Mamadou Abdoulaye Fofana, premier présentateur du journal télévisé de l’histoire au Sénégal, s’est éteint mercredi, à l’âge de 77 ans.
NECROLOGIE – La grande faucheuse s’est invitée une fois de plus dans le monde des médias. Et a emporté dans son sillage une des icônes de la télévision nationale. Sinon, la première. Mamadou Abdoulaye Fofana, 77 ans, journaliste à la retraite de la Radiotélévision sénégalaise (Rts), s’en est allé, mercredi matin, sur la pointe des pieds. Sans préavis. Le doyen de la presse audiovisuelle sénégalaise s’est éteint dans la plus grande discrétion, à l’hôpital, des suites d’une longue maladie.
Premier présentateur du journal télévisé en 1972 sur l’ORTS (Office de radio-télévision du Sénégal) devenu Rts en 1992, Mamadou Abdoulaye Fofana, communément appelé “Fof”, laisse derrière lui l’image d’une icône, d’un modèle pour la jeune génération. L’hommage de Sada Kâne à son endroit est bien éloquent.
Sur sa page Facebook, ce “cadet” du défunt journaliste décrit un “aîné précurseur“. Il dit : “Je penserai toujours à Mamadou Fofana bien au-delà du simple journaliste (…). Il a su pour ses cadets déblayer la Voie toute nouvelle et encore mal connue dont l’attirance pouvait cependant être ponctuée d’embûches et de traquenards pour ses suiveurs, en leur tenant la main avec fermeté et empathie pour qu’ils ne s’égarent et ne se perdent point.” Une phrase toute simple, mais lourde de sens et qui résume les grandes qualités humaines de l’homme, sa générosité dans le travail et son sens inégalé du partage.
Du début à la fin
Reporter de terrain infatigable, rédacteur présentateur du journal parlé de radio Sénégal, “Fof” passera présentateur du journal télévisé en 1972, avant d’être plus tard promu rédacteur en chef. Guide des pionniers, Grand Laye, comme l’appelle Sada Kane, est crayonné dans le post-hommage sous les traits sympathiques d’un boute-en-train aux remarques bienveillantes et aux railleries toujours respectueuses.
Jérôme Diouf : “Il a guidé mes premiers pas dans le journalisme. A la télé, il était très convivial, souriant. C’est quelqu’un de très ouvert, généreux. Il connaissait bien le métier. Son franc-parler m’a beaucoup séduit. Il disait les choses sans langue de bois. C’était un journaliste au vrai sens du terme.”
“Du début à la fin. Le journalisme chevillé à l’âme, Abdoulaye Fofana savait surtout donner à l’écrit une réelle qualité, quand il présentait le journal”. Le compliment vaut son pesant. Il est de Abdoulaye Ndiaye, enseignant-formateur au Cesti et ancien de la Rts.
“Abdoulaye aimait partager avec des jeunes comme nous. Il était exemplaire dans la façon de partager tout ce qu’il avait avec les gens qui étaient autour de lui. Il était plein de vie, très ouvert et c’était un grand chambreur”, souffle Abdoulaye Ndiaye qui glisse une petite anecdote.
“Un jour, alors que nous revenions harassés d’une couverture des tournées économiques du Président Abdou Diouf, à Kolda, nous nous sommes retrouvés dans ce qu’on appelait le camp des journalistes reporters. Et durant ces moments, c’est lui qui assurait l’ambiance en racontant des anecdotes et des histoires drôles qui nous déridaient et nous faisaient oublier la fatigue accumulée durant la journée.”
Yves Jacques Sow, ancien de la RTS, en rajoute une couche : “Abdoulaye, c’était une personne agréable avec beaucoup d’humour”, confie le formateur au Cesti qui loue les qualités de fin pédagogue du défunt, frère aîné de Abdou Karim Fofana, ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique.
Avec veste et… «tiaya».
Formateur de grands noms du journalisme à l’image de Jérôme Diouf, Yves Jacques Sow, Sada Kâne ou encore Babacar Diagne, Abdoulaye Fofana était d’une sobriété et d’une discrétion exquise. Jamais son statut de fils de… ne transparaissait dans ses interactions avec ses collègues. La confidence est de Jérôme Diouf.
“Son père, Abdoulaye Fofana, était le ministre de l’Information de l’époque, mais jamais Mamadou n’en a fait cas. Il ne s’en vantait pas et se mettait toujours sur le même pied que tout le monde.” D’où l’estampille d’”homme sans âge” que lui colle Babacar Diagne.
Pour l’ancien directeur de la RTS et actuel président du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra), Mamadou Abdoulaye Fofana savait se fondre dans le moule de toutes les générations. Nous sommes en 1981, le jeune Babacar débarque fraîchement d’une école de journalisme à Lille. Il intègre la RTS et se met sous l’aile formatrice d’Abdoulaye Fofana. Il ne le regrette pas aujourd’hui et en garde de bons souvenirs. “Fofana nous a très vite adoptés. Il y avait une très belle ambiance à la RTS. On passait de longs moments ensemble, après la télévision. Souvent, on allait prendre un verre et on discutait des heures durant”, confie Babacar qui se souvient, le rire joyeux, de ce jour où il a présenté le journal en… «tiaya» (falzar).
“On avait l’habitude de laisser nos costumes et nos cravates au bureau. Ce jour-là, il est venu en tiaya et comme il devait présenter le journal, il a troqué son boubou contre une veste et une cravate, mais il a laissé le «tiaya» en bas. A la fin de l’édition, le réalisateur a fait un zoom sur le tiaya et c’était le fou rire général. A tel point que lui-même ne pouvait plus se retenir. Il s’est esclaffé de rire et nous a tous entraînés.” C’était ça aussi Mamadou Abdoulaye Fofana. Adieu Doyen !
Ndèye Fatou SECK