Le silence de l’opposition sénégalaise sur des agissements du régime en place qui multiplie, depuis quelques jours, voire semaines des actes contraires aux principes de la gouvernance démocratique suscite interrogations. Du remplacement controversé des membres de la CENA au blocage systématique des rapport de tous les corps de contrôle, en passant par les violations du règlement intérieur de l’Assemblée nationale…, l’opposition s’est illustrée par son silence coupable sur ces décisions controversées qui remettent en cause les principes démocratiques et de la bonne gouvernance du Sénégal.
OPPOSITION – L’opposition sénégalaise a-t-elle perdu l’essence de son existence, sa raison d’être, c’est-à-dire s’opposer ? Tout ou presque porte à le croire. En effet, depuis quelques temps, les adversaires du régime en place qui semblent plus préoccupés par la conquête du pouvoir, au détriment de la lutte pour la défense de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique, s’illustrent par leur passivité face aux agissements du régime en place qui semble bien profiter de cette situation. Il en est ainsi avec le décret controversé de changement de tous les douze membres de la Commission nationale électorale autonome (CENA), signé le 3 novembre dernier, par le chef de l’Etat, dans un contexte de contentieux préélectoral opposant Ousmane Sonko à la Direction générale des élections (DGE) qui a refusé d’appliquer la décision du président du Tribunal d’instance de Ziguinchor annulant la radiation du leader des « Patriotes » sur les listes électorales.
Le combat contre ce décret, pourtant jugé illégal par des acteurs et experts électoraux, qui pourrait être assimilé à une ouverture, par le chef de l’Etat, de la boîte de Pandore d’un processus électoral biaisé pour la présidentielle du 25 février prochain, a été enclenché par un membre de la société civile. Il s’agit, en l’occurrence, de Ndiaga Sylla, président de l’association « Dialogue Citoyen », qui a été rejoint, par la suite, par quelques acteurs de l’opposition et des citoyens électeurs, pour attaquer ce texte devant la Cour suprême.
L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE CAUTIONNE LA VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 14 ALINÉA 2 DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR
Outre sa timide réaction sur ce changement controversé de toute la composition de la CENA, avec la nomination par le chef de l’Etat de « personnalités proches son parti », l’Alliance pour la République (Apr), l’opposition s’est également fait remarquer par son silence « suspect » sur les nombreux cas de violations des dispositions de la loi à l’Assemblée nationale, constatés depuis l’ouverture de la présente session parlementaire ordinaire. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer la violation des dispositions de l’article 14 alinéa 2 du Règlement intérieur portant sur la méthode de répartition des postes dans le bureau de l’Assemblée nationale dont le calcul est basé sur le nombre des députés inscrits dans chaque Groupe parlementaire, avec répartition des restes selon le système de la plus forte moyenne.
En effet, profitant de l’implosion du Groupe parlementaire Yewwi askan wi (YAW), suite à la démission des 14 députés de la plateforme Taxawu Senegal, le groupe de la majorité s’est emparé, dans des conditions qui restent encore à déterminer, des trois postes occupés dans le bureau précédant par des députés issus de cette coalition de l’opposition. Cependant, le plus curieux dans cette situation, c’est le mutisme total des députés de l’opposition sur cette violation du Règlement intérieur par la majorité parlementaire, malgré la régression de l’effectif de cette dernière avec le départ du parti Rewmi d’Idrissa Seck. Le groupe parlementaire Wallu qui devait bénéficiaire du poste de vice-président perdu par Yewwi askan wi, du fait de la régression de son effectif est resté spectateur.
UNE OPPOSITION APHONE SUR LE BLOCAGE SYSTÉMATIQUE DES RAPPORTS DE LA QUASI-TOTALITÉ DES ORGANES DE CONTRÔLE
Autre cas de violation des dispositions de la loi à l’Assemblée nationale orchestrée par le régime en place, avec la complaisance de l’opposition parlementaire, c’est le démarrage pour une deuxième fois consécutive de la session budgétaire sans la présentation préalable de la loi de règlement 2023 qui devait permettre aux députés d’exercer leur pouvoir de contrôle de l’action du gouvernement. Comme c’était le cas l’an dernier. En effet, pour brouiller les pistes, le Gouvernement s’est contenté d’envoyer aux députés un texte incomplet, sans le rapport de conformité de la Cour des comptes.
A ces entorses à la loi, il faut également ajouter le blocage systématique, pour des raisons « injustifiées», des rapports de la quasi-totalité des organes de contrôle public. Le dernier rapport public de l’Inspection générale d’Etat (IGE) sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes date de l’année 2018-2019. Celui de la Cour des comptes de 2018 et l’Office national de lutte Contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) en 2021. Aujourd’hui, sur ces questions de bonne gouvernance, d’un enjeu capital pour le Sénégal, qui devaient interpeller tous les acteurs de la vie nationale, on attend faiblement ou pas du tout la voie de l’opposition sénégalaise.
Il faut dire que cette nouvelle ligne de conduite d’une bonne frange de l’actuelle opposition tranche d’avec ce qu’on avait connu jusqu’en 2016 et même au-delà. En effet, sous la houlette de l’ancien chef de l’Etat et Secrétaire général national du Parti démocratique Sénégal, l’opposition avait réussi à imposer au régime en place la publication de la plupart des contrats d’exploration pétrolière et gazière grâce à une farouche bataille d’opinion. Entre 2017 et 2018, la bataille d’opinion intensément menée, d’abord par le leader de l’ex-Pastef Ousmane Sonko, suivi par onze autres candidats déclarés à la présidentielle de 2019 dernier qui ont dénoncé un « bradage des ressources minières » par le gouvernement, a poussé l’actuel chef de l’Etat à renoncer à la signature du décret d’attribution du gisement ferreux de Falémé à la multinationale Turc Tosyali.
Maderpost / Sud quotidien