Intellectuel parmi les plus influents de son pays, signataire de la Charte 77 contestant la « normalisation » du pays, professeur à l’université de Prague, il a été candidat malheureux à la présidence en 2003. Il est décédé le 16 février, à l’âge de 84 ans.
NECROLOGIE -Philosophe issu de la dissidence, devenu, après la « révolution de velours », l’un des intellectuels tchèques les plus influents de son pays, Jan Sokol est mort le 16 février, à Prague, à l’âge de 84 ans. Il était né le 18 avril 1936, à Prague.
Le chemin de Jan Sokol vers la philosophie n’est ni linéaire ni sans péril. Dans les années 1950, n’ayant pu poursuivre ses études de lycée à cause de son origine sociale bourgeoise, il opte pour le métier d’orfèvre, puis de mécanicien de pointe. Pendant la période dite de « normalisation » (de 1968 à 1989), Jan Sokol fait partie des dissidents réunis autour de Jan Patocka (dont il épousera la fille) et de la Charte 77.
Cet engagement lui vaut d’être surveillé par la police d’Etat. Il gagne alors sa vie comme informaticien, participe à la traduction œcuménique de la Bible et organise des séminaires clandestins où l’on étudiait les textes philosophiques bannis de l’enseignement officiel.
Après 1989, Jan Sokol participe activement à la rénovation de la philosophie tchèque. Professeur en 2000, il est le fondateur et premier doyen de la faculté des sciences humaines de l’université Charles. Auteur d’une vingtaine de livres consacrés à l’anthropologie philosophique, le concept d’Europe ou le lien entre les règles et la liberté, il enseigne à de nombreuses reprises à l’étranger, par exemple à Harvard. Il participe régulièrement aux universités européennes francophones d’été du réseau Offres qui vise à dépasser les frontières entre la France et l’Europe dite de l’Est.
Jan Sokol a pris aussi des engagements importants dans la vie politique de son pays : deux ans député au Parlement tchécoslovaque après la « révolution de velours », il s’est retiré de la politique en 1992 pour y être réinvité en tant que ministre de l’éducation en 1998, puis, en 2003, comme candidat à la présidence, qu’il perd de justesse, contre Vaclav Klaus. Lors de la prétendue crise migratoire de 2015, il a ouvertement critiqué le gouvernement tchèque pour avoir préféré un repli identitaire aux impératifs de l’hospitalité.
La dignité humaine en toutes circonstances
C’est la philosophie dans sa dimension quotidienne qui l’intéressait le plus. Dans son dernier ouvrage paru en anglais Ethics, Life and Institutions (Karolinum, non traduit, 2016), Jan Sokol critique la notion simpliste, selon laquelle ma liberté cesserait là où commence celle de l’autre. « Combien étroites seraient nos libertés dans les métropoles surpeuplées, si elles étaient cloisonnées ainsi l’une contre l’autre ? », rétorque-t-il.
Maderpost/LA LIBRE