En à peine plus de dix ans de carrière, Burna Boy a imposé son style afro-fusion et multiplié les collaborations avec des pointures du rap, du rock ou de la pop. Devenu une star internationale, le chanteur nigérian publie son septième album au titre prophétique, I Told Them.
MUSIQUE – «First of all, Rest In Peace, Virgil Abloh». Ainsi démarre Big 7, le single de Burna Boy tiré de son nouvel album studio « I Told Them ».
Une façon de célébrer la mémoire du wonder kid de chez Louis Vuitton, mort à 41 ans d’un cancer « foudroyant, qui devait être le directeur artistique de ce disque très attendu. Et de placer les préoccupations de ce chanteur nigérian de 32 ans bien au-delà de la simple sphère musicale. »
Dix ans après L.I.F.E. (Leaving an Impact For Eternity), son premier album studio qui consacrait son mix unique d’afrobeat, de reggae et de hip hop qu’il a choisi de nommer afro-fusion, et treize mois après Love, Damini, ce projet rempli de hits potentiels affirme encore un peu plus la suprématie de son auteur sur le continent africain, et au-delà.
Avec « l’assurance d’un lion », Burna, de son vrai nom Damini Ebunoluwa Ogulu, assure le crossover entre les genres, citant directement le « If I Ruled The World » de Nas sur son morceau en duo avec 21 Savage Sittin’ On Top Of The World, mais avec un twist puisque le sample est celui de « Top Of The World », le hit r’n’b de Brandy en collaboration avec Ma$e.
Les autres invités de cet album qui s’annonce triomphal montrent l’intérêt que Burna Boy porte au hip hop : l’Anglais Dave intervient sur « Cheat On Me » tandis que le rappeur américain J. Cole fait une apparition sur le dernier titre, « Thanks ».
Burna n’en oublie pas pour autant le Nigeria et fait participer le rookie Seyi Vibz (23 ans) à Giza, ouvert aux sonorités orientales.
Philosophie et démesure
En mode philosophe, Burna énumère les éléments amenant à la plénitude humaine sur l’interlude 12 Jewels (connaissance, sagesse, compassion, liberté, justice, égalité, nourriture, vêtements, logement, amour, paix et bonheur).
« Je vous le garantis : il n’y a rien de ce qui se passe actuellement que je ne leur ai pas dit en 2013, 14, 15, 16… Je l’ai toujours dit : Ça va arriver, je le savais. Le titre de l’album c’est I Told Them. C’est assez clair je pense ! »
Si on n’échappe pas aux rodomontades habituelles sur les possessions matérielles rendues possibles par le succès (« I really, really spent a milli on just two Richard Millie », soit « J’ai vraiment dépensé un million pour deux montres Richard Millie », affirme-t-il sur Big 7), Burna Boy sait aussi ralentir le tempo et se faire lover, comme sur le très émouvant « If I’m Lying », langoureusement rythmé par une guitare acoustique et quelques voix en écho au fond du mix.
Lors de son concert gigantesque au West Ham London Stadium pour Apple Music Live en juin dernier, Burna Boy a redit à la foule son mantra, la prophétie auto réalisatrice que l’on retrouve dans les paroles de la chanson qui donne son titre à l’album : « Ce qui se passe est une bénédiction mais en même temps, je les avais prévenus. Je leur avais dit ce qui allait se passer, depuis le début. Je leur ai dit que j’étais un génie. Ils ne me croyaient pas. Il fallait que je leur montre la raison. 100.000 mains levées vers le ciel ! ».
Et la foule unanime lève les bras, célébrant dans la liesse le nouveau super-héros du continent africain, génie autoproclamé, star qui ne craint pas la démesure allant avec la dénomination, artiste qui travaille dur et s’acharne à mériter les louanges qu’il suscite par le monde.
La route est encore longue pour Burna Boy, mais un disque aussi résolument solaire que ce septième album studio prouve que ce colosse afro n’a pas des pieds d’argile, mais un immense charisme qui le place dans le sillage de géants tels que Bob Marley. L’avenir dira si la comparaison est raison, mais attention : Burna Boy nous aura prévenus.
Burna Boy I Told Them (Atlantic Records/ Wea/Warner Music) 2023
Maderpost / Rfi / Olivier Cachin