On entend souvent dire que l’élection présidentielle est le rendez-vous d’un homme avec son peuple. Mais pour le Professeur Mbaye Thiam, historien, archiviste, enseignant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, cette élection était le rendez-vous de Ousmane Sonko et le peuple. « Pour faire honnête, intellectuellement, c’était le rendez-vous d’Ousmane Sonko avec le peuple sénégalais ». Il était l’invité de l‘émission Jury du dimanche.
PRESIDENTIELLE 2024 – « Le rendez-vous d’Ousmane Sonko et d’un candidat choisi dans les formes, les modalités et les procédures de Macky Sall. Parce que ce qu’on attendait depuis pendant 4 ans, de 2021 à 2024, c’était des élections présidentielles opposant Ousmane Sonko à Macky Sall. Macky Sall s’en est retiré, Ousmane Sonko a été éliminé. Il restait quoi ? Un candidat de la mouvance Pastef-Yewwi, un candidat de la mouvance présidentielle.
Malheureusement, les citoyens sénégalais ont traduit l’élection de dimanche dernier en un plébiscite, en un référendum entre un candidat qui est celui de la mouvance Pastef, symbolisé du point de vue du profil par Ousmane Sonko.
C’est bien Diomaye qui a été élu, mais il a été élu sur le profil d’Ousmane Sonko », a déclaré le professeur.
Sur une question de savoir est-ce que c’est une révolution ? Il a expliqué : « ce n’est pas une révolution pour moi mais c’est une évolution en termes de rupture mais ça n’atteint pas une révolution.
La révolution est un changement radical de système de gouvernance, un changement radical de prise en charge des priorités de prise en charge du pays. Il est évident et moi je le pense le plus sincèrement du monde qu’il va y avoir sur des questions essentielles de la rupture. (…).
« Pourquoi il faut rendre hommage au peuple sénégalais »
« Dimanche dernier, dans une ferveur extraordinaire, le peuple sénégalais s’est levé, a élu de manière très claire, sans équivoque, un nouveau président de la République, dont l’une des particularités est qu’il est le plus jeune président élu depuis l’indépendance de notre pays.
Autre particularité très marquante pour un historien, c’est qu’il est sorti de prison dix jours avant, même s’il était candidat en prison. Mais la première des observations que l’on peut tirer de cela, c’est un hommage qu’il faut qu’on rende au peuple sénégalais.
Le peuple sénégalais a montré, malgré tout ce qu’on a dit dans les quatre dernières années, que c’est un peuple majeur. C’est un peuple profondément attaché à la démocratie. C’est un peuple qui s’intéresse à ce qui se passe politiquement dans son espace. C’est surtout un peuple de citoyens aux valeurs républicaines et aux valeurs sociales », a-t-il dit sur les ondes de la 90.3 Iradio.
Selon l’historien, personne n’aurait pu imaginer, il y a trois mois, avec tout ce qui s’est passé au Sénégal, qu’on allait traverser un dimanche aussi calme, un dimanche aussi décisif, au sortir duquel, dès les premières escarmouches à la fermeture des bureaux de vote, on sentait l’acte.
« Et ça, indique-t-il, c’est d’abord et avant tout la mobilisation du peuple sénégalais souverain qui nous a permis d’arriver à cela. Évidemment, une des choses essentielles qu’on aura à noter, c’est que, alors qu’on nous promettait un scrutin serré, parce qu’il y avait beaucoup de candidats, 19 candidats, alors qu’on nous promettait un scrutin violent, parce que les frontières entre les différentes parties étaient extrêmement tracées, alors qu’on nous promettait tout et son contraire, les Sénégalais ont surpris le monde en votant. En votant calmement, en votant librement, sans aucune violence, sinon quelques escarmouches ici et là, et effectivement, on plébiscitait quelqu’un dont le mérite aura été de remporter les élections pour la première fois en sortant de prison, mais au premier tour.
Ça, c’est essentiel. D’habitude, dans nos contrées, c’est le candidat du pouvoir qui arrive en première position, même s’il ne gagne pas, et qui est en deuxième tour. Ici, c’est le candidat sorti de l’opposition avec des limites objectives liées à un contexte extrêmement complexe, mais qui se retrouve au premier tour et qui bat le candidat de la majorité avec quand même un score assez appréciable, 54 et quelques pourcents.
C’est tout à fait important. Parce qu’en réalité, ça ne peut plus être la réussite d’un homme. Ce n’est plus la réussite d’un parti, d’une coalition, mais c’est la réussite d’un peuple qui a dirigé sa vision sur un homme en lui faisant confiance », affirme l’historien.
Maderpost / Emedia