Le Président algérien a rejeté l’invitation de son homologue français pour prendre part à la conférence de soutien à la stabilité de la Libye qui se tiendra à Paris. L’Algérie, qui sera représentée par son ministre des Affaires étrangères, semble avoir opté pour “une baisse de l’intensité des relations” jusqu’au scrutin présidentiel d’avril 2022.
FRANCE / ALGERIE – Paris est confronté au “taghnant”, attitude typiquement algérienne qui se caractérise par le rejet de compromis. Le Président Abdelmadjid Tebboune n’a pas donné suite à l’invitation du Président Emmanuel Macron pour participer, à Paris, à la conférence de soutien à la stabilité de la Libye qui aura lieu vendredi 12 novembre 2021. La décision a été annoncée mercredi 10 novembre par Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères, lors d’une rencontre avec les membres du corps diplomatique algérien à l’étranger.
“Les conditions ne sont pas réunies pour y participer personnellement à cette conférence, en dépit de son attachement [du Président, ndlr] au rôle actif de l’Algérie aux côtés des frères libyens ainsi qu’au règlement pacifique et démocratique souhaité de la question libyenne”, a indiqué le chef de la diplomatie algérienne.
“Idées raisonnables”
Mardi 9 novembre, un conseiller de l’Élysée a déclaré à des journalistes que le Président Emmanuel Macron “regrette les polémiques et les malentendus” et a assuré qu’il a “le plus grand respect pour la nation algérienne et son histoire”. Une sorte de rétropédalage suite à des propos polémiques du Président Macron au sujet de l’Algérie, rapportés par le quotidien français Le Monde, et qui ont provoqué l’ire d’Alger.
Ramtane Lamamra, qui est chargé de conduire la délégation algérienne à Paris, a reconnu que la dernière déclaration du Président Macron, distillée par un de ses conseillers, “est porteuse d’idées raisonnables, car respectueuse de l’histoire, du passé, du présent et de la souveraineté de l’Algérie“. Mais ce n’est visiblement pas assez pour entamer un véritable dégel. Rédha Chenouf, journaliste spécialisé dans les questions maghrébines et africaines au quotidien El Khabar, explique à Sputnik que le message d’Emmanuel Macron ne comportait pas “d’excuses”.
“À la lecture du message du conseiller de l’Élysée, on constate que les regrets ne concernent pas les propos tenus sur l’Algérie par le Président Macron, mais plutôt la crise, +les polémiques et les malentendus+ provoqués par ses déclarations. Je pense que les responsables algériens ont dû prendre en considération le fait qu’il n’y ait toujours pas d’excuses officielles de la part du chef de l’État français”, note cet observateur.
La crise entre les deux pays se poursuit. Zineb Benzita, journaliste spécialisée dans les questions sécuritaires au Maghreb et au Sahel, écarte un éventuel réchauffement entre Alger et Paris dans un proche avenir. Elle précise à Sputnik que la partie algérienne aurait opté pour une mise entre parenthèses des relations pour une certaine période.
“Le rejet de l’invitation est un signe fort qui indique qu’Alger campera sur ses positions. Certains observateurs assurent que les autorités algériennes ont opté pour une baisse de l’intensité des relations avec la France en attendant l’élection présidentielle française d’avril 2022. Le but étant d’entamer une nouvelle ère avec le futur Président. Les Algériens estiment que le Président Macron a été défaillant durant la fin de son premier mandat et que s’il est réélu il devra changer d’approche vis-à-vis de l’Algérie”, souligne Zineb Benzita.
La journaliste écarte cependant une éventuelle rupture des relations entre les deux pays. “Nous ne sommes pas face à la même situation qu’avec le Maroc. L’Algérie et la France entretiennent des rapports complexes, mais cela n’ira pas jusqu’à la rupture”. Zineb Benzita constate également l’absence “de médiation entre les deux pays”. “La crise est telle qu’aucun autre État n’oserait proposer une initiative de réconciliation”.
Rédha Chenouf estime que la crise entre les deux pays est aggravée par l’action de la France dans des dossiers du voisinage de l’Algérie. Il rappelle qu’Alger et Paris “ont longtemps eu des visions diamétralement opposées au sujet de la gestion du dossier libyen. Ils n’ont pas oublié que l’effondrement de ce pays du Maghreb a été causé par l’aventurisme du Président Nicolas Sarkozy“.
“Les deux États sont également en désaccord sur la situation au Mali et sur la question du Sahara occidental. D’ailleurs, les responsables algériens ont clairement perçu la touche française dans la rédaction de la dernière résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental qui est jugée ouvertement pro-marocaine. Les États-Unis, qui sont chargés de rédiger les résolutions dans ce dossier, sont soupçonnés d’avoir laissé la plume à la France”.
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