépris » du chef de l’Etat. Des propos recueillis par notre envoyé spécial, Julien Chavanne.
Quand on est président de la République, être obligé d’apprendre à aimer les Français, ça veut tout dire
Marine le Pen à Mayotte réagit sur Macron: « j’ai trouvé cette phrase ‘j’ai mieux appris à aimer les Français’ terrible !» Julien Chavanne
« C’était bien une opération séduction d’un futur candidat, ironise le député de droite Philippe Gosselin, élu LR de la Manche, au micro de Lucile Gimberg du service politique de RFI. Alors bien sûr, on a un président qui essaie de la jouer modeste, qui affiche même profil bas, qui essaie de faire son acte de contrition… Moi, je trouve quand même assez dommage qu’un président de la République, au bout de cinq ans de mandat, vous dise : “J’ai compris”, sous-entendu “j’ai enfin compris”. Moi, ce que j’attends d’un président de la République, c’est qu’avant d’arriver au pouvoir, et parce qu’il s’est colleté à la population, aux réalités, qu’il puisse déjà connaître les attentes de ses concitoyens. Là, on a l’impression, d’une certaine façon, que le président les découvre. Aujourd’hui, les plus modestes d’entre eux ne sont pas les gagnants de ce quinquennat, ni en termes de considération ni concernant leur pouvoir d’achat. Je trouve que c’est une forme d’aveu de faiblesse d’avoir mis autant de temps à découvrir enfin les réalités de ce pays, ses difficultés économiques, sociales aussi. »
« Un roman-photo sans contradiction »
« Deux heures d’un président plus que jamais narcissique, qui a parlé de lui et pas des Français, ou très peu, dénonce de son côté le député de gauche, Éric Coquerel, élu du parti La France insoumise en Seine-Saint-Denis. C’était surtout une propagande visant à nous raconter “Macron pour les nuls”, c’est-à-dire une espèce de roman-photo raconté aux Français. Je ne crois pas que les Français soient dupes, bien évidemment. Sans aucune contradiction sur ses éléments de langage, c’est peut-être parce que sa politique a failli. Vous remarquerez qu’il n’y a rien eu sur l’écologie, c’est quand même une des questions fondamentales en France et dans le monde. Le président de la République a par exemple pu dire qu’on n’a jamais créé autant d’entreprises dans ce pays sans qu’un seul journaliste pense à lui dire que c’est surtout dû à la création des auto-entrepreneurs qui sont les salariés déguisés des plateformes Uber. Il a pu expliquer que l’on devait rembourser la dette parce que sinon on faisait défaut aux créanciers. Alors que la dette qui a été créée pendant le Covid est une dette détenue par la Banque de France, donc par nous-mêmes. Il décrit les inégalités, mais c’est sa politique qui en cinq ans a créé plus d’inégalités qui n’a jamais eu dans la Ve République. Un certain nombre de choses qu’il n’aurait pas pu, j’allais dire, étaler s’il avait eu un contradicteur en face et malheureusement c’est, aujourd’hui, un candidat sans contradicteur, ce qui pose problème. »
Maderpost / Rfi