Le parti présidentiel fait, à nouveau, l’actualité avec l’affaire Moustapha Cissé Lô. Comme Moustapha Diakhaté, l’ancien président du parlement de la Cedeao a lui aussi été exclu du parti, pour ses injures proférées à l’encontre de certains de ses camarades de parti. Pour le Pr moussa Diaw, enseignant-chercheur en science politique, l’Alliance pour la République court un plus grand danger. Il risque de disparaître du paysage politique si certains impératifs ne sont pas réglés.
Les causes du mal : «Ce qui se passe dans le parti présidentiel est un malaise. II s’explique par plusieurs facteurs. C’est d’abord la jeunesse du parti. Son leader l’a fondé dans un contexte de marginalisation politique suite à des différends avec Wade. Il n’a pas eu le temps de l’organiser, de recruter suffisamment de personnalités pour l’accompagner dans cette mission de conquête du pouvoir et il s’est retrouvé au sommet de l’Etat tout en cumulant la fonction de chef de parti. S’il avait cédé le parti à quelqu’un d’autre, celui-ci pourrait avoir une marge de manœuvre pour l’organiser, pour le structurer et le faire fonctionner.»
Personnalités venues d’ailleurs: «L’autre problème, c’est que l’APR est un agrégat de personnalités venues d’ailleurs. Chacun vient avec sa personnalité, sa formation, sa trajectoire. Et comme c’est un parti de la majorité, il a accès aux ressources. C’est la conception qu’ils ont du pouvoir: on s’enrichit facilement. Ce qui crée des rivalités entre personnes qui n’ont pas le même tempérament, les mêmes attitudes, les mêmes comportements. Et cela déteint sur les rapports et ternit l’image du parti, de la République, du Président et l’image que les gens ont des hommes politiques.»
Le président n’a pas structuré son parti, il n’a pas encore préparé quelqu’un et on s’ait qu’il s’achemine vers son dernier mandat. Il y a des guerres de positionnement. On l’a vu avec d’autres leaders, des insultes entre leaders politiques, des coups bas parce que le président n’a pas encore préparé quelqu’un qui puisse préparer la relève et lui succéder. Donc ce sont ces facteurs qui expliquent cette tension visible au sein du parti.
Ce ne sera pas le dernier : «Cette rivalité risque de se reproduire. On l’a vu avec d’autres. Aujourd’hui c’est Cissé Lô, qui a son franc parler, qui a un comportement spécifique, qui agit sans même tenir compte d’un certain nombre de principes. Car normalement, au niveau des partis politiques il y a des règles à respecter. C’est une forme d’association des gens se regroupent pour des intérêts immédiats. Et c’est cela qui fausse le jeu et le rôle des partis politiques dans notre société.»
Quel antidote : «Si on veut renforcer la démocratie, il faudra repenser les parti politiques, faire en sorte qu’ils participent au débat contradictoire, aux débats d’idées. Il faudra les refonder en profondeur et penser à leur financement. Il faudra aussi penser au recrutement en fonction des compétences, de l’adhésion à des idées à des valeurs qui devraient constituer l’élément fédérateur de l’ensemble des éléments de la composante des partis. C’est sur cette base là qu’on peut construire quelque chose de solide pour que ce parti joue un rôle important. Sinon, il risque de disparaitre avec le départ de Macky Sall, de rester l’ombre de lui-même ou de ne pas marquer l’histoire.
Ce n’est pas un parti qui a une assise sociale. Ce qui se passe aujourd’hui avec l’affaire Cissé Lô, montre que ce n’est même pas l’image d’un parti politique, mais un agrégat d’individus, d’intérêts, qui risque de s’effriter de s’évaporer du jour au lendemain quand le président Macky Sall ne sera plus au pouvoir.»
La solution: L’exclusion n’est pas une solution durable. C’est conjoncturel. Exclure l’élément perturbateur peut-être une solution. Mais à long terme, il faudra voir pour quelle raison il y a ces dissonances dans le parti. Il faudra voir pourquoi ce parti est confronté à de tels problèmes qui sont inhérents mêmes à la nature du parti et la manière dont il est conçu et à la diversité des composantes. Avec des itinéraires et ambitions différents. C’est cela l’enjeu. A mon avis cela n’existe pas à l’Apr. Ce qui fragilise l’Apr.»
Lendemains sombres : «Cette fragilité va se renforcer davantage à l’approche de la fin du mandat du président Macky Sall tant que le parti n’est pas structuré. Pour qu’on voit la personnalité autour de laquelle tout le monde se mobilisera, pour succéder à Macky Sall. Si cela n’existe pas, on aura toujours ces frictions entre les partis, parce qu’il y a des ambitions cachées, des rivalités, des personnalités qui aspirent à avoir une position au sein de leur parti. Tant qu’on ne résout pas ce problème-là, le cas Cissé Lô risque de se reproduire à l’approche de la fin du mandat du président de la République.»
MAderpost / Igfm / Youssouf SANE