Choisir la Chine pour sa première visite d’État à l’étranger les 3 et 4 septembre 2024, en marge du Sommet Chine/Afrique du 5 au 6, est un coup double pour le Président Bassirou Diomaye Faye ainsi que pour Pékin, qui en profite pour doubler la France, voire l’Europe sur la Destination Sénégal de plus en plus prisée dans les bureaux de la haute finance et d’investissements internationaux.
COOPERATION – On voit de là les rues de Pékin, l’avenue Chang’an, Tian’anmen, la place éponyme au nord, et les provinces où se rendra Diomaye dans le cadre de sa visite d’Etat en Chine, s’ouvrir aux couleurs sénégalaises. Offrant aux Pékinois, étrangers et yeux de tous, trois bandes, verte, or, rouge, verticales et égales avec au centre de la bande or une étoile verte à cinq branches.
De quoi rendre fiers les Sénégalais et quelque peu interrogatifs les partenaires français, autres Européens et Américains, qui se demanderont qu’est-ce que Xi Jinping pourrait bien proposer à son jeune homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye à qui il s’est signalé le 28 mars 2024, quatre jours après sa brillante victoire au premier tour de la présidentielle, pour le féliciter et lui présenter les vœux du peuple chinois ainsi que les siens.
La vista de Xi Jinping
Quand on sait qu’une visite d’Etat dans l’Empire du milieu relève du plus haut niveau protocolaire de la République populaire de Chine, on ne peut que se poser des questions, quand on est de l’Occident, sur les motivations profondes du très fin et rusé prince du Parti communiste devenu président, avec une reconduction historique pour un troisième sans précédent obtenu au terme du 20e congrès du parti à l’unanimité des quelque 3000 députés votant.
A tout le moins, Xi Jinping est non seulement un « monstre politique », mais encore une chance pour la Chine au point qu’elle en vienne à accepter sa remarquable ascension, qui en a fait le dirigeant le plus puissant de tout le pays, et de la Chine la deuxième puissance économique mondiale pouvant bien devenir la première puissance de la planète, selon la Banque mondiale.
Excusez du peu, c’est avec ce grand Monsieur de l’Empire du milieu que le jeune président sénégalais (44 ans) va discuter, lors de la Visite d’Etat, sa première depuis qu’il est chef d’Etat. Si ce n’est un coup de maître de Xi Jinping. Macron doit s’en mordre les droits. Ce d’autant que Diomaye n’est pas M…
Surtout au moment où le Sénégal balbutie ses lettres politiques et ses chiffres de finance. Tout n’est pas rose. Loin de là. La situation économique du Sénégal est telle que Diomaye Faye a demandé la suppression du Conseil économique, social et environnemental et du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT).
Une proposition qui a été du reste rejetée ce samedi 31 août 2024, par la Commission des lois de l’Assemblée nationale. La plénière nous en dira davantage lundi prochain.
Pour confirmer la dèche sèche du trésor, le Premier ministre en a rajouté une couche la veille, annonçant l’adoption de nouvelles directives visant à mettre fin au gaspillage dans l’administration publique lors d’une réunion interministérielle dédiée à l’économie d’énergie.
Fini les frigos bars, machine à café, téléviseurs dans les bureaux. L’heure est à l’austérité, aux comptes d’épicier.
Quand on a une masse salariale mensuelle de l’administration publique de 172 milliards FCFA, une dette globale avoisinant les 180 milliards FCFA à payer chaque mois, un fonctionnement (papier, consommables, carburants, factures de téléphone fixes et mobiles, loyers au Sénégal, représentations diplomatiques à travers le monde, etc.) à faire perdre la voix, une facture de l’énergie oscillant entre 80 et 100 milliards FCFA le mois, le budget d’investissement ne devient qu’une misère. La troisième alternance ne peut pas ne pas réaliser dans les meilleurs délais des infrastructures. Que dira le peuple si rien de visible ne sort du Projet. Cette visite d’Etat en Chine est une aubaine pour le tandem pour qui les temps sont durs et pas que pour eux.
C’est faisant face à ce tableau socio-économique tendu que Diomaye Faye se rend en Chine pour une visite d’Etat. Que va lui offrir Xi Jinping qui l’a invité coupant l’herbe sous les pieds de Paris ?
Chine/Sénégal, du classique au moderne
Les canaux officiels parlent d’une visite dans le cadre du « renforcement des relations d’amitié et de coopération entre le Sénégal et la Chine ». Moins prosaïque, d’un partenariat stratégique global. Rien de plus vrai, mais rien de mieux à parfaire aussi pour un nouveau paradigme Chine/Sénégal.
Cette visite sera pour le grand Xi Jinping et le jeune Diomaye Faye l’occasion d’abord de se découvrir, de se jauger, ensuite et enfin de s’apprécier et d’apprécier le champ des possibles s’offrant aux parties. Avec une constante cependant pour le président sénégalais : faire en sorte de frapper un grand coup bilatéral afin que les échanges gagnant-gagnant à tout point de vue ouvrent de meilleures perspectives d’investissements chinois massifs.
Une telle prospective renforcées par de nouvelles perspectives invitent les deux parties à collaborer dans des domaines aussi stratégiques que structurants
Cette visite qui est l’occasion pour les deux chefs d’État de discuter de « questions bilatérales d’intérêt commun et de définir de nouvelles perspectives de collaboration dans des domaines stratégiques pour nos deux pays », devra rapidement livrer ses fruits.
Li Yan, ministre conseiller à l’ambassade de Chine au Sénégal donne le tempo : « Cette première visite en Chine du président Bassirou Diomaye Faye revêt une importance particulière et illustre le niveau élevé du partenariat stratégique global sino-sénégalais et la grande importance que nos deux pays attachent au raffermissement de leurs relations ».
Le mot est lâché : première visite. Pékin entend renforcer l’axe Dakar. Ce d’autant que la Corne de l’Afrique est en mode surchauffe. L’ambition de l’Éthiopie de construire un barrage massif sur un affluent du Nil qui pourrait perturber les flux d’eau vers l’Égypte et le Soudan fait craindre le pire. Le Caire a dépêché en Somalie deux avions bourrés d’armes.
Pékin, un bon partenaire pour le tandem
Ainsi, la transformation systémique qui tient à cœur le tandem Diomaye/Sonko devra trouver un écho favorable à Pékin, dont la vision du long terme des relations bilatérales peut effectivement cheminer avec « Vision 2050 » dudit tandem. Avec un Xi Jinping président à vie, tout peut se discuter pour le bien des deux parties. Diomaye a les cartes en main. A lui de s’en servir. Ce d’autant que la bataille BRICS/Occident fait rage. Le dollar n’est plus en odeur de sainteté. Tous les regards sont toutesfois braqués sur lui.
Le renforcement de l’axe Pékin/Dakar trouvera toutefois ses lettres de noblesses s’il regroupe le commerce, la technologie, le digital, la sécurité, la cybersécurité, l’énergie renouvelable, l’environnement, entre autres, dans une véritable coopération stratégique des deux capitales.
Concernant le commerce, il ne pourra être gagnant-gagnant que si l’accès au marché chinois s’offre davantage grâce aux négociations qui déboucheront sur des conditions favorables pour les exportations sénégalaises d’arachide, de poisson, de produits agricoles pour ce qui concerne les matières premières.
A cette fin, le Sénégal peut poser sur la table l’extension de quotas ou alors des accords tarifaires préférentiels pour stimuler sa croissance.
Côté investissements chinois, qui seront de plus en plus surveillés de près par certaines capitales occidentales, Dakar devra en tirer grand parti pour les infrastructures, l’industrie manufacturière, l’énergie, l’agroalimentaire, le renforcement des capacités de production locale.
Faut-il dire que le modèle chinois s’invite pour une industrialisation locale, et ce avec l’appui d’entreprises chinoises et des montages financiers assujettis à des capitaux mixtes dans des zones économiques spéciales. Une telle réalité favorisera la création d’emplois, mais encore la valeur ajoutée des exportations et cerise sur le gâteau, elle campera les termes du transfert technologique.
De plus, les partenariats technologiques et digitaux devraient être discutés, avec en lame de fond, le transfert de technologies dans les secteurs des télécommunications, de l’intelligence artificielle, des infrastructures numériques.
Avant-gardiste dans le champ numérique, le Sénégal pêche par contre dans l’optimisation de son économie numérique. De ce point de vue, Huawei ou Alibaba, peuvent permettre d’accélérer la digitalisation de l’économie, du foncier, de l’états-civils, de la fiscalité, la sécurité. La santé, etc. Une telle réalisation permettra aux services financiers de tirer meilleur parti, dans les secteurs de l’éducation et de la santé avec la possibilité de tenir une base de données essentielles aux politique éducative et sanitaire en vue d’investissements rationnels.
Du point de vue de la formation et de l’éducation, il y a beaucoup à apprendre et prendre chez les Chinois.
Dans ce cadre, des partenariats peuvent s’établir auprès d’institutions chinoises, dans le domaine de la formation en ingénierie, informatique, et autres compétences numériques en vue de renforcer la main-d’œuvre sénégalaise pour une meilleure compétitivité à l’échelle africaine, voire mondiale.
La sécurité aux frontières, notamment le Sud-Est, peut être aussi dans le pipeline de la coopération Pékin/Dakar. Certes, les questions sécuritaires font très peu cas de l’assistance militaire chinoise. Rien n’est dit à ce propos, mais il est évident que le Sénégal pourrait bénéficier de l’expertise chinoise en matière d’équipements militaires modernes, notamment pour renforcer ses capacités de défense maritime, compte tenu de sa façade atlantique et du pétrole au nord.
Paris sera sur les dents, tout comme Washington, dont le secrétaire à la sécurité nationale des Etats-Unis, Jake Sullivan, a anticipé le Sommet Chine/Afrique, comme par un pur hasard, en faisant récemment un voyage à Pékin pour discuter du « nouveau cycle de communication stratégique entre la Chine et les Etats-Unis avec Yang Tao directeur général du Département des affaires de l’Amérique du Nord et de l’Océanie du ministère chinois des Affaires étrangères (MAE) ».
Pékin est surveillée comme du lait sur le feu. Il n’y a pas l’ombre d’un doute.
Qui dit sécurité aux frontières prévient la cybersécurité. Les attaques contre le Sénégal sous l’ère Macky Sall invite à renforcer les infrastructures afin de se prémunir contre les menaces numériques.
La collaboration dans les énergies renouvelables, le solaire, les infrastructures vertes l’environnement sont autant de termes de négociations, si elles en sont, qui devront être aussi soutenues qu’équilibrées ce d’autant qu’elles sont cruciales pour les nouvelles autorités et le Sénégal dont la dette avoisine les 80% du PIB.
Ce n’est qu’après cette visite d’Etat dont les deux parties attendent beaucoup que le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye pourra participer avec confiance et sérénité ensuite au sommet du Forum sur la Coopération sino-africaine (FOCAC) à Beijing du 4 au 6 septembre 2024.
Maderpost / Charles Faye