Ce lundi 2 novembre marque la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, créée en 2013 par l’ONU. De 1993 à aujourd’hui, 1 414 journalistes ont été tués, selon les Nations Unies.
PRESSE -Et dans neuf cas sur dix, les meurtiers restent impunis. Depuis le début 2020, 32 journalistes et collaborateurs de médias ont été assassinés, d’après Reporters sans frontières (RSF). Un chiffre en baisse par rapport à 2019 en raison de la crise sanitaire mais qui reste préoccupant, souligne l’ONG. Exemple dans deux pays du Moyen-Orient, l’Égypte et l’Irak, où le journalisme reste un métier à hauts risques.
À la source de l’impunité pour les crimes contre les journalistes se trouve l’absence de protection légale, leur vulnérabilité face à l’État. Selon diverses organisations de défense des droits de l’homme, une quarantaine de journalistes sont actuellement en détention en Égypte. Le pays occupe la 166e place sur 180 pays selon le classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
La principale accusation contre les journalistes opposés au pouvoir égyptien est celle de « porter atteinte à la sécurité de l’État ». Selon les défenseurs de la liberté d’expression, il s’agit d’une accusation générique dont l’imprécision en fait une épée de Damoclès. Dans le cadre de l’atteinte à la sécurité de l’État, on trouve la complicité avec l’organisation terroriste des Frères musulmans, la menace contre l’économie nationale ou même les valeurs morales et religieuses de la société.
L’autre chef d’accusation répandu est celui d’exercer le métier sans accréditation. Une accréditation difficile à obtenir dans un pays où les journalistes de la presse écrite sont pratiquement les seuls à avoir une carte de presse officielle. Les correspondants des médias étrangers n’échappent pas à la règle. En mars, la correspondante du quotidien britannique The Guardian s’est vue retirer son accréditation pour avoir contesté les chiffres officiels et écrit que les cas de coronavirus avaient explosé en Égypte.
Année d’horreur pour la télévision irakienne
En plus des condamnations douteuses et des accréditations données au compte-goutte, la violence est l’autre fléau subi par les journalistes en 2020. En Irak, plusieurs bureaux de presse ont été attaqués, incendiés. Leurs employés menacés, intimidés. Une année d’horreur pour la télévision irakienne Dijlah.
À trois reprises, les locaux de cette chaîne ont été attaqués. D’abord pour leur couverture des manifestations anti-pouvoir, ensuite pour avoir diffusé de la musique pendant le jour sacré de l’Achoura.
Saïf, l’un des journalistes de la chaîne, a été menacé, comme d’autres reporters, par des groupes armés à son domicile. Il a dû démissionner, et se cacher dans la campagne irakienne. « Aujourd’hui, ces groupes armés et milices ont plus de pouvoir que le gouvernement, nous explique Saïf. Donc le gouvernement ne fait rien. Jamais. Il regarde, c’est tout. »
Trois journalistes ont été assassinés cette année en Irak, sans que les meurtriers ne soient retrouvés. Saïf ne cache pas son pessimisme sur l’avenir : « J’ai peur que ces attaques se reproduisent encore et encore à l’avenir. Peut-être que ça va atteindre le niveau de l’assassinat. »
Les organisations internationales appellent régulièrement le gouvernement irakien à prendre des mesures pour protéger les journalistes. Sans succès pour le moment.
Maderpost / RFI