Face à la recrudescence des cas de Covid-19 et de la progression du variant Delta qui représente désormais plus de 44 % des contaminations, le président du Conseil italien, Mario Draghi, a imposé par décret la certification vaccinale. Le « green pass » comme l’appellent les Italiens, leur sera désormais demandé à l’entrée des restaurants, des bars, des piscines, des salles de sport, des musées, des théâtres et des cinémas.
ITALIE – « Inciter les gens à ne pas se faire vacciner est un appel à mourir ». Choqué par les déclarations à l’emporte-pièce de Matteo Salvini, le leader de la Ligue dont le parti siège pourtant au gouvernement, Mario Draghi n’y a pas été par quatre chemins.
Alors que l’exécutif peaufinait le décret sur l’introduction du certificat vaccinal dans les lieux publics comme en France pour freiner la progression du variant Delta qui s’installe progressivement dans tout le pays, le grand manitou de la Ligue a multiplié les déclarations anti-vaccination.
« Interdire aux Italiens l’accès des restaurants, des piscines, des cinémas et des musées à partir du 6 août est inacceptable et risque de plomber la saison touristique et les comptes des commerçants », affirme Matteo Salvini qui n’est pas vacciné lui-même et refuse par ailleurs de faire vacciner son fils.
Le 23 juillet au soir à Turin, des collectifs anti-vaccination et des organisations d’extrême droite comme Forza Nuova, ont rassemblé quelque 5 000 personnes qui ont invité les Italiens à désobéir aux directives gouvernementales.
« Nous sommes en pleine dictature, le gouvernement s’est soumis aux ordres et à la logique des multinationales pharmaceutiques », a déclaré Ugo Mattei, candidat de la droite aux municipales qui se tiendront en octobre prochain. Pour un dentiste interviewé par la télévision italienne, « le vaccin est un poison et les Italiens ne doivent pas être des cobayes ».
Clivage
Cette position que partage une bonne partie de l’extrême droite, ne fait pourtant pas l’unanimité en Italie. Dans les bars et les restaurants ou en famille, les discussions vont bon train. Chez Camponeschi, un bar à vin à la mode situé à proximité de l’ambassade de France à Rome, un petit groupe soutient le gouvernement mordicus. « Nous n’allons pas continuer à vivre comme des rats à cause de ceux qui ne veulent pas se faire piquer. Se faire vacciner est un acte civique. Et puis, même la Constitution affirme qu’en cas de situation sanitaire grave, le traitement sanitaire peut devenir obligatoire » estime ainsi Vittoria Regano.
Cette quinquagénaire qui n’a pas encore été vaccinée pour des raisons de santé, explique attendre désormais le feu vert de son médecin de famille. Mais cela ne l’empêche pas d’approuver la décision du gouvernement qui tente, dit-elle, de limiter la casse puisqu’une partie de l’exécutif refuse, pour des raisons électorales, d’introduire la vaccination obligatoire. « Empêcher les gens qui ne sont pas immunisés et dont je fais malheureusement partie pour le moment de sortir, est un bon compromis compte tenu de la situation actuelle », ajoute cette direction de production.
Son voisin de table, Vanni Freddiano, se dit choqué par les Italiens comme les Français qui ont contesté leurs dirigeants en arborant des étoiles jaunes et en se comparant aux juifs déportés par les nazis.
« Nous sommes en plein délire et je ne comprends pas que les organisations juives n’aient pas encore porté plainte ! s’agace cet informaticien. Ces gens-là ne savent pas ce que veulent dire les termes “responsabilité collective” et “devoir de mémoire” ! Ils sont prêts à mourir et à faire mourir les autres au nom d’une prétendue idéologie libertaire, c’est de la folie ! »
De leur côté, les exploitants des discothèques, toujours fermées en vertu du nouveau décret gouvernemental, ont décidé de saisir les tribunaux administratifs pour obtenir l’annulation du dispositif.
Réticences
Dans une salle de sport, quatre femmes font du Pilates. Il est 9 h du matin et il fait déjà très chaud. Tout en tirant très fort sur les cordes pour muscler ses bras et ses jambes, Elena remercie Mario Draghi. « Nous avons finalement un homme intelligent à la tête de l’État, estime-t-elle. Des milliers de personnes sont mortes à cause du virus et des milliers de gens ont perdu leur emploi à cause de la crise et on va laisser la situation empirer à cause d’une poignée d’imbéciles qui refusent de se faire piquer ? »
Derrière son masque, Federica, la professeure de Pilates, se tait. Son oncle est décédé après la première injection et elle a décidé de ne pas se faire vacciner tout de suite. Ce nouveau dispositif met la jeune femme en porte à faux : comment demander à ses clientes de montrer leur passe sanitaire alors que de son côté elle n’est pas vaccinée ? Pour Federica, le dilemme est cornélien.
Les « antivax » assumés n’ont cependant pas dit leur dernier mot. Des manifestations convoquées via Facebook et Telegram ont eu lieu un peu partout en Italie ce samedi 24 juillet, comme c’était également le cas en France, que ce soit à Paris ou ailleurs dans l’Hexagone.
« Liberté ! », « Non à la dictature », ont scandé les manifestants de Naples à Turin.
« Mieux vaut mourir libre que vivre comme un esclave », pouvait-on lire sur une pancarte devant la cathédrale de Milan, quand dans le centre historique de Rome, une autre présentait une photo du portail du camp d’extermination d’Auschwitz avec ces mots : « Les vaccins vous rendent libre ».
Maderpost / Marianne