L’ONG est accusée d’avoir mené des activités en dehors de la région de Moscou, en violation de son statut régional, notamment d’avoir envoyé des observateurs à des procès ou ses membres à des événements dans d’autres régions du pays.
RUSSIE – Le juge ne s’est même pas donné la peine de préserver les apparences : la décision a été prise en 20 minutes et annoncée en moins de 30 secondes. Un tribunal moscovite a ordonné mercredi la fermeture du Groupe Helsinki de Moscou. La justice russe s’en prend ainsi à la plus ancienne ONG de défense des droits humains du pays. Fin décembre, le département moscovite du ministère de la Justice avait déposé une requête demandant la dissolution du groupe et son interdiction sur le territoire russe.
« Une nouvelle attaque contre les droits humains »
« C’est symbolique, parce qu’il s’agit de la première organisation de défense des droits de l’homme créée du temps de l’Union soviétique », déplore Lev Ponomarev, membre du Groupe Helsinki de Moscou depuis 1996, qui a dû s’exiler en France, après avoir reçu le statut « d’agent de l’étranger ». Le Groupe Helsinki de Moscou a été créé pour s’assurer du respect par l’URSS de ses engagements en matière de droits humains, pris dans l’Acte final d’Helsinki en 1975 à l’issue de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.
« Le Groupe Helsinki de Moscou n’était pas inscrit au registre des agents de l’étranger, parce qu’il ne recevait pas de financements étrangers, souligne-t-il. L’ONG avait justement décidé de se passer de ces financements pour tenter de se protéger. Et on aurait pu se dire qu’il n’y avait aucune raison de s’en prendre à elle parce qu’elle ne touchait quasiment pas d’argent, elle n’employait plus que deux ou trois personnes, c’était devenu quasiment une association confidentielle qui gardait le contact avec des défenseurs des droits de l’homme en province. Tout cela montre que dans la Russie de Poutine, le terme même de « défenseur des droits de l’homme » est synonyme d’ »ennemi du peuple ». Les défenseurs des droits de l’homme sont des ennemis de la Russie ou des agents de l’étranger. »
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a déploré « une nouvelle attaque contre les droits humains en Russie ». « Le Kremlin étend son agression en Ukraine à la répression politique dans son pays, fait taire les défenseurs des droits humains, réprime la société civile et les voix qui rejettent l’autoritarisme et la guerre », a-t-il écrit sur Twitter.
« Bien sûr, nous allons nous battre »
L’ONG a été accusée d’avoir mené des activités en dehors de la région de Moscou, en violation de son statut régional, notamment d’avoir envoyé des observateurs à des procès ou ses membres à des événements dans d’autres régions du pays. Une procédure qui rappelle celle ayant abouti, à l’hiver dernier, à la dissolution de l’ONG Mémorial, autre pilier de la défense des droits humains et de la mémoire des victimes des crimes soviétiques.
« Tout est artificiel ils ont tout inventé, s’insurge Valery Vasilyevich Borshchev, un célèbre dissident de l’Union soviétique et actuel président du groupe Helsinki. C‘est la tendance du moment, briser tout mouvement de protection des droits de l’homme. D’abord, ils ont fermé Memorial et maintenant, ils s’attaquent au Groupe Helsinki de Moscou. C’est un coup dur pour le mouvement. Parce que l’autorité du Groupe Helsinki de Moscou est importante, et qu’il jouit d’une autorité morale dans les médias, les organisations gouvernementales, les organisations de défense des droits de l’homme et même parmi les autorités. Bien sûr, nous allons nous battre. Bien sûr, c’est de plus en plus difficile, vraiment difficile, car les autorités ont pris leurs distances avec les organisations de défense des droits de l’homme et de la coopération qui existaient auparavant. »
Les avocats de l’ONG ont aussitôt annoncé leur intention de faire appel de la dissolution.
Maderpost / Sud quoitidien