L’accusation d’Ousmane Sonko le même jour de son arrestation à son domicile par la gendarmerie nationale, vendredi 28 juillet 2023, contre un « agent des renseignements » s’avérant une gendarme qui « l’a filmé » sans son consentement entraînant ainsi sa réaction et la confiscation par ses soins du téléphone de la gendarme a amené Maderpost à plonger sa curiosité dans la Protection des données à caractère personnel et s’approcher de son consultant maison, Bassirou Turpin pour en savoir plus.
POLITIQUE – L’article 2 de la Protection des données à caractère personnel établi par la Loi N° 2008-12 du 25 janvier 2008 soumet « toute collecte, tout traitement, toute transmission, tout stockage et toute utilisation des données à caractère personnel par une personne physique, par l’Etat, les collectivités locales, les personnes morales de droit public ou de droit privé », dans sa section 3 des formalités préalables à la mise en œuvre du traitement des données à caractère personnel, l’article 21 relève : « Hormis les cas où ils doivent être autorisés par la loi et par dérogation aux articles précédents, les traitements automatisés d’informations nominatives opérés pour le compte de l’Etat, d’un établissement public ou d’une collectivité locale ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public sont décidés par acte réglementaire pris après avis motivé de la Commission des données personnelles. »
Comment collecter des données à caractère personnel
Ces traitements portent sur la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique ; la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ; le recensement de la population ; entre autres.
En sa Section première relative aux principes de base gouvernant le traitement des données à caractère personnel, l’article 33 dit ceci : « Le traitement des données à caractère personnel est considéré comme légitime si la personne concernée donne son consentement. Toutefois, il peut être dérogé à cette exigence du consentement lorsque le traitement est nécessaire (1) au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ; (2) à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées ; (3) à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à sa demande ; (4) à la sauvegarde de l’intérêt ou des droits et libertés fondamentaux de la personne concernée ».
L’article 34 stipule que la collecte, l’enregistrement, le traitement, le stockage et la transmission des données à caractère personnel doivent se faire de manière licite, loyale et non frauduleuse.
A sa suite, l’article 35 relève que « Les données doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne peuvent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. Elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ultérieurement. »
Elles doivent être conservées pendant une durée qui n’excède pas la période nécessaire aux finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées. Au-delà de cette période requise, les données ne peuvent faire l’objet d’une conservation qu’en vue de répondre spécifiquement à un traitement à des fins historiques, statistiques ou de recherches en vertu des dispositions légales.
L’article 45 relatif au journalisme indique que le traitement des données à caractère personnel réalisé aux fins de journalisme, de recherche ou d’expression artistique ou littéraire est admis lorsqu’il est mis en œuvre aux seules fins d’expression littéraire et artistique ou d’exercice, à titre professionnel, de l’activité de journaliste ou chercheur, dans le respect des règles déontologiques de ces professions.
Selon l’article 46 Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l’application des dispositions des lois relatives à la presse écrite ou audiovisuelle et du Code pénal qui prévoient les conditions d’exercice du droit de réponse et qui préviennent, limitent, réparent et, le cas échéant, répriment les atteintes à la vie privée et à la réputation des personnes physiques.
L’article 3 relève que la loi ne s’applique pas aux traitements de données mis en œuvre par une personne physique dans le cadre exclusif de ses activités personnelles ou domestiques, à condition toutefois que les données ne soient pas destinées à une communication systématique à des tiers ou à la diffusion.
Bassirou Turpin, consultant de Maderpost indique toutefois que le législateur intègre également les dispositions du Code de la presse à prendre aussi en compte, soutenant qu’il y a une autre loi
« En règle générale on peut collecter sur la voie publique des données à caractère personnel même sans le consentement de la personne, mais il est impossible de les diffuser sans son accord. Si vous voulez diffuser votre enregistrement ou vidéo vous devrez flouter le visage », dit-il ajoutant pour ce qui concerne la presse : « il faut prendre également le Code de la presse. En effet, des journalistes qui attendent la sortie d’un prévenu du tribunal peuvent bel et bien diffuser leur reportage sans son consentement parce qu’ils sont dans l’exercice de leur profession et sur un espace public ».
Film contre film
Pour ce qui nous intéresse, parlant de la gendarme accusée par le leader de Pastef/Les Patriotes d’avoir pris des images, Bassirou Turpin de dire « même si la gendarme était en infraction il (Ousmane Sonko) ne peut se faire justice soi-même », ajoutant : « Le plus drôle est qu’il (Ousmane Sonko) s’offusque d’être filmé mais lui-même a photographié des agents et s’en est allé jusqu’à publier les images sur Facebook sans prendre leur accord ».
Autre élément que Turpin prend en compte. « Sonko n’a pas la preuve qu’il était filmé dans la mesure où il n’a pas pu déverrouiller le téléphone pour voir le contenu » pire pour lui, le fait de le prendre avec force le téléphone, sans le consentement du propriétaire, a la même valeur que de leur prendre à son insu. C’est du vol. »
Revenant sur les propos du procureur de la République qui évoquait lors de son point de presse de samedi dernier « depuis un certain temps », Bassirou Turpin indique ces mots signifient que des enquêtes « ont démarré depuis les événements de juin et que les preuves sont déjà regroupées ».
« La justice a fini ses investigations il fallait juste attendre un prétexte pour déclencher officiellement la machine », dit-il à Maderpost, précisant : « n’oublions pas que la justice a confisqué beaucoup d’éléments appartenant à Sonko et qu’ils ont été largement exploités depuis ».
Toutefois, comme le chroniqueur judiciaire du Groupe Futurs Médias, Daouda Mine, ou encore le Pr Ndiack Fall, notre consultant affirme qu’Ousmane Sonko va aussi vers un nouveau procès avec Adji Sarr « à la différence que cette fois-ci, le président du tribunal va exécuter l’ordonnance de prise de corps qui va permettre de garder Sonko derrière les barreaux jusqu’à l’obtention d’une décision de justice ».
« Ceci dit, il faut savoir que l’affaire peut être enrôlée dans deux mois ou moins », précise M. Turpin, ajoutant « mais, Sonko restera en prison avec l’exécution de l’ordonnance de prise de corps prononcée par le président de la Chambre criminelle. Et cette décision n’est susceptible d’aucun recours ».
Notre consultant Bassirou Turpin est sur le projet d’un livre qui va « traiter de l’avant, pendant et l’après premier procès Adji Sarr vs Ousmane Sonko avec toutes ses conséquences tant sur le plan juridique que sociologique ».
Maderpost