C’est une affaire de tentative de meurtre qui s’est invitée, ce 15 décembre, devant la barre de la chambre criminelle de grande instance de Dakar.
TENTATIVE DE MEURTRE – Les faits se sont déroulés dans l’après-midi du samedi 15 juillet dernier, alors que la victime, Nogaye Niang (16 ans), se trouvait sur la terrasse au niveau 3 de la demeure où elle est employée comme femme de ménage. Entre 17h et 18h, elle a chuté du 3ème étage de son lieu de travail aux Hlm avant de se retrouver à l’unité de réanimation et de neurologie du centre hospitalier de Fann où elle est restée dans le coma pendant près d’un mois.
Ignorant les causes de la chute, le père de la victime, Alassane Niang, 4 jours après le drame, a décidé de déposer une plainte contre X. C’est le 5 août que Nogaye Niang a repris connaissance et dans ses premières réactions, elle révèle avoir été jetée du haut de la terrasse par les nommées Maïmouna Fall (fille de sa patronne) et Soukèye Diop (sa collègue domestique).
Présentées devant le juge ce 15 décembre, les 2 accusées et la victime ont été soumises à un interrogatoire pour situer leurs responsabilités dans les poursuites pour tentative d’homicide volontaire.
Dans ses témoignages, Nogaye Niang a fait savoir qu’elle se querellait avec Maïmouna Fall parce que cette dernière lui en voulait pour des propos jugés irrespectueux envers sa mère. « Je me suis battue avec Maïmouna à cause du pain que j’avais acheté le matin et qui déplaisait à sa maman », a-t-elle soutenu. « Elle m’a trouvé par la suite sur la terrasse pour me réprimander avant de s’en prendre à moi », explique-t-elle. Sur l’implication de sa collègue domestique Soukèye Diop, elle dira qu’elle n’avait aucun problème avec cette dernière, sauf qu’au moment de l’altercation avec la fille de sa patronne, Soukèye est venue lui prêter main forte. « Maï m’a ouvert le front et Soukèye m’a tiré les tresses par derrière avant qu’elles ne me ligotent pour me jeter du haut du 3ème étage », a raconté la victime. « Les faits se sont déroulés entre 17h et 18h », a-t-elle ajouté. Infirme désormais du pied droit qu’elle traîne depuis la chute, la plaignante est ferme dans ses accusations, c’est Maïmouna qui m’a battue jusqu’à m’entailler le front. « En tant que domestique, je nettoyais 1 à 2 fois sa chambre par semaine et elle me payait 30.000 Fcfa/mois », a expliqué Nogaye Niang devant le juge.
Pour sa part, Maïmouna Fall a rejeté les accusations affirmant qu’elle n’avait rien à voir avec la chute de Nogaye. « La chute m’a trouvé au premier étage, je n’ai jamais eu de plaignant avec Nogaye ni avec sa coéquipière domestique, Soukèye Diop. Ma mère qui se trouve être leur patronne a toujours voulu mettre un terme à son travail de domestique, mais je me suis toujours opposée à la démarche parce que Nogaye m’avait expliqué sa situation et qu’elle assurait grâce à son boulot la scolarité de son jeune frère, c’est la raison pour laquelle j’insistais pour qu’elle poursuive son travail en tant que femme de ménage à la maison. C’est moi-même qui la payait » a soutenu Maïmouna Fall.
Interrogée sur les véritables raisons des accusations portées contre sa personne par la victime, Maïmouna s’explique. « Nogaye et Soukèye se sont disputées la veille des faits sur qui d’entre elles devaient prendre son jour de congé et s’en est suivi des échanges de mots aigres entre les deux (2). Elles se sont bagarrées sur la terrasse avant que Nogaye chute, entre temps, j’étais au 1er étage avec ma mère et 4 autres membres de ma famille », a expliqué Maïmouna.
« C’est pendant qu’on causait tranquillement au premier étage que j’ai entendu un bruit surprenant, je me suis approchée du balcon pour m’en enquérir que j’ai aperçu ma voisine Maguette Mbow de la maison d’à côté qui en faisait de même. C’est d’ailleurs à elle que je me suis adressée et apparemment elle n’était pas plus informée que moi. C’est par la suite que j’ai vu Nogaye gisant au sol dans la rue et aussitôt je suis descendue avec les autres membres de ma famille pour lui porter secours… »
Déférée le 20 septembre, Soukèye Diop co-domestique de Nogaye Niang a, pour sa part, balayé d’un revers de main les accusations portées contre sa personne aussi. « Au moment de sa chute, je n’étais même pas sur la terrasse, je prenais un bain, j’ignorais même que Nogaye avait chuté de la terrasse. J’ai toujours eu de très bons rapports avec Nogaye, jamais d’animosité, elle ne me démentira pas », confie l’accusée, Soukèye Diop. Elle est formelle dans sa déclaration. « Je n’ai rien à avoir dans la chute de Nogaye Niang », a-t-elle déclaré.
Des témoins ont par ailleurs tiré d’affaire l’accusée Maïmouna Fall. « J’ai entendu un bruit assourdissant qui semble émaner d’une hauteur et quand je suis sorti de mon salon qui juxtapose la rue, j’ai subitement regardé en haut et j’ai aperçu Maïmouna Fall sur le balcon du 1er étage de sa demeure qui m’a demandé ce qui se passait avec ce bruit qu’on venait toutes deux (2) d’entendre. Je lui ai répondu que c’est ce que j’essaie de voir », a témoigné Magatte Mbow, une riveraine aux Hlm, à côté de la demeure où les faits se sont produits.
Idem pour la mère de l’accusée principale, Khady Guèye qui explique qu’au moment des faits elle était en compagnie de sa fille Maïmouna Fall dans le salon au 1er étage.
Dans les plaidoiries, la partie civile parle d’acte odieux qui aurait pu coûter la vie à la victime Nogaye Niang. « C’est une personne vulnérable qui, si le destin ne l’avait pas voulu ne serait pas là. Je m’interroge sur la liberté provisoire de Maïmouna Fall et le fait de laisser en prison Soukèye Diop, la domestique ? » s’est exclamé l’avocate de Nogaye Niang qui invite le juge à retenir les 2 accusées, Maïmouna Fall et Soukèye Diop dans les liens de la détention pour tentative d’homicide volontaire et de les condamner à la hauteur de la faute commise. L’avocate a appelé à recevoir la demande formulée par le père de la victime, Alassane Niang et de lui allouer la somme de 25 millions Fcfa à titre de dommages et intérêts.
Le parquet de son côté évoque une volonté manifeste de la part des 2 accusées de donner la mort à Nogaye Niang, raison pour laquelle le procureur de la République a requis 5 ans d’emprisonnement ferme à leur encontre et de décerner un mandat de dépôt à Maïmouna Fall.
La défense de Soukèye Diop parle d’absence de preuves concordantes qui placeraient la coéquipière domestique de Nogaye Niang sur les lieux. « Il n’y a aucun élément objectif incriminant Soukèye Diop. Personne dans cette affaire ne vous a déclaré, monsieur le juge, avoir vu Soukèye Diop sur la terrasse. Quel est l’élément qui justifie qu’elle était au 3ème étage? Il y’a une intention de charger Soukèye Diop parce qu’elle est le parent pauvre dans ce dossier. Il y’a eu trop de confusion et jusqu’à l’heure où on parle, elle est la seule personne qui paie », a expliqué l’avocat de Soukèye Diop. Il plaide pour l’acquittement purement et simplement à défaut de l’acquittement au bénéfice du doute.
La défense de Maïmouna Fall, par contre, considère pour sa part qu’il y’a comme l’impression, dans cette affaire, d’une alliance entre la partie civile et l’accusée Soukèye Diop pour incriminer Maïmouna Fall. Pour les avocats de cette dernière, il n’y a rien qui justifie la culpabilité de leur cliente, au contraire soulignent ses avocats, des témoins l’ont déchargée des poursuites qui pèsent sur elle. « Maï n’a jamais varié dans ses propos, c’est une injustice de vouloir lui faire endosser la responsabilité », ont soutenu ses conseils qui plaident pour sa relaxe totale.
L’affaire est mise en délibéré au 05 janvier 2021…
Maderpost / l’Observateur