Vladimir Poutine recycle-t-il les vieilles méthodes de l’ère maoïste en Chine ? Le magazine “The Diplomat”, qui traite de l’actualité en Asie-Pacifique, dresse un parallèle entre le crash de l’avion d’Evgueni Prigojine et celui qui a conduit à la mort, en 1971, du dignitaire chinois Lin Biao, devenu trop encombrant pour le tout-puissant Mao Zedong.
Le général Lin Biao est entré dans l’histoire comme un personnage incontournable du marigot politique chinois durant les années tourmentées de la Révolution culturelle. “C’est lui, rappelle l’analyste James Gethyn Evans dans The Diplomat, qui avait recueilli et édité les discours et les citations de Mao dans le Petit Livre rouge que tant de Chinois ont brandi dans les années 1960 et 1970.”
Or Lin Biao a fini par détenir les clés du commandement militaire chinois, au point de faire de l’ombre au “grand timonier”. Et, un peu comme Evgueni Prigojine, il serait allé trop loin :
“Il était devenu une menace que Mao ne pouvait tolérer. Lin devait partir sans provoquer de soulèvement dans l’armée. Un crash aérien était ce qu’il y a de plus pratique.”
Option spectaculaire
Au lendemain de l’annonce de l’accident d’avion du chef du Groupe Wagner, l’article du Diplomat reste extrêmement prudent sur son sort : s’il était bien sur la liste des passagers de l’avion qui s’est écrasé, rien ne vient pour l’heure confirmer qu’il était réellement à bord. Car, note l’article, comme pour Lin Biao il y a un demi-siècle, l’annonce de la mort d’un rival est plus importante que sa disparition physique. “Les autocrates ont de nombreux leviers à leur disposition pour éliminer leurs rivaux. Le crash aérien est certes une option spectaculaire, mais c’est sans doute là tout son intérêt.”
D’une part, pour la vitrine, un accident d’avion permet au pouvoir d’invoquer des problèmes techniques difficiles à vérifier – ainsi, selon la ligne officielle chinoise, peu crédible, l’avion de Lin Biao se serait écrasé pour une simple question de manque de carburant.
D’autre part, l’effet d’intimidation est absolument radical. “Prigojine va être déclaré mort – peu importe si c’est le cas ou non – parce que c’est la meilleure solution pour Poutine et le Kremlin: désormais, d’autres rivaux potentiels comprennent clairement le sort qui les attend s’ils tentent une action similaire à la marche de Wagner sur Moscou”, il y a deux mois. Plus de cinquante ans plus tard, les vieilles ficelles maoïstes font toujours recette.
Maderpost / Courrier International