Au 66e jour de guerre à Gaza, la situation humanitaire empire. « Je n’ai jamais assisté à de telles scènes pendant 20 ans à Gaza », a regretté Corinne Fleischer, directrice régionale pour le Moyen-Orient du Programme alimentaire mondial. Car la nourriture s’épuise.
GUERRE – Trouver de quoi nourrir ses deux enfants, sa femme et lui-même. Telle est la mission quotidienne de Yousef, réalisateur palestinien déplacé dans le sud de Gaza avec sa famille. « C’est très dur de trouver quoi que ce soit au marché, à cause du nombre de personnes qui sont arrivées à Rafah. Tout est rare, tout est presque impossible à trouver. Donc à partir de maintenant, nous ne vivons qu’avec ce que nous trouvons », témoigne-t-il auprès de notre correspondante à Ramallah, Alice Froussard.
Certains frappent aux portes pour trouver quelques vivres, des poivrons, du pain… Mais il n’y a plus de farine, d’œufs ou de biscuits et le prix des aliments a grimpé exponentiellement. Trois kilos de sel coûtent aujourd’hui l’équivalent de 20 euros, contre 50 centimes auparavant. « La guerre de la faim a commencé », expliquait sur son compte Instagram Bisan Owda, une jeune journaliste gazaouie : « Nous allons mourir ici à cause de la faim. Ils ne paieront même pas les bombes qui nous tueront, nous mourrons tout seul. »
« On n’en peut plus »
« La guerre est peut-être entre Israël et le Hamas, mais ce sont nous, les civils, qui en payons le prix », déplore Abu Ismaïl, habitant de Gaza-ville, réfugié dans le centre de l’enclave, auprès de notre correspondant sur place, Rami Al Meghari. « Je m’en remets à Dieu. Que Dieu punisse ceux qui sont à l’origine de tout ça. J’en appelle à toutes les parties en conflit : prenez en compte la population. On n’en peut plus. On n’en peut plus ! Cette situation est insupportable ! Ils se font la guerre, et pour quel résultat ? Nous anéantir tous ? Tout le monde est responsable de cette situation. Ici et à l’étranger. Les pays arabes, les Israéliens, les Européens, les Américains… Nous sommes défaits », confie Abu Ismaïl.
À ses côtés, Yasser en appelle aux Nations unies. « Il faut faire preuve de courage et de fermeté, pour stopper le bain de sang », dit ce père de famille. « Le Conseil de sécurité doit agir pour mettre un terme à ces crimes que nous subissons. Ici, les gens sont en train de mourir de faim. Ils meurent, parce qu’il n’y a plus de nourriture. Nous sommes assiégés, et nous n’avons plus rien à manger ».
Dans l’enclave palestinienne, les habitants oscillent entre colère et désespoir. « Ils sont où, les droits de l’homme ? », interroge un homme au micro d’Abouzeid Weissam, correspondant de Monte Carlo Doualiya à Gaza. « Les pays à l’étranger regardent le spectacle et ne font rien, ils dorment. Les gens souffrent et la situation est impossible. Ils sont où, les droits de l’homme ? », répète-t-il. Un autre à son idée sur le sujet : « Les droits de l’homme sont une chimère ». « Nos enfants ont faim, ils ont froid. Ils dorment dans la nature. On est jetés dans le désert sous les missiles (…) Vous n’avez pas de pitié », accuse une femme qui en appelle aux dirigeants arabes.
97% des habitants de Gaza en manque de nourriture
D’après le dernier rapport du Programme alimentaire mondial, neuf Palestiniens de Gaza sur dix sont restés toute une journée et une nuit sans rien manger. Et 97% des habitants n’ont pas assez de nourriture. Sous les bombes, presque sans eau, ni nourriture, 80% des Gazaouis ont été déplacés de force. La population subit également les maladies. Des épidémies de diarrhée notamment. Et selon l’ONG Physicians for Human Rights Israel, seulement 1% des Gazaouis blessés ont été évacués par le passage de Rafah vers l’Égypte pour recevoir des soins médicaux.
La bande de Gaza assiégée est le théâtre ce lundi de raids aériens israéliens meurtriers et d’intenses combats après des menaces du Hamas de ne pas libérer « vivants » sans négociations les otages qu’il détient. De nouvelles frappes, selon des témoins, ont visé les villes de Khan Younès et de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où sont massés des centaines de milliers de civils après avoir fui les combats dans le nord. Le ministère de la Santé du mouvement islamiste a fait état de « dizaines » de morts à travers le territoire palestinien, notamment à Khan Younès et à Rafah, dans la ville de Gaza et le camp de réfugiés voisin de Jabalia, dans le nord, ainsi que dans les camps de Nuseirat et de Maghazi (centre).
Maderpost / Rfi