Huawei, le champion chinois des télécoms, a finalement été évincé de la 5G britannique. La décision annoncée mardi par Boris Johnson suscite les critiques de la Chine et l’inquiétude de certains milieux d’affaires britanniques.
TELECOMS – Pour Pékin, c’est évidemment un revers économique. Et politique. Le Royaume-Uni, qui avait concédé il y a six mois plus du tiers du marché de la 5G à l’industriel chinois sur les segments ne remettant pas en cause sa sécurité, a pris mardi un virage à 180 degrés.
Depuis que les États-Unis interdisent à Huawei de s’approvisionner en puces américaines, les experts anglais considèrent que la sécurité des réseaux Huawei se trouve amoindrie. Cette décision intervient surtout dans un contexte d’intenses tensions diplomatiques entre Londres et Pékin.
La crise politique à Hong Kong scelle la fin de l’âge d’or volontiers loué par l’ancien Premier ministre David Cameron pour décrire les relations entre les deux pays. Ce rapprochement sino-britannique s’est accéléré à partir de 2015, il apparaissait de plus en plus comme un atout majeur pour le Royaume-Uni post-Brexit.
Mais les Britanniques n’en ont jamais vraiment reçu les dividendes. Exemple : la connexion entre la City et les bourses chinoises inaugurée en grande pompe l’an dernier est un fiasco. Aujourd’hui, les fleurons de la finance britannique, comme la vénérable banque HSBC, très présente en Asie et à Hong Kong en particulier, se trouvent extrêmement fragilisés par la loi chinoise imposée à l’ancienne colonie britannique.
Avec cette décision anti-Huawei, Boris Johnson cherche par ailleurs à ménager son vieil allié américain.
L’économie britannique est ravagée par la pandémie, le PIB s’est rétréci de 19% entre mars et mai et le Royaume-Uni se prépare à vivre une nouvelle crise avec le Brexit dur qui se profile.
Pour réussir cette sortie hasardeuse de l’Union européenne, Londres doit à tout prix signer des accords de libre-échange, entre autres avec les États-Unis. Difficile dans cette perspective de contrarier les désideratas de la première puissance mondiale.
Pour les télécom britanniques, cette décision très politique pourrait bien se muer en catastrophe industrielle. Trois grands opérateurs britanniques ont déjà mis une bonne dose de technologie Huawei dans leurs antennes 5G. Les remplacer d’ici 2027, comme le prévoit Boris Johnson, pourrait s’avérer coûteux.
Car ce qui fait la différence entre Huawei et ses concurrents européens, Nokia et Ericsson, c’est le prix. Les plus pessimistes évoquent une addition à un peu plus de deux milliards d’euros. Ce revirement complet de Boris Johnson risque surtout de retarder de plusieurs années le déploiement de la 5G sur le territoire britannique, une autre conséquence fâcheuse pour une économie exsangue à la recherche d’un nouveau souffle.
Enfin cette décision suscite le trouble dans les entreprises britanniques sino-dépendantes. C’est vrai notamment dans le secteur de l’énergie. C’est avec les fonds et le concours technique d’une entreprise chinoise qu’EDF doit construire une centrale nucléaire dans la ville de Bradwell.
La Chine renoncera-t-elle au chantier de Bradwell, sa première centrale construite en Occident ? Pas sûr que ce soit dans son intérêt de se passer de cette vitrine. Pas sûr non plus que Londres se prive de son concours. Les universités britanniques, qui vivent en partie de la manne des étudiants chinois, elles aussi redoutent les représailles de Pékin.
Là aussi, difficile de renoncer à ces établissements recherchés par les rejetons de la bourgeoisie chinoise. La redéfinition des relations économiques entre la Chine et le Royaume-Uni est en marche et ce sera un exercice périlleux pour les deux partenaires.
EN BREF
C’est maintenant officiel, Donald Trump a signé le décret privant Hong Kong de son statut privilégié dans ses échanges avec les Etats-Unis.
Ce statut spécial a en partie contribué à l’essor de l’archipel aujourd’hui soumis à une loi chinoise sur la sécurité contestée par la population comme par les pays occidentaux.
Pékin a annoncé son intention de prendre des mesures de rétorsion contre des entités ou des citoyens américains.
C’est aujourd’hui qu’Apple sera fixé sur les impôts qu’il doit à l’Irlande. La firme à la pomme conteste les 13 milliards d’euros d’arriérés exigés par Bruxelles. Et Dublin aussi : l’Irlande cherche à protéger son statut fiscal attirant les entreprises étrangères. C’est maintenant au tribunal de trancher.
Maderpost / Google