Le discours des candidats, l’ampleur du phénomène et la multiplication des zones de départ attestent que la lutte contre l’émigration irrégulière nécessite un effort accru de la part de l’Etat du Sénégal et ses partenaires et autres acteurs impliqués dans la traque de ce fléau. Les nombreux morts dans l’océan, dans le désert ou encore les rapatriements fréquents ne semblent pas faire frémir les candidats au départ, pour un ailleurs meilleur.
LUTTE CONTRE LES MIGRATIONS IRREGULIERES – Depuis plusieurs années, y compris la période de la pandémie de Covid-19 imposant un «confinement mondial», des jeunes sénégalais bravent en masse océan et désert, au péril de leurs vies, pour rejoindre les côtes européennes. Alors que les plaies béantes laissées dans les familles par le drame humain de «Barça wala Barsakh» de 2005-2006 peinent encore à se cicatriser, l’année 2023 semble bien partie pour battre tous les records, en termes de départs par pirogues, de nombre de voyageurs dans une même embarcation, de disparus et même… de morts identifiés et non identifiés. Malgré tout, rien ne semble pouvoir réussir à arrêter les velléités et les départs. En attestent les dernières vagues de départs de migrants irréguliers en partance pour l’Espagne, qui montrent que le Sénégalais n’est pas encore prêt à faire de ce voyage risqué un vieux souvenir.
Même si l’émigration irrégulière a depuis longtemps existé, avec surtout à l’époque les bateaux de pêche, l’émigration irrégulière telle que connue actuellement avec l’usage de pirogues et autres embarcations de pêche artisanale et même via le désert jusqu’au Maroc (d’où les candidats embarquaient pour les côtes espagnoles) a pris ses marques dans la société sénégalaise vers 2005-2006, années durant lesquelles elle a pris une proportion inquiétante voire dramatique. Les morts se comptaient par centaines, par milliers… Des Sénégalais en souffrance dans des pays de transit (Maroc, Tunisie, Libye, Niger) sont rapatriés en permanence, sans que cela ne soit un motif d’abandon pour les candidats.
L’océan Atlantique est devenu le «cimetière» de beaucoup de jeunes aux rêves brisés. Malgré tout, ils sont encore nombreux à prendre le risque de partir, à tous prix. Pis, autrefois, la migration était l’apanage de jeunes hommes ; maintenant, femmes et filles s’y adonnent, embarquant avec elles parfois leurs enfants de bas âges. Des classes sont désertées par des écoliers de jeune âge, pour le «rêve» de l’El Dorado. Les images des pirogues bondées de personnes sur les réseaux laissent apparaitre des voyageurs sans aucune crainte. L’Espagne est comme une porte d’à côté.
Beaucoup de parents disaient alors ignorer le départ de leurs progénitures ; une donne qui a changé car, les médias donnent la parole à des parents qui reconnaissent avoir soutenu le départ des candidats. Les mésaventures ne découragent pas les jeunes. Ils sont prêts à partir, à chaque fois que l’occasion se présente. La multiplication des zones de départ, en dépit des contrôles, témoigne de l’ampleur du phénomène. Kayar, Mbour, Saint-Louis, Gandiol et Barngy, Cap Skiring, Kafountine, etc., les pirogues fusent de partout.
A signaler que le Sénégal a élaboré une Stratégie nationale de lutte contre la migration à l’horizon 2033. Décliné en cinq (5) axes, ce nouveau plan doit être financé par le budget national et des partenaires extérieurs. La Stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière (SNLMI) prévoit des mesures concernant la prévention, la gestion des frontières, des mesures de répression (contre les convoyeurs), des mesures d’aide, d’assistance et de protection, le retour et la réinsertion des migrants.
Maderpost / Sud quotidien