Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi 13 octobre dans de nombreux pays arabes et musulmans en soutien aux Palestiniens, au septième jour d’une guerre entre Israël et le Hamas déclenchée par une attaque inédite et sanglante du mouvement palestinien.
PAYS MUSULMANS – Des foules importantes se sont réunies à Téhéran, mais aussi dans les villes de province, pour soutenir les Palestiniens au septième jour d’une guerre sanglante entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas. À Téhéran, les manifestants brandissaient des drapeaux iranien, palestinien et du Hezbollah et scandaient « mort à l’Amérique » et « mort à Israël », raconte notre correspondant à Téhéran, Siavosh Ghazi.
Des drapeaux américains et israéliens ont également été brûlés par les manifestants à Téhéran, mais aussi ailleurs dans le pays, selon les images diffusées par la télévision d’État.
Téhéran, qui soutient financièrement et militairement les combattants du Hamas et du Jihad islamique, a appelé les pays islamiques et arabes de la région à former un front uni contre Israël.
Le chef de la diplomatie iranienne a d’ailleurs entamé une tournée régionale, se rendant en Irak, au Liban avant d’aller en Syrie. Depuis la capitale libanaise, il a mis en garde Israël et les États-Unis, en affirmant que la poursuite des attaques contre la bande de Gaza ne restera pas sans réponse. Avec la poursuite des opérations contre la population de Gaza, tous les scenarii, y compris l’ouverture de « nouveaux fronts » contre Israël, sont possibles, a averti jeudi Hossein Amir Abdollahian, dans une claire mise en garde contre l’État hébreu.
Lors d’une manifestation organisée dans la banlieue sud de Beyrouth, un fief du Hezbollah libanais allié de l’Iran, plus d’un millier de personnes ont exprimé leur solidarité avec les Palestiniens. « Le Hezbollah suit les mouvements de l’ennemi. Nous sommes entièrement préparés et nous passerons à l’action au moment propice », a averti le numéro deux du Hezbollah Naïm Qassem, alors que les craintes de voir le puissant mouvement armé ouvrir un nouveau front contre Israël depuis le Liban, sont grandes.
Les Irakiens répondent à l’appel du leader chiite Moqtada el-Sadr
À la capitale irakienne de Bagdad, des milliers de manifestants de différentes provinces se sont également rassemblés sur la place Tahrir en soutien aux Palestiniens, en réponse à l’appel du leader chiite nationaliste Moqtada el-Sadr.
Sur une place bondée, une prière du vendredi en plein air et une manifestation ont été organisées, écrit notre correspondant à Bagdad, Marie-Charlotte Roupie. « Nous sommes venus pour la Palestine, pour la libération de la Palestine, contre Israël et les États-Unis, explique Sabria Abbas venue de Kerbala. Je pleure quand je vois ce qu’il arrive à des enfants. Ils ont tué des enfants. »
Des drapeaux israéliens ont été brûlés, d’autres peints sur le sol pour être piétinés. Dans la foule, de jeunes partisans du leader sadriste se disent prêts à aller combattre : « Moqtada el-Sadr est le seul à vouloir intervenir et nous sommes sous ses ordres. Nous attendons son ordre. S’il nous le donne, nous serons prêts à partir et combattre à Gaza », résume Hassan.
D’autres, comme Mohamed, espèrent que l’importante mobilisation interpellera surtout la communauté internationale : « Toutes les populations européennes et la communauté internationale devraient empêcher Israël d’oppresser la population palestinienne innocente. »
Les forces de l’ordre avaient été déployées dans la capitale irakienne : les autorités craignaient que les manifestants en colère ne s’attaquent aux représentations diplomatiques qu’ils auraient perçues comme alliées d’Israël. Mais hormis des slogans, les États-Unis, aucun heurt n’a accompagné cette manifestation.
Les Jordaniens manifestent pour la Palestine en pleine visite de Blinken
En Jordanie, pays voisin d’Israël auquel elle est liée par un traité de paix, plus de 20 000 personnes se sont rassemblées à Amman, à l’appel notamment des Frères musulmans et de groupes de gauche.
« Par l’âme et par le sang, on te donnera al-Aqsa » : c’est par ce slogan évoquant la principale mosquée de l’Esplanade des mosquées à Jérusalem, et sous le soleil chaud d’un début après-midi de vendredi, que près de 10 000 personnes ont marché depuis le pied de la mosquée al-Hussein. Et ce jusqu’à la citadelle d’Amman, en plein cœur du centre-ville en ce jour de repos. Hommes, femmes et très jeunes garçons comme Farouk composaient le cortège. Ils se sont dit prêts à prendre les armes pour combattre Israël, rapporte notre correspondant à Amman, Mohamed Errami. « Moi, j’ai 16 ans et je suis prêt à aller au combat, et mourir pour cette cause, lance Farouk. Si je peux, bien sûr que j’irai sans hésiter. »
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a entamé vendredi une tournée dans le monde arabe, et notamment en Jordanie, dans le but de faire pression sur le Hamas et ses soutiens. Lorsque l’on interroge ces jeunes manifestants jordaniens sur la présente américaine, le discours est sans équivoque : « Les Américains ? Il n’y a pas d’Américains, que la Palestine, c’est tout. L’Amérique dont tu me parles, elle n’a qu’à se mêler de ces propres histoires », résume Farouk, keffieh noir et blanc sous le bras.
Plusieurs manifestants se sont dit prêts à rejoindre le nord du royaume Hachémite pour manifester à la frontière jordano-israélienne, où plusieurs marches ont eu lieu en même temps qu’à Amman ce vendredi.
Un Saoudien interrompt la prière pour crier « parle de la Palestine ! »
En Égypte, des vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux ont montré des centaines de manifestants scander leur solidarité avec Gaza à la mosquée al-Azhar. « Les pays arabes et musulmans ont le devoir et la responsabilité de fournir urgemment de l’aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza », a affirmé l’université d’al-Azhar, plus haute institution de l’islam sunnite, dans un communiqué.
Plus remarquable : dans une mosquée de Riyad, la capitale saoudienne où les manifestations sont interdites, un journaliste de l’AFP a vu un policier menotter un fidèle qui a interrompu la prière du vendredi en lançant à l’imam « Parle de la Palestine ! Gaza est sous les bombes ! » L’imam lui a répondu que le lieu sacré « n’était pas fait pour la politique », avant que l’homme ne soit interpellé.
En Mauritanie, on dénonce le « silence » occidental
La marche spontanée au départ de la grande mosquée saoudienne de Nouakchott n’a cessé de prendre de l’ampleur et était encadrée par les forces de polices mauritaniennes, relate notre correspondante locale, Léa Breuil. L’objectif pour ces milliers de Mauritaniens est d’afficher leur soutien à la cause palestinienne et dénoncer, selon eux le silence et l’inaction des gouvernements occidentaux : « La totalité des gouvernements occidentaux ne soutiennent pas les Palestiniens malgré qu’ils soient les victimes réelles de tout ce qui se passe. »
« Chaque jour il y a des centaines de personnes qui sont tuées, dit cet autre, il y a des maisons détruites. Il faut que tout le monde sache que ce qu’il se passe ! C’est pas la semaine passée, ce n’est pas le 7 octobre, c’est depuis 70 ans que l’Israël colonise nos frères palestiniens et les massacrent. » Les manifestants revendiquaient également le respect des droits fondamentaux et la sécurité des Palestiniens mais aussi l’arrêt du récent embargo initié par le gouvernement israélien sur la bande de Gaza.
« On attend que l’embargo soit levé, lance encore cette personne, rien ne rentre, pas d’eau, pas d’électricité, pour faire marcher les hôpitaux. Il faut arrêter ce massacre. » La marche a pris fin au siège des Nations unies sans incident et un sit-in a été organisé devant l’ambassade des États-Unis. Lors d’une récente déclaration, le ministre délégué auprès du ministre mauritanien des Affaires étrangères, Mohamed Yahya Saiiid, a appelé la communauté internationale à assurer la protection du peuple palestinien et œuvrer pour qu’il obtienne tous ses droits légitimes sur la base de diverses résolutions, dont la solution à deux États.
Le Maghreb répond également présent
Des rassemblements ont également eu lieu à Bahreïn et au Qatar, petits pays du Golfe.
Dans la capitale algérienne, près de 2 000 personnes sont descendues dans la rue dans le même but. Une grande banderole avec l’inscription « Nous donnerons notre vie pour toi Palestine » a été déployée à Alger.
Au Maroc, des « milliers » de personnes ont manifesté leur soutien aux Palestiniens après la prière du vendredi lors de sit-in à l’appel d’une organisation proche de la mouvance islamiste Al Adl wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), selon un de ses responsables, Hassan Bennajeh.
Un millier de personnes ont également manifesté à Tunis.
En France, au moins 13 personnes interpellées pour avoir organisé une manifestation en soutien aux Palestiniens à Strasbourg
Treize personnes ont été interpellées lors d’un rassemblement de soutien au peuple palestinien qui s’est tenu vendredi 13 octobre au soir à Strasbourg malgré son interdiction, a annoncé la préfecture du Bas-Rhin.
« La police nationale a interpellé 13 personnes dont l’organisatrice de la manifestation qui sera présentée à la justice », a indiqué la préfecture sur X (ex-Twitter).
Cela intervient alors que jeudi 12 octobre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait ordonné l’interdiction des « manifestations pro-palestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public », ajoutant que « l’organisation de ces manifestations interdites (devait) donner lieu à des interpellations ».
Près de 300 personnes se sont rassemblées en fin de journée dans le centre-ville, brandissant des drapeaux palestiniens et des pancartes, non loin de la place Kléber qui avait été rendue inaccessible par la police. « Palestine vivra, Palestine vaincra », « Nous sommes tous des palestiniens », ont notamment scandé les manifestants. Le rassemblement a été dispersé par les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène. Selon une source syndicale, un policier a été blessé.
La préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier avait pris jeudi un arrêté pour interdire ce rassemblement, en considérant notamment qu’une telle manifestation pourrait être « ressentie par une partie de la population, en particulier la communauté juive, comme une provocation ou un soutien à (des) actions terroristes ».
Maderpost / Rfi