Maintenant que le député de Bokk Gis Gis, Pape Diop, a «pris en toute responsabilité, après mûre réflexion, la décision de rejoindre le groupe parlementaire qui sera mis en place par la coalition du pouvoir Benno Bokk Yaakaar», s’éloigne la cohabitation parlementaire que souhaitait l’opposition. Reste alors à savoir si les différentes coalitions qui sont allées ensemble aux dernières élections législatives pourront «gouverner» ensemble, condamnées qu’elles seront au télescopage de leurs ambitions respectives. A l’évidence Taxawu Senegal et Yewwi Askan Wi auront chacune un candidat à l’élection présidentielle de 2024 comme l’a d’ailleurs réitéré Barthélémy Dias, député-maire de Dakar, en réaffirmant que son candidat demeure Khalifa Sall. Tout comme l’Alliance pour la République (Apr) qui sera dans la course, il faudra compter avec le Parti démocratique sénégalais (Pds) pour jeter toutes ses forces dans la bataille afin que son chef de file, Karim Meïssa Wade, «exilé» à Doha, puisse revenir au bercail et y recouvrer ses droits civiques. Que ce soit par une grâce présidentielle ou le vote d’une loi d’amnistie, une telle éventualité englobera forcément Khalifa Sall. TRIBUNE – En tout état de cause, alors qu’il est parfois agité l’idée de regroupement de la famille libérale, se profile l’impossibilité de voir Karim Wade, patron du Pds, s’aligner derrière un candidat de l’Apr ou vice-versa. La présidentielle de 2024 est donc annoncée pour accueillir des candidatures plurielles avec en filigrane un risque d’implosions des partis et/ou coalitions de partis. Que le Président Macky Sall désigne un dauphin ou une dauphine et voilà que, à l’image d’une armée mexicaine, ça va partir en vrille. Qu’il se résolve à contourner une telle perspective en sollicitant un 3e mandat ne sera pas sans danger vu qu’une telle décision pourrait entraîner une certaine agitation au plan politique et social. De même, elle contribuera à fédérer l’ensemble des partis ou coalitions de partis contre le président-candidat, chacun y allant de son couplet tout en nouant une sainte alliance contre lui, quitte ensuite à soutenir le mieux placé. Etant donné que désormais, au niveau de la majorité comme de l’opposition, tout sera conditionné par la prochaine élection présidentielle, c’est donc ici et maintenant que se dessinent les stratégies politiques. Il est donc attendu de Taxawu Senegal qu’elle positionne son leader comme une offre alternative au pouvoir en place, tout en veillant à ce qu’il ne soit pas perçu comme un second de Sonko, derrière lequel il va falloir se ranger. Aussi peut-on subodorer d’ores et déjà que si les deux pôles de l’inter-coalition, Yewwi-Wallu, pourraient s’accorder à l’hémicycle sur le vote de certaines lois et/ou projets de loi, il n’est pas certain que l’entente soit sans anicroche, puisque chaque coalition va devoir mettre en branle une stratégie de conquête présidentielle autonome. Et cela d’autant plus que l’on se souviendra des affres de la candidature unique portée en 2000 par Abdoulaye Wade avec le pôle de Gauche (Pit, And Jëf, Ld/Mpt) qui s’était engagé à le soutenir. En effet, la première chose qu’a faite Abdoulaye Wade, est de se débarrasser méthodiquement de tous ces alliés encombrants qui l’empêchaient de vivre en président émancipé. On est donc fondé à croire qu’il y aura en direction de 2024 un émiettement des pôles qui rendra difficile toute qualification au 1er tour. Si le qualifié est le président sortant, en ce sens qu’il aura sollicité un 3e mandat, il est fort probable que le Sénégal soit en proie à une dynamique de contestation pré-électorale avec des risques de dérapages ponctuées de blessés, de vies fauchées, sans compter la possible irruption de l’armée sur la scène politique au cas où la chienlit ferait mine de vouloir s’installer durablement. Un inédit non souhaitable certes, mais qui demeure un danger potentiel à ne point négliger. A moins que surgisse un.e « invité.e-surprise » qui puisse susciter une forte attraction autour de son offre programmatique. Toutefois, la présidentielle devant se tenir dans un peu moins de 2 ans, rend peu probable un tel scénario. En tout état de cause, quelles que soient les réserves exprimées ici ou là, en cette étape de notre histoire commune, la bonne nouvelle est la fiabilité du système électoral sénégalais et subséquemment la prise de conscience par le citoyen-électeur de l’efficience de sa carte électorale. En un mot de son pouvoir de sanction et/ou de promotion. Aussi l’intérêt de tous et de toutes, classe politique, société civile, médias, serait-il de forcer les acteurs à renforcer la crédibilité des institutions et non à les discréditer. En clair, elles ont rendu possibles deux alternances politiques majeures en 2000 et en 2012, de même que des élections locales et législatives marquées par les formidables percées de l’opposition. Pour peu que seul le Sénégal importe, reste donc en effet à traquer les dysfonctionnements de nos institutions, pour les renforcer, les sécuriser, les crédibiliser, afin que le système puisse obliger tout un chacun à suivre les règles qui s’imposent à tout le monde. En ce sens, le rapport de la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI) remis au président de la République, le 13 février 2014, avec des propositions visant à remédier aux dysfonctionnements institutionnels mis en évidence, constitue sans conteste un bon document de travail qui n’attend qu’à être dépoussiéré en vue d’une application conforme aux exigences de la période. Et cela engage toutes les parties, majorité comme opposition. Un travail d’autant plus important que ce qui s’exprime à travers les résultats de toutes ces élections, c’est surtout ce petit quelque chose qui s’appelle l’espoir. Et ni les achats de conscience, ni les débauchages, ni l’étalage d’infrastructures ne sauraient venir à bout de cette nostalgie de l’excellence. L’oublier, ne pas en tenir compte, c’est se faire hara-kiri. Maderpost / Sud quotidien ]]>
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