Andrea Sahouri, reporter du Des Moines Register, avait été arrêtée lors d’une manifestation de protestation contre la mort de George Floyd fin mai 2020. Pour les médias américains, le fait que des poursuites aient été engagées contre elle est le signe d’une rupture dans l’exercice de la liberté de la presse aux États-Unis.
PRESSE -Une journaliste dans le box des accusés. Cette semaine, The Des Moines Register a dû couvrir le procès de l’une de ses anciennes employées, Andrea Sahouri, jugée par un tribunal de l’Iowa pour avoir, avec son compagnon d’alors, “tenté d’échapper à une arrestation lors d’une manifestation contre la mort de George Floyd en mai 2020”.
Sahouri était chargée de couvrir la manifestation pour le Des Moines Register, précise le quotidien local. Mardi 9 mars, elle a expliqué au tribunal s’être abritée dans un magasin de Des Moines lorsqu’elle a vu un policier lui foncer dessus :
Je ne pensais pas que c’était une bonne idée de fuir les officiers, car je ne faisais rien de mal. J’ai levé les mains et j’ai dit ‘presse, presse’, et il m’a attrapée et m’a aspergée de gaz lacrymogène.”
Selon The Des Moines Register, ses avocats ont également montré une vidéo dans laquelle on voit Sahouri s’adresser à un policier juste après son interpellation :
C’est mon boulot, c’est mon boulot. Je fais juste mon boulot… J’ai été envoyée ici… Je suis journaliste.”
Les procureurs ont toutefois allégué que Sahouri avait “désobéi aux ordres de la police”, indique le quotidien local, qui note que l’affaire a eu un retentissement international, de nombreux observateurs dénonçant “une violation de la liberté de la presse”.
Au moins 126 journalistes américains arrêtés lors de l’été 2020
D’après l’organisme américain US Press Freedom Tracker, au moins 126 journalistes ont été arrêtés ou détenus dans le cadre de leur travail lors des manifestations pour la justice raciale de l’été 2020, soit plus que les trois années précédentes réunies. Mais dans la plupart de ces cas, les poursuites ont vite été abandonnées, souligne The Washington Post. Seule Sahouri et une dizaine d’autres journalistes américains ont fait l’objet de poursuites.
Selon le quotidien de la capitale, qui cite David Ardia, professeur de droit à l’université de Caroline du Nord, la loi américaine n’accorde pas aux journalistes le privilège d’aller dans des endroits “où le public ne peut pas aller”, mais les procureurs ont toujours refusé de poursuivre les journalistes qui couvrent des manifestations.
Ardia qualifie l’affaire Andrea Sahouri de “rupture” avec une “coutume” reconnue par les procureurs et les services de police dans tout le pays :
Il n’est pas dans l’intérêt public de poursuivre des journalistes qui ont fait leur travail.”
La journaliste et son ex-compagnon, qui l’accompagnait pour sa sécurité, ont plaidé non coupable et risquent une peine pouvant aller jusqu’à trente jours de prison. Et selon The Washington Post, le jury pourrait rendre son verdict dès ce mercredi 10 mars.
Maderpost/ COURRIER INTERNATIONAL