“Il y a des choses qui se passent aujourd’hui au Sénégal, qui ne devraient jamais se passer”. Le co-président du comité scientifique des Assises nationales des médias, Matar Sylla, dresse ainsi le bilan du Président Macky Sall sur la liberté d’expression, devant le Jdd, ce dimanche 27 août.
MEDIAS ET LIBERTES D’EXPRESSION – L’universitaire, expert-consultant international et chef d’entreprise note que “quand des journalistes sont emprisonnés, condamnés, en termes de perception, ce n’est pas de bon augure”, et “les investisseurs tiennent compte de ces paramètres-là.”
D’où son plaidoyer pour “que tous les confrères, les consoeurs, les collaborateurs des médias, qui sont aujourd’hui dans les liens de la détention ou dans les procédures judiciaires” rejoignent leur rédaction respective.
Le journaliste suggère également de trouver “un mécanisme qui permette de prévenir ce genre de situation.” “C’est là où, plaide-t-il, il faut renforcer le Cored (Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias) pour sanctionner. Le tribunal des pairs pourrait être la Dic de la presse, qui écoute les confrères, qui reçoit les plaintes, joue son rôle de médiation, qui corrige, et qui peut proposer à l’autorité de régulation qui sera là de fermer un organe s’il le faut, etc. Cela suppose qu’on essaie d’encadrer la profession, de former les gens davantage”.
Tribune pour la libération de Sonko
Matar Sylla a commenté la tribune signée par une centaine de personnalités, des hommes politiques, des universitaires, des avocats, des magistrats, des journalistes, du Sénégal et d’ailleurs, réclamant la libération de l’opposant Ousmane Sonko ainsi que le retrait du décret de dissolution du parti Pastef.
L’ancien Directeur général de la Rts comprend la démarche, expliquant : “En tant qu’universitaire, c’est une démarche que je comprends parfaitement. C’est le propre des intellectuels, des universitaires de manière générale, partout dans le monde, de se prononcer sur des questions d’actualité, des questions qui impactent la vie des nations.”
“L’essentiel, relève-t-il, c’est d’inscrire le tout dans un débat productif dont la finalité est la paix, le développement de notre pays, l’affirmation et l’ancrage de la démocratie.”
Il souligne qu’il “n’a pas été associé” mais retient la “démarche de pacification”.
Pour rappel, cette tribune a fait réagir le ministre du Commerce, de la Consommation et des Petites et moyennes entreprises (Pme), Abdou Karim Fofana, par ailleurs porte-parole du gouvernement, critiquant la prise de position “tardive” de ces personnalités, la considérant comme un affront envers l’État de droit.
Affaire Pape Alé Niang
Matar Sylla défend Pape Alé Niang. Le patron du site d’informations Dakar Matin est, dit-il, “son jeune frère, c’est quelqu’un que j’apprécie, qui est professionnel. Il a toujours été comme ça. Il est constant dans ce qu’il fait.”
L’invité du Jdd est d’avis que “Pape Alé Niang, personne ne le changera. Il a choisi de faire du journalisme d’investigation. Il prend position par rapport à ce qu’il estime être la démocratie. C’est mon analyse.”
Même s’il reconnaît qu’il y a “des limites et des exceptions à la liberté d’expression”, Matar Sylla estime que “quand un journaliste dit quelque chose, le plus important, ce n’est pas ce qu’il dit mais, est-ce que ce qu’il a dit est vrai ou pas. Si c’est vrai, il vaut mieux s’attacher à corriger ce qui est mis en cause surtout si c’est utile pour la société plutôt que de chercher des poux sur la tête de l’un ou de l’autre.”
“C’est fondamental. Je le dis très souvent, les médias de manière générale sont pratiquement une structure de consultance pour les pouvoirs publics en alertant sur certaines choses”, soutient l’ancien Directeur général de la Rts.
Par contre, met-il un bémol, “sur la vie privée des gens, il faut faire preuve de mesure. Parce que sur ces aspects, je dis souvent, mettez-vous à la place de l’autre. Il faut avoir ce sens de l’empathie”.
Pape Alé Niang, journaliste critique du pouvoir, a été de nouveau arrêté dans la matinée du 29 juillet dernier, au lendemain de l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, pour appel à l’insurrection.
Il avait été arrêté en novembre puis en décembre 2022, accusé d’avoir « divulgué des informations susceptibles de nuire à la défense nationale » et d’avoir « répandu de fausses nouvelles » dans une chronique sur Ousmane Sonko.
Admis aux urgences après avoir entamé une grève de la faim pour contester son arrestation, Pape Alé Niang bénéficie d’une liberté provisoire depuis le 8 août dernier.
Assises nationales des médias
Lancées jeudi dernier, 24 août, à la Maison de la presse feu Babacar Touré, les Assises nationales des médias ont déjà abouti à une recommandation. Une révélation faite devant le Jdd, ce dimanche 27 août, par le co-président du Comité scientifique, Matar Sylla.
Il annonce que l’ancien président du Groupe parlementaire Libéral et Démocratique (Pds), Doudou Wade, “a réagi et fait une proposition très intéressante, que nous allons essayer d’intégrer.” Il s’agit, détaille le journaliste, de “voire comment de manière interactive, organiser des sessions qui permettent au public de nous mettre pratiquement sur le banc, et de nous dire face à face ce qu’il pense de nous, ce qui est bon, ce qu’il faut corriger, etc.”
Il ajoute : “Parce que ce sont eux les destinataires des contenus que nous faisons. S’il n’y a pas de public, il n’y a pas de radio, pas de télé, pas de journal, pas de site, il n’y a rien. Il faut absolument que le public puisse être là”.
Maderpost / Emedia