Comme un révélateur des relations heurtées en cours au sommet de l’Etat, il est permis de penser que le Premier ministre, ancien candidat de Benno Bokk Yaakaar à la présidentielle, a été dédit si ce n’est pris de court, lui qui appelait urbi et orbi à la tenue de l’élection à date échue, persuadé affirmait-il, de la remporter au premier tour.
CONTRIBUTION – Quelle attitude va-t-il désormais adopter suite à cette déconvenue ? Va-t-il poursuivre son chemin et avaler des couleuvres comme si de rien n’était, en attendant ce qui semble la suite logique, que le président de la République et de l’APR, le démissionne, choisisse un autre Premier ministre et un autre candidat ?
Sera-t-il plutôt tenté au vu des circonstances de prendre son courage à deux mains, de démissionner de son poste de Premier ministre, et de sa posture de candidat « de raison », selon les propres termes de Macky Sall mais contesté dès le lendemain, par une frange importante de l’Apr, son parti.
Il y a là assurément comme une fenêtre d’opportunité qui s’offre à Amadou Bâ pour s’affranchir, engranger de la sympathie, s’émanciper et adopter une posture conquérante pour construire en toute autonomie son propre destin.
Pour ne rien arranger, samedi dernier, à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, le camp présidentiel n’était toujours pas dans l’effervescence. Quasi vide, le siège de l’Apr ne respirait pas l’ambiance de début de campagne électorale. Seule trônait une affiche géante de Macky Sall.
Le candidat choisi était par contre royalement ignoré. Rien ne ramenait à lui. Et pourtant, il a été choisi et imposé à son camp en dépit des contestations internes qui se sont parfois violemment exprimées. Est-ce à dire que les signaux ne préjugeaient pas d’une prochaine victoire et qu’ils se sont ravisés pour essayer de sauver les meubles.
La concertation inclusive à laquelle appelle le président serait-elle alors un moyen de s’offrir un petit répit en vue d’apporter des correctifs dans son camp tout en créant de la diversion avec notamment l’idée que les recalés d’avant le décret présidentiel puissent revenir dans le jeu électoral.
A moins que le camp présidentiel essaie plutôt de corser l’addition en direction de la mouvance de « l’ex Pastef ». Après Ousmane Sonko, mis en position d’inéligibilité à la suite de sa condamnation dans le procès l’opposant à Mame Mbaye Niang, espère-t-on le jugement et la condamnation de Diomaye Faye qui le mette hors du jeu électoral ? A moins que la concertation cherche à négocier, quel que soit le cas de figure une immunité pénale pour le président sortant.
En attendant c’est le grand charivari. Ça va dans tous les sens, au risque de conséquences graves. Ainsi l’hyper présidentialisme a-t-il encore sévi avec un chef d’Etat, chef de parti, qui décide de tout. Aujourd’hui gageons que les espérances d’approfondissement de la démocratie sénégalaise sont durablement piétinées.
Alors qu’il était attendu que les électeurs aillent aux urnes en s’exprimant par rapport aux offres de candidature, il est à craindre que l’on revienne à la case départ avec un corps électoral grandement révulsé par ce qu’il s’est passé avec l’arrêt brutal du processus et par conséquent décide de sanctionner tout simplement le camp du pouvoir.
Il y a urgence à revenir à la raison, en restaurant au plus vite l’ordre constitutionnel avant que le Sénégal ne s’installe dans la chienlit. Tous les observateurs s’accordent sur l’absence de légitimité de la mise en berne du démarrage de la campagne électorale. Pour sa part, l’opposition a déjà averti que le mandat du chef de l’Etat prend fin le 2 avril prochain ouvrant ainsi tous les possibles.
Mais voilà que Ayib Daffé, membre du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, fait savoir qu’hier dimanche, une proposition saugrenue visant à prolonger le mandat de Macky Sall d’une année supplémentaire est sortie des discussions au sein de la commission des Lois, de la part de députés affiliés à la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Ils ont récusé la période de 6 mois émanant de certains de leurs pairs arguant du fait que cette période coïnciderait avec la saison des pluies, ce qui ne serait donc pas propice à l’organisation d’une quelconque élection. Tout ça pour ça serait-on tenté de dire.
La République étant désormais menacée, tout est envisageable. Rien n’est donc à écarter avec cette situation inédite qui voit l’élection présidentielle qui s’est tenue à date échue depuis 1963 être chahutée de manière aussi cavalière. Gardons-nous surtout de tenter le diable car faut-il le rappeler, le pouvoir kaki est à nos portes.
Maderpost / Sud quotidien