Une cohabitation très heurtée entre deux femmes a abouti au drame avec la mort de l’une d’elle, brulée au deuxième degré après avoir été ébouillantée avec de la bouille de riz communément appelé « Sombi ». La mise en cause, légèrement blessée, a été interpellée et placée en garde à vue à la Police de Thiaroye, après une courte cavale.
VIOLENCE – Touba-Thiaroye, du nom de ce quartier populaire situé dans la commune de Djeddah-Thiaroye-Kaw, est encore sous le choc après la mort de Khadimatou Diallo, connue sous le nom Aïssatou Bobo Diallo.
Une mort qui, selon les confidences des voisins, pouvait être évitée si les menaces que les deux dames se faisaient régulièrement étaient prises au sérieux. A chaque fois qu’elles se sont accrochées, de bonnes volontés s’investissaient pour un règlement à l’amiable. Le différend a ainsi persisté jusqu’à ce que l’une d’elle se retrouve six pieds sous terre.
A Touba-Thiaroye parcouru dimanche par “L’Obs”, on souffle que Khadimatou Diallo et sa colocataire Mariam Sall, toutes deux mariées, s’étaient déjà accrochées dans le passé. “Elles en étaient à leur quatrième bagarre”, confie Ibrahima Maïga, habitant dans la même maison et témoin de la dernière bagarre dont l’issue a été, cette fois, dramatique.
Coups de couteau contre morsures
Lors du premier accrochage survenu il y a douze mois, les deux dames s’étant retrouvées dans la cuisine, se jettent violemment l’une sur l’autre. Devant leurs cohabitants horrifiés.
Beaucoup plus forte, Khadimatou Diallo maîtrise alors sa colocataire Mariam et lui flanque deux coups de couteau. Dans une mauvaise posture pour éviter que les coups de couteau ne tombent encore sur elle, Mariam Sall laisse alors traîner ses dents sur la poitrine de son antagoniste.
Blessées toutes les deux, elles sont évacuées au poste de santé de la localité, située à un jet de pierre de leur domicile. Trois jours plus tard, on pense l’incident clos après une rencontre à laquelle ont pris part leurs deux époux.
“Nous avons provoqué une rencontre et avons tancé leurs deux époux leur demandant de prendre leur responsabilité avant que l’irréparable ne se produise”, a expliqué hier Ibrahima Maïga.
Hélas par deux fois, les deux dames qui se vouent une haine viscérale, vont à nouveau s’accrocher. Cette fois, lassé de jouer la médiation entre les deux dames, Ibrahima Maïga alerte le délégué de quartier qui, à son tour, informe la Police de Thiaroye.
Arrêtées, Khadimatou et Mariam sont ainsi embarquées dans le véhicule de police et conduit au commissariat de Thiaroye. Là-bas, des engagements sont pris de part et d’autre, la plainte enregistrée et l’apaisement privilégié par l’enquêteur. “Depuis, elles s’étaient calmées”, confie Ibrahima Maïga, loin de se douter que ce n’était en réalité qu’un calme apparent qui précède souvent la tempête.
Soupe de pomme de terre contre bouillie de riz
Le vendredi 08 mai dans l’après-midi, les deux dames cuisinent chacune de son côté. Khadimatou Diallo, dans la cour exiguë de la maison, surveille sa marmite remplie d’eau dans laquelle elle a plongé des pommes de terre.
De son côté, Mariam Sall, retirée dans la cuisine, est penchée sur un bol à soupe avec couvercle dans lequel elle prépare de la bouillie de riz (Sombi). Aux environs de 17 heures, le ton monte encore entre les deux dames.
Elles s’injurient copieusement, puis sans crier gare, Khadimatou s’empare de sa marmite remplie d’une soupe de pomme de terre qu’elle déverse sur sa colocataire avant de lui tourner le dos pour tenter de s’enfuir.
Hélas, elle n’ira pas loin. Malgré la douleur et décidée à se venger, Mariam n’hésite pas. A son tour, elle arrache de la bonbonne de gaz le bol à couvercle remplie de bouillie de riz, poursuit Khadimatou et lui déverse la bouillie sur le dos. Dans la mêlée, un jet de cette chaude bouillie de riz atterrit sur une gamine de quatre ans qui hurle de douleur et court se réfugier dans la chambre.
Le papa de la gamine, alerté par les cris de douleur, raconte la suite : “J’étais en train de nettoyer l’enclos, quand j’ai entendu les cris de douleur de ma fille. J’ai tout de suite compris qu’il se passait quelque chose de grave. C’est ainsi que j’ai immédiatement quitté l’enclos et, à mon arrivée dans la cour de la maison, j’ai vu Khadimatou, hurlant de douleur, se rouler au sol. Ma fille, je l’ai retrouvée dans les bras de sa mère, le cou et la poitrine brûlés”, a confié hier Ibrahima Maïga, père de la gamine.
Dans le quartier, les secours s’organisent. Évacuée au poste de santé de Thiaroye-Minam, Khadimatou, le corps en feu, est acheminée au centre de santé “Talla Diop” (ex Dominique) de Pikine où le médecin traitant la réfère à l’hôpital Idrissa Pouye (Ex-Cto).
«Il y a bien longtemps que je n’ai plus revu de telles brûlures, comme si cette dame avait été écorchée vive»
Au poste de santé de Thiaroye-Minam, l’infirmier-chef de poste, encore sous le choc, a cherché ses mots hier pour décrire les brûlures constatées sur le corps de Khadimatou : “C’était atroce. C’est comme si on avait cherché à lui enlever la peau. elle paraissait écorchée vive.”
A l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff, Khadimatou Diallo, prise en charge dès son arrivée, est retenue quelques jours avant d’être autorisée à retourner à son domicile avec des rendez-vous périodiques référés au centre de santé “Talla Diop” de Pikine pour des soins.
Hélas au bout de six jours, les plaies occasionnées sur son dos par les brûlures tardent à guérir, elle se déshydrate peu à peu et sombre dans le coma dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 mai 2020.
Soit une semaine après avoir été ébouillantée avec de la bouillie de riz. Dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 mai, elle succombe à ses brûlures. La Police de Thiaroye, alertée et saisie par une plainte déposée par la famille de la défunte, se déploie à Touba-Thiaroye que Mariam Sall avait déserté.
“Dès qu’elle a appris la mort de Khadimatou, elle a été évacuée par ses proches, de peur qu’elle ne subisse des représailles”, informe Alpha Diallo alias «Général», frère de la défunte Khadimatou. Pour la retrouver, les éléments de la Police de Thiaroye obligent le frère de la fugitive à les mener à sa cache où elle a été arrêtée et conduite au commissariat. Elle a été placée en garde à vue.
ALASSANE HANNE & AMARY GUEYE
Ce que dit le rapport d’autopsie
Peu avant son enterrement qui a eu lieu samedi dernier en fin d’après-midi, l’autopsie médico-légale effectuée au laboratoire d’Anatomie et de cytologie pathologique de l’hôpital Idrissa Pouye a révélé que la mort de Khadimatou, Diallo âgée de 30 ans, “est le résultat de la présence de brûlures thermiques du deuxième degré sur environ 35% du revêtement corporel à la face postérieure du tronc et de la racine des membres supérieure”. Khadimatou Diallo était également porteuse d’une “cardiopathie hypertrophique modérée”. En termes plus clairs, elle était une cardiaque non diagnostiquée.
Maderpost / IGFM/ L’OBS / A.HANNE & A. GUEYE