Six jours après la décision du Conseil constitutionnel sur l’impossibilité de reporter l’élection présidentielle suivi de l’engagement du Chef de l’Etat Macky Sall de prendre “acte” et d’“exécuter pleinement” les décisions des 7 Sages, c’est le statu quo. Le flou persiste toujours sur la date de la tenue de la présidentielle plongeant l’arène politique dans un imbroglio dangereux.
PRESIDENTIELLE 2024 – Dans cette décision, le Conseil constitutionnel, dans son considérant 20 indique : “considérant que le Conseil constitutionnel, constatant l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue, invite les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais”.
Le Président de la République, Macky Sall avait pris acte de cette décision n° 1/C/2024 du Conseil constitutionnel et promis de l’exécuter pleinement.
Seulement, les jours s’enchainent et l’échéance du 2 avril s’approche et jusqu’à présent pas l’ombre d’un décret du chef de l’Etat convoquant le collège électoral.
Pire aucune velléité de volonté allant dans ce sens n’est palpable ou ressentie.
Jamais deux sans trois !
Cette situation troublante mérite des interrogations d’autant plus qu’il y a un adage qui dit jamais deux sans trois.
En octobre dernier, la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) avait invité la Direction générale des élections (DGE) de délivrer des fiches de parrainage à Ousmane Sonko. Une décision que la DGE n’avait pas exécutée sous prétexte que le maire de Ziguinchor n’était pas sur le fichier électoral.
“La DGE n’avait pas remis de fiches de parrainage au mandataire de Monsieur Ousmane SONKO du fait que ce dernier n’était pas sur les listes électorales. D’ailleurs, cette position de la DGE a été confirmée par l’ordonnance n° 23 du 06 octobre 2023 du Président de la première chambre administrative de la Cour suprême”, s’était défendue l’administration.
Pourtant, le tribunal de Grande instance de Ziguinchor avait statué en faveur de l’annulation de la radiation d’Ousmane Sonko.
Une décision qui a, par la suite, été cassée par la Cour suprême qui avait renvoyé les deux parties devant le tribunal hors classe de Dakar. Bref, encore une décision de la justice non exécutée par l’administration.
Chat échaudé craint l’eau froide !
Le président de la République Macky Sall serait-il sur cette logique de refus d’obtempérer des décisions de la justice ? Tout porte à le croire car quand un taureau noir tue votre grand père, il n’y a pas de honte à fuire quand une bête noire se dresse devant vous fut-elle douce.
Macky Sall se terre derrière son dialogue pour gagner du temps et rester au pouvoir par A (continuer au-delà du 2 avril par le subterfuge du dialogue) ou par B en démissionnant à quelques jours de l’échéance pour laisser le pouvoir entre les mains du Président de l’Assemblée nationale qui aura 90 jours au plus pour organiser des élections.
Le jeu trouble du pouvoir
Le moins que l’on puisse dire est que le pouvoir, en l’occurrence le président de la République, avance dans un clair-obscur nuisible pour la démocratie.
D’un côté, il matérialise sa volonté de pacifier l’espace public avec la libération de plus de 300 prisonniers qualifiés de “détenus politiques” par une bonne frange de l’opposition et de la société civile et fait semblant d’accepter la décision du Conseil constitutionnel.
De l’autre, il avance lentement mais surement vers un report plus ou moins diplomatique de la présidentielle en concussion avec un certains nombres de leaders politiques, de lobbying qui ne dit pas encore son nom.
La stratégie de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine
Dans tout ça, Macky chercherait à nous glisser de cet imbroglio présidentiel vers un imbroglio politique où le brouillard du dialogue rendra vague l’interprétation des termes “meilleurs délais” employés par les 7 Sages pour la fixation de la nouvelle date pour la présidentielle.
C’est quand le meilleur délai ? Eh bien voici ce qu’en dit Aissata Tall Sall, Garde des Sceaux, ministre de la justice et vice-présidente du conseil supérieur de la magistrature : “C’est lorsque les acteurs du dialogue se mettront ensemble et diront ce qu’ils pensent des meilleurs délais. Moi j’ai ma façon de penser les meilleurs délais, mais ce n’est pas ça qui intéresse. Aujourd’hui, le président de la République a sa façon de penser, il aurait pu dire voilà ce que je pense et l’imposer, mais il a trouvé que c’était plus sage de réunir tous les acteurs et de s’entendre“.
D’alliance contre nature à silence douteux !
Après la publication officielle de la liste des 20 candidats retenus par le Conseil constitutionnel, l’horizon dégageait des perspectives pour des élections à date échue malgré les réclamations des candidats “spoliés” puis que le chef lui-même les avait répondus que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recourt et s’appliquent aux autorités administratives.
Déjà, qu’on le veuille ou non, le doute plane sur la candidature d’Amadou Ba accusé de corruption avec deux juges du Conseil constitutionnel. La fronde grandie de jour au lendemain au sein de Benno Bokk Yaakaar (BBY). Amadou Ba semble être le mouton de sacrifice qui regarde arriver le mal avec nonchalance. La récente sortie de Souleymane Ndiaye Dg de la Sapco conjuguée avec la position de Mame Mbaye Niang et la posture des parlementaires de BBY sur la commission d’enquête parlementaire du PDS confortent cette thèse.
De l’autre, le dialogue semble titaniser les esprits au point que certains ont peur d’en parler en public. Les quelques exceptions se brouillent, contredisent dans leurs dits justifiant à suffisance la fissure de plus en plus béante que le dialogue installe dans leurs rangs.
Le silence d’Ousmane Sonko, lui qui faisait saliver et couler beaucoup d’encre sur des sujets moins préoccupants, en dit long devant cette farce qu’on concocterait sur le dos des sénégalais.
A cela s’ajoute, un jeu d’alliance sans convictions. Peu importe la couleur de la prairie, l’essentiel c’est de paitre et c’est pourquoi certains tournent tels des girouettes en direction des intérêts du moment.
On est tombé trop bas !
Maderpost / Mamadou Ba