La stratégie lui avait réussi aux législatives de 2022, en sera-t-il de même à la présidentielle ? Joe Biden entend marteler d’ici l’élection qu’une victoire de Donald Trump achèverait de dynamiter le droit à l’avortement aux Etats-Unis.
ETATS-UNIS – « La vice-présidente et moi, nous nous battons pour protéger la liberté de choix des femmes face aux projets dangereux, extrêmes et déconnectés des républicains », affirme Biden, président démocrate de 81 ans dans un communiqué paru lundi, jour anniversaire de la célèbre jurisprudence « Roe v. Wade » sur les interruptions volontaires de grossesse.
Kamala Harris, colistière du président pour la présidentielle de novembre, entame lundi une tournée nationale consacrée à la défense du droit à l’avortement.
Première étape : le Wisconsin (nord-est), l’un des « swing states », ces Etats indécis qui joueront un rôle clé en novembre.
Mardi, elle rejoindra Joe Biden pour un meeting sur le même thème, en Virginie, non loin de Washington.
L’équipe de campagne des démocrates diffuse, en parallèle, de multiples communiqués et un clip dans lequel Austin Dennard, une mère de famille du Texas (sud), raconte « le pire cauchemar que peut vivre une femme ».
Cette gynécologue explique avoir été forcée, après avoir appris que l’enfant qu’elle portait n’était pas viable, de mettre fin à sa grossesse dans un autre Etat, en raison des restrictions au Texas.
Le regard planté dans l’objectif, elle accuse : « C’est à cause de Donald Trump. »
« Roe v. Wade »
Et plus précisément à cause du rôle joué par l’ancien président dans la fin de la jurisprudence « Roe v. Wade », décidée en juin 2022 par la Cour suprême.
Le 22 janvier, l’Amérique marque le 51ème anniversaire de l’arrêt qui avait consacré en 1973 un droit constitutionnel à l’interruption volontaire de grossesse, sur tout le territoire.
Ce droit a volé en éclat il y a un an et demi. La Cour suprême, devenue très conservatrice à la suite des nominations effectuées par Donald Trump, a estimé que le droit à l’IVG n’était pas garanti par la Constitution, et que les Etats américains étaient compétents en la matière.
Depuis, une vingtaine d’entre eux ont interdit ou très sévèrement limité les interruptions volontaires de grossesse.
Donald Trump, grandissime favori de la primaire républicaine, s’est récemment dit « fier » d’avoir contribué au revirement de jurisprudence.
Et Kamala Harris entend bien utiliser cette déclaration du magnat de 77 ans contre lui.
« Fier que des médecins puissent être jetés en prison ? Fier que les jeunes femmes d’aujourd’hui aient moins de droits que leurs mères et leurs grand-mères ? » s’indigne la vice-présidente, selon des extraits transmis à l’avance de son discours de lundi.
L’avortement reste une ligne de fracture historique aux Etats-Unis, même les sondages montrent qu’une majorité d’Américains sont aujourd’hui favorables à un droit à l’IVG.
Cela avait permis à Joe Biden de limiter la casse lors des élections législatives de mi-mandat de l’automne 2022.
Le président américain veut croire qu’il profitera du même élan en novembre.
Kamala Harris
Cette offensive sera aussi un test de la force de frappe électorale de Kamala Harris, première femme et première Afro-américaine à son poste, qui laboure le terrain depuis quelques semaines, et avec laquelle la presse américaine n’a jusqu’ici pas été tendre.
La démocrate de 59 ans, que l’opposition républicaine étrille à la moindre occasion, a récemment récolté un rare, et sans doute involontaire, compliment d’une chroniqueuse de la chaîne Fox News.
« Ce que Kamala fait (en termes de campagne sur le droit à l’IVG) a un puissant impact sur les jeunes femmes » a commenté une ancienne porte-parole de Donald Trump, Kayleigh McEnany, sur la chaîne fétiche des conservateurs.
L’accès à l’IVG « sera un sujet important dans les Etats où il n’est pas encore garanti », estime Melissa DeRosa, stratège proche du parti démocrate.
« Dans les Etats où les gens estiment que ce droit est déjà protégé (…), ils penseront davantage aux questions économiques, à l’immigration, à la criminalité… » prédit-elle toutefois.
Reste à voir aussi dans quelle mesure le sujet mobilisera en novembre les opposants à l’avortement, qui ne désarment pas.
Plusieurs milliers de manifestants sont descendus vendredi dans les rues de Washington, sous la neige, en scandant : « Avorter, c’est tuer. »
Maderpost / Afp