Siège du gouvernement sénégalais, le building administratif Président Mamadou Dia ne sera pas au rendez-vous de la prise de pouvoir du nouvel homme fort du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Le building administratif croulant alors sous le poids de l’âge, la rénovation et restauration de l’infrastructure ont été engagées en 2014. Initialement arrêté à 17 milliards de FCFA, ce projet aura finalement coûté au contribuable sénégalais plus de 43 milliards de FCFA.
GOUVERNEMENT – Sans que le bâtiment moderne, conservant son architecture d’origine, ne soit fonctionnel, puisqu’un incendie qui s’y est déclaré, le jeudi 26 août 2021, a conduit à l’évacuation de l’édifice, entrainant par la même de nouvelles dépenses de l’ordre de 8 milliards de FCFA pour la réfection des dégâts causés par ce sinistre. Ce qui fait que le projet de réhabilitation du siège du gouvernement du Sénégal aura valu environ 50 milliards de FCFA, sans le résultat escompté. Du moins jusque-là, surtout que l’Etat a engagé, entretemps, un autre projet de Sphères Ministérielles à Diamniadio, à coût de plusieurs milliards de FCFA aussi.
Alors que le président nouvellement élu du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, prendra le témoin (pouvoir) de son désormais futur prédécesseur à la magistrature suprême, Macky Sall, le 2 avril prochain, le building administratif Président Mamadou Dia est toujours non fonctionnel, hors d’usage. Siège du gouvernement sénégalais, le building administratif est un bâtiment historique de 10 étages construit durant la période coloniale, en 1953. Abritant alors le gouvernement de l’Afrique Occidentale Française (AOF), ce building accueille, depuis son accession à la souveraineté internationale, la Primature et les principaux ministères du Sénégal ainsi que les Archives nationales. Cependant, présentant des signes d’insécurité, du fait de sa «vétusté» due à son âge, entre autres, le régime du président Macky Sall a engagé sa réhabilitation et sa rénovation aux normes modernes, tout en conservant son architecture d’origine. Seulement, ce projet a englouti plus de 43 milliards de FCFA, compte non tenu des dépenses engagées depuis l’incendie d’août 2021 ayant entrainé l’évacuation de l’immeuble.
En effet, dans une lettre adressée à la presse le 4 octobre 2014, aux premières semaines des travaux de réfection, le Comité de pilotage de ce projet de réhabilitation annonçait 17 milliards de FCFA pour le financement des travaux. Expliquant les procédures d’attribution des marchés de ces travaux, on affirmait qu’après l’accomplissement des formalités liées à l’approbation, «le marché a été immatriculé et les travaux de réhabilitation du building administratif sont en cours d’exécution. Ils portent sur tous les corps d’état de l’immeuble pour un coût de dix-sept (17) milliards de FCFA».
Seulement, des années plus tard, le 28 août 2018, le député Mamadou Lamine Diallo, par ailleurs leader de mouvement Tekki, publie sur Facebook que ces travaux vont coûter plus de 40 milliards de FCFA à l’Etat. «La politique économique, ce n’est pas de l’improvisation. L’exemple le plus édifiant est le Building administratif Mamadou Dia. Sa rénovation va coûter plus de 40 milliards, pour un marché initial de 17 milliards (de FCFA)». Un post qui a suscité beaucoup de réactions interpellant les autorités à édifier les Sénégalais sur le coût réel de cette rénovation.
DE 17 A 40 MILLIARDS DE FCFA : LES CONTOURS DE LA RENOVATION EN CHIFFES
Après recoupements faits à partir de documents officiels, Africa Check confirme des dépenses avoisinant les 40 milliards de FCFA. Il s’agit notamment de la base de données de la Direction centrale des marchés publics (DCMP) qui, au chapitre des travaux, répertoriés en 2013, mentionne, au titre de «Réhabilitation et extension du Building administratif», l’attribution d’un marché à Bamba Ndiaye SA pour un montant de «30 446 138 298 FCFA» TTC (toutes taxes comprises) ; pour les prestations intellectuelles, une «convention de maîtrise d’ouvrage déléguée relative aux travaux et à la supervision du projet de réhabilitation et d’extension du building administratif de Dakar» est attribuée en 2015 par la «Primature/Secrétariat général du gouvernement» à l’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (AGETIP) pour un montant de 466 000 000 de FCFA TTC.
En 2016, un marché complémentaire au marché relatif à la réhabilitation et extension du building administratif a été attribué à Bamba Ndiaye SA pour une valeur de 2 048 955 508 de FCFA TTC. Pour les travaux, en 2017, le deuxième avenant au marché relatif à la réhabilitation et extension du building administratif a également été attribué à Bamba Ndiaye SA pour une valeur de 6 437 545 198 de FTTC. Faisant le calcul, les documents officiels consultés par Africa Check «renseignent que le coût actuel de la réhabilitation s’élève, au moins, à 39 milliards 398 millions 639 FCFA (toutes taxes comprises), soit plus que le coût initial du projet (17 milliards de francs CFA) annoncé en 2014».
L’actuel ministre du Commerce, alors Directeur général de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat (AGPBE), Abdou Karim Fofana, s’exprimant lors de la cérémonie d’inauguration de la deuxième Sphère ministérielle de Diamniadio, le 16 janvier 2019, déclarait que «la réfection du building administratif, toutes taxes comprises (TTC), c’est 40 milliards. Mais, la réalité, c’est que le marché est libellé en TTC, mais il n’est payé qu’en hors taxe», avait-il dit. Ce qui est contraire aux allégations du ministre des Finances et du Budget d’alors, Abdoulaye Daouda Diallo, qui, de passage à l’Assemblée nationale, le 28 novembre 2019, affirmait que le coût officiel de la réfection est de 30,4 milliards FCFA dont une partie financée par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD).
L’INCENDIE, L’EVACUATION DU BULDING, ET LA RALLONGE DE LA FACTURE A ENVIRON 50 MILLIARDS
La polémique, loin de s’estomper, est revenue au-devant de l’actualité, suite à un incendie qui s’est déclaré au 10ème étage de ce siège du gouvernement déjà rénové, le jeudi 26 août 2021. Dans les colonnes de Walf Quotidien, le 14 mai 2022, le secrétaire général du gouvernement d’alors admettait que les travaux ont coûté environ 43 milliards de FCFA. Mais, il s’est empressé d’ajouter que cette rallonge était justifiée. «La première évaluation a été faite, une proposition d’entente (retenue) pour des travaux précis, évalués à 17 milliards de FCFA». Par la suite, selon lui, le gouvernement a émis le vœu de voir le bâtiment devenir «moderne, classé ‘’édifice à grande hauteur’’, pour des exigences et des conditions précises», et autonome en énergie. «Ces travaux supplémentaires étaient au départ «évalués à 20 milliards» avant que la facture passe à «moins de 30 milliards».
Par ailleurs, force est de rappeler que la réfection du building a aussi dépassé les délais initialement prévus. L’ordre de service de démarrage des travaux a été émis le 6 septembre 2013 ; mais, ils n’ont commencé qu’en mars 2016, soit presque 3 ans de retard. Une lenteur qui s’explique, en partie, par le temps consacré au déménagement des Archives nationales. Bref, la réhabilitation du building administratif aura duré tout au moins 5 années (2014-2019) et des dizaines de milliards de FCFA. Réceptionné en janvier 2019, par le président Macky Sall, le building administratif Président Mamadou Dia n’aura été occupé que moins de 2 ans, puisqu’en août 2021, le 10ème étage dudit building a pris feu. Il en ressortira que le montant des réparations est arrêté à la somme de 8 milliards de FCFA. Une somme qui, associée aux 40 ou 43 milliards de FCFA (c’est selon) annoncés pour sa réhabilitation, donnent un montant global avoisinant au moins les 50 milliards de FCFA engloutis par le siège du gouvernement sénégalais new-look.
Quand la réhabilitation du bâtiment fut complète, du renforcement de sa structure au réaménagement des pièces et de l’espace suivant les normes de construction, de sécurité et d’isolation les plus modernes prévues, avec un nouveau parking de 174 places construit sur deux niveaux pour l’occasion, les autorités ont relevé que le projet a pour finalité de contribuer à l’amélioration du cadre de travail et de la productivité des agents de l’Administration. Le projet est financé par l’Etat du Sénégal à hauteur de 17% et la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) à hauteur de 82,3%. «Les objectifs visés sont les suivants : Améliorer le confort du cadre de travail et la sécurité du Building Administratif, Réduire les dépenses énergétiques de l’immeuble, Regrouper les services clés de l’Administration sénégalaise, Sécuriser les archives nationales». De sources généralement bien informées, il était prévu que les occupants reviennent avant fin 2022, mais rien n’a été effectif jusqu’ici. Un mystère plane toujours autour de la remise des clefs de ce bâtiment imposant en face du Palais présidentiel, longtemps soutenu par des échafauds dont la location coûte cher à l’Etat.
LES SPHERES MINISTERIELLES DE DIAMNIADIO, UN «DOUBLON» DU BUILDING ADMINISTRATIF ?
Pendant ce temps, l’Etat dépense des centaines de millions, voire des milliards par mois/an, pour loger des ministères et autres services déguerpis dont certains travaillent dans des conditions peu enviables. Même si, parallèlement, les Sphères Ministérielles de Diamniadio (SMD), dont les travaux ont été lancés officiellement par le chef de l’Etat Macky Sall, le lundi 26 décembre 2016, ont été réceptionnées. Les SMD devrait devenir le «nouveau carrefour administratif», avec 120.000 m2 d’espaces de bureau, 10.000 fonctionnaires et devant héberger 15 ministères. Le site de ce «nouvel environnement humain et écologique» doit abriter un «ensemble harmonieux de 4 immeubles intelligents R+8 à usage de bureaux qui seront entièrement meublés et équipés». Leur livraison prévue fin 2018, la deuxième SMD a été inaugurée le 16 janvier 2019. Certains départements dont les ministères l’Agriculture et de l’Equipement rural, de l’Enseignement supérieur et la Recherche, de l’Education nationale, du Tourisme et des Transports aériens, des Infrastructures et des Transports terrestres, de la Pêche et de l’Economie maritime et celui des Mines et la Géologie ont été déjà délocalisés à Diamniadio.
Maderpost / SudQuotidien