Lauréat du prix international de littérature Neustadt créé en 1969, destiné à consacrer des romanciers, poètes ou dramaturges, l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop confie ses premières impressions à L’Observateur. Modeste dans la gloire, le vainqueur du prix parrainé par l’Université d’Oklahoma et la critique «World Literature Today» prend cette distinction comme une invite à donner le meilleur de lui.
LITTERATURE – Prix ? «Quand on écrit, on le fait dans la solitude. C’est difficile. Ecrire, c’est vraiment souvent pénible. Ces formes de reconnaissance sont toujours les bienvenues. C’est un coup de projecteur sur un travail que l’on a fait dans l’ombre. Dans ce cas précis, ça met en évidence un livre que j’ai publié il y a 21 ans : ‘’Murambi, le livre des ossements’’. Ça le fait renaître. Ce livre porte sur le génocide des Tutsi au Rwanda, c’est bien que la réflexion se renouvelle sur un tel sujet parce que, par définition, un génocide doit rester mémorable à jamais. On ne doit jamais l’oublier. Un livre comme celui-ci a cette signification, au-delà de la littérature. Sur un plan plus personnel, on est heureux parce que le jury de ce prix est uniquement constitué d’écrivains. Ce ne sont pas des critiques de métier. Il n’y a pas de journalistes, c’est uniquement des écrivains confirmés qui constituent le jury de ce prix. C’est la reconnaissance des pairs à l’échelle internationale. Les amis et proches sont heureux, si j’ose dire, leur bonheur vient s’ajouter au notre. Ça donne un peu plus d’énergie pour les textes à venir. J’ai fini d’ailleurs un roman qui doit paraître en décembre, qui s’appelle ‘’Bu Suuf Seede’’. C’est un roman en wolof. Je suis dans les derniers réglages et je suis sûr que je vais avoir plus d’énergie pour le boucler complétement. Une vie d’écrivain, c’est des hauts et des bas. Les bas sont plus fréquents, quand ils sont là, il faut les discorder avec dignité. Quand il y a un événement comme ça, il faut en jouir, mais avec modération et se remettre très vite au travail. C’est une invitation à donner le meilleur de soi-même et pas une fin en soi.»
Une surprise ? «Ma réponse est à la fois oui et non. Je m’y attendais parce que je faisais partie des dix nominés. Je ne m’y attendais pas parce que je n’étais pas le seul nominé. On s’y attend, on ne s’y attend pas. Quand ça vient, c’est quand même une surprise et une bonne surprise, quand ça ne vient pas, on se dit le monde est peuplé d’auteurs et d’artistes de talent et on accepte la décision du jury. Je pense que ça doit être l’état d’esprit des autres nominés. C’est la règle du jeu. J’avais une chance sur dix de remporter ce prix et neuf chances sur dix de ne pas le remporter. Nous étions tous au même point.»
Ce qui a pesé sur la balance ? «Je n’en sais rien parce que je n’ai pas lu les autres livres. C’est une question à laquelle, seul le jury peut répondre. Je ne connaissais même pas l’existence de ce prix avant d’être nominé.»
Salve de félicitations ? «C’est bien. Il y a beaucoup de félicitations. Je suis très content de toutes les félicitations qui m’arrivent de partout, de la part de personnes que je connais très bien, de la part de vieux amis perdus de vu depuis longtemps. Une chose pareille a le don de ressusciter les amitiés mortes et ça fait plaisir. On a tous, à travers le monde, des amis qui nous sont très chers avec qui on n’arrive plus à communiquer pour toutes sortes de raisons parce que c’est la vie, tout le monde est dans ses affaires. Le président de la République, s’il fait un tweet pour me féliciter, je trouve que c’est quelque chose de très bien et je lui en suis tout à fait reconnaissant.»
Maderpost / Igfm