Blindés légers, unités d’élite et 45 000 hommes mobilisés : le gouvernement français a engagé des moyens « exceptionnels » vendredi 30 juin pour tenter d’enrayer le cycle des violences, pillages et destructions qui agitent de nombreuses villes du pays. Des incidents graves ont eu lieu à Marseille. D’autres heurts ont éclaté à Lyon, Grenoble, St-Etienne, Paris ou encore Strasbourg.
MANIFESTATIONS – Pour la quatrième nuit consécutive, des affrontements avec les forces de l’ordre et des dégradations secouent de nombreux quartiers et centres-villes depuis le décès mardi 27 juin du jeune Nahel, tué par un policier lors d’un contrôle routier.
Depuis la mort de Nahel, des édifices publics, écoles, commerces… ont été la cible de la colère de jeunes habitants de quartiers populaires et incendiés dans de multiples villes de France, rappelant les émeutes qui avaient secoué la France en 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par la police. Dans la nuit du 29 au 30 juin, 492 bâtiments ont été visés, 2 000 véhicules brûlés et des dizaines de magasins pillés, et ce, en dépit de l’arrestation de près de 900 personnes dans la nuit.
Les autorités ont encore renforcé vendredi leurs moyens pour tenter d’enrayer le cycle des violences, pillages et destructions qui agitent sporadiquement de nombreuses villes du pays. À l’issue d’un deuxième comité interministériel de crise en deux jours, Gérald Darmanin a annoncé la mobilisation « exceptionnelle » de 45 000 policiers et gendarmes pour éviter une quatrième nuit consécutive d’émeutes. À ces effectifs, en légère hausse par rapport à la nuit précédente, s’ajoutent le déploiement de blindés de la gendarmerie et la poursuite du recours à des unités d’élite comme le GIGN pour éviter les violences au cours desquelles la veille.
A cette heure, déjà 270 interpellations dont plus de 80 à Marseille, où des renforts importants arrivent en ce moment.
Vendredi 30 juin dans l’après-midi, des incidents épars ont éclaté à Rosny-sous-Bois et dans un centre commercial à Créteil, près de Paris, mais aussi dans le centre-ville de Strasbourg, où un magasin Apple Store a été vandalisé et 33 personnes interpellées, selon la préfecture du Bas-Rhin.
Vol dans une armurerie à Marseille
Plus tard, dans la soirée, c’est Marseille qui était de nouveau secouée par des heurts. La police a annoncé au moins 63 interpellations vers 22 heures 45 parmi des petits groupes, très mobiles, visage masqué, dont certains « tentent des pillages » sur plusieurs artères. Deux policiers ont été légèrement blessés. De nombreux groupes de jeunes, « très mobiles », ont lancé des projectiles sur les forces de l’ordre, notamment sur la célèbre artère du centre, La Canebière, tandis que plusieurs enseignes ont été pillées.
Parfois, quelques jeunes garçons passent en courant, des habits neufs encore sur cintres et l’étiquette « soldes » visible. Plusieurs boutiques ont été pillées, dont celle de l’enseigne de luxe Lancel. Quelques armes de chasse ont également été dérobées dans une armurerie, mais sans munition, selon la préfecture de police.
Dans la soirée, le maire de Marseille, Benoît Payan, a demandé « l’envoi immédiat de forces de maintien de l’ordre supplémentaires » face aux violences et pillages dans la deuxième ville de France. Une compagnie de CRS doit arriver dans la nuit. Le ministère de l’Intérieur avait, lui, annoncé plus tôt dans la soirée, l’arrivée d’un avion de surveillance des forces spéciales du RAID.
À Marseille, les scènes de pillages et de violence sont inacceptables.
Je condamne avec une totale fermeté ces actes de vandalisme et demande à l’État l’envoi immédiat de forces de maintien de l’ordre supplémentaires.
Le RAID et la BRI déployés à Lyon
Des affrontements ont également opposé manifestants et forces de l’ordre vendredi soir devant l’Hôtel de Ville à Lyon, au début d’un rassemblement contre les violences policières, interdit par la préfecture du Rhône. Les manifestants ont toutefois afflué vers 20 heures au centre-ville, pour atteindre 1 300 personnes, selon la préfecture. « Pas de paix, pas de justice », « Darmanin démission », « Soulèvements de la terre et des banlieues », « police raciste », « Pour Nahel », scandait la foule réunissant des militants d’extrême gauche, mais aussi des habitants de Lyon et de banlieues lyonnaise. Les forces de l’ordre ont répliqué par des gaz lacrymogènes à des tirs de mortiers d’artifice lancés par des manifestants cagoulés. La presse régionale fait état de voitures retournées et incendiées.
Des groupes de jeunes, certains cagoulés, certains armés de mortiers d’artifice ou de barres de fer, ont pris tout leur temps pour piller plusieurs magasins dans les rues piétonnes du centre-ville et allumer des feux de poubelle, se dispersant rapidement dans les rues en cas d’annonce d’approche des forces de l’ordre. À pied, à trottinette ou à vélo, plusieurs dizaines ont embarqué des jeux vidéos, des bouteilles, des sous-vêtements, des chaussures après avoir brisé des vitrines en poussant des cris de joie.
À Vénissieux, au sud de Lyon, les CRS ont été pris à partie par des dizaines de personnes, et les affrontements ont aussi gagné Villeurbanne, aux portes de Lyon, selon la préfecture, qui faisait état de 31 interpellations en milieu de soirée dans l’agglomération.
Le RAID a également été déployé à Lille devant le principal commissariat de la ville, où des feux ont été allumés en début de soirée.
Dans le même temps, à Grenoble, des centaines de jeunes encagoulés ont pu dévaliser de nombreux magasins du centre-ville, notamment de vêtements et de téléphonie, avant une intervention tardive des forces de l’ordre.
À St-Etienne, plusieurs centaines de jeunes, dont beaucoup portant un masque chirurgical, ont brisé des vitrines de magasins à coup de pierre ou d’objets en métal, et pénétré dans plusieurs boutiques de vêtements, d’optique et de bijoux pour les piller.
Des manifestations « contre le racisme » interdites
Des manifestations « contre le racisme, les crimes et les violences policières » ont également été interdites vendredi soir à Paris, dans le centre de Marseille, Lyon, Bordeaux, ou encore Toulouse. Mais plusieurs centaines de personnes ont malgré tout défilé, notamment à Montpellier, à l’appel de plusieurs mouvements de gauche munis de pancartes. Dans la capitale, les forces de l’ordre ont évacué en soirée une centaine de personnes réunies place de la Concorde.
Des dizaines de fourgons de policiers étaient ainsi positionnés non loin de l’entrée du quartier du Vieux Pont à Nanterre, d’autres postés aux abords du quartier commerçant des Halles au cœur de Paris, théâtre de pillages la nuit précédente.
Les Bleus appellent au calme
« Le temps de la violence doit cesser pour laisser place à celui du deuil, du dialogue et de la reconstruction », ont exhorté les joueurs de l’équipe de France de football en référence aux émeutes, dans un texte relayé vendredi 30 juin par le capitaine Kylian Mbappé. Les Bleus, se disent « marqués et choqués par la mort brutale du jeune Nahel » et lancent un « appel à l’apaisement, à la prise de conscience et à la responsabilisation », assurant que la violence doit laisser place à « d’autres manières pacifiques et constructives de s’exprimer ».
Le président Emmanuel Macron, qui a écourté son séjour vendredi matin à Bruxelles, a appelé à la responsabilité des familles alors que la jeunesse des auteurs des violences a frappé les esprits. La mort de Nahel, dont la famille est originaire d’Algérie, a ravivé le sujet des violences policières, dans un pays où 13 personnes sont mortes à l’issue d’un contrôle de police l’an dernier.
Maderpost / Afp