La réforme du système de parrainage tant magnifiée s’est finalement révélée plus catastrophique pour une élection présidentielle inclusive.
TRIBUNE – La récente réforme se décline en trois (3) :
1. Une baisse du seuil de parrains requis (0,6% 0,8%) du fichier général des électeurs (Constitution, article 29). Ce qui n’a pas eu d’impact réel puisqu’il n’a pas été pris en considération l’évolution du fichier électoral (la dernière version exceptionnelle des listes électorales a enrôlé près de 350 000 nouveaux inscrits).
2. La réglementation de la composition de la commission de contrôle et de vérification (article L.123 du code électoral nouveau).
3. L’application du tirage au sort pour déterminer l’ordre de contrôle des parrainages (L.57, alinéa 14 du CE).
Il convient donc de relever qu’aucune de ses innovations ne vise à améliorer les modalités de collecte et de contrôle des parrainages au contraire l’arrêté ministériel y relatives au lieu de simplifier les procédures, il les a rendues plus complexes (voir le modèle de fiches et le format Excel).
Le système de collecte et de contrôle, n’étant pas automatisé, empêche les candidats de déceler les doublons externes. A noter que près de 200 000 doublons ont identifié dans les parrainages des candidats admis à régulariser compte non tenu des candidats déjà éliminés. Et le risque de doublons externes devient plus élevé lors de la régularisation puisque le contrôle se fera sur la base de l’ensemble des parrainages déjà traités.
En effet, le logiciel de contrôle est méconnu des candidats alors qu’en 2019 Il a été présenté aux candidats ou leurs représentants. Pire le paramétrage du logiciel utilisé pour le contrôle des parrainages n’effectue pas de recherche multicritère qui aurait permis d’identifier, des la base des données, un parrainage dont les renseignements comporte des erreurs de saisie.
Par conséquent, le logiciel considère comme non présents dans le fichier électoral tous les parrainages reproduits dans le fichier Excel de manière différente de l’orthographie de la carte nationale d’identité (CNI) biométrique CEDEAO. Ainsi, l’omission d’une lettre sur les prénoms et noms ou d’un chiffre sur le numéro de la carte d’électeur et le NIN de même que l’erreur sur le discriminant (la date d’expiration de la CNI) entraînent le rejet du parrainage. Plus grave encore, la commission de contrôle invalide toute liste de parrainages qui ne renseigne pas l’entête, notamment l’indication de la région.
Aussi l’affection automatique des parrains à leur région de vote n’est pas appliquée de sorte qu’en cas d’erreur sur la région, le parrainage est éliminé.
A cela s’ajoute, l’inexploitation des listes des régions qui dépassent 10 000 par fichier.
Le constat est que la commission de contrôle ne fait pas la différence entre une erreur matérielle substantielle ou non et celle pouvant être corrigée séance tenante, soit par le représentant du candidat (mention de la région), soit par le logiciel.
Par ailleurs, la réforme n’a pas pris en compte les implications de la procédure de contrôle des parrainages et au surplus la décision du Conseil constitutionnel qui exige la complétude du dossier comme condition pour procéder au contrôle des parrainages d’un candidat. En vertu de la Constitution et du code électoral, les réclamations sont déposées après la publication de la liste des candidats.
Or il est évident que des candidats éliminés dès le début du contrôle des parrainages sont obligés d’attendre jusqu’à cette période pour forme leur requête alors qu’il aurait été plus judicieux que ceux qui sont recalés pour dossier incomplet ou à l’issue du contrôle des parrainages en reçoivent la notification dans les meilleurs délais et soient autorisés à faire des réclamations dans les 48 h qui suivent.
Imaginez que le Conseil constitutionnel publie comme en 2019 la liste des candidats le 13 janvier 2024 et qu’au terme du délai fixé pour le dépôt des réclamations, il décide de reprendre le contrôle de certaines listes de parrainage. Dans un tel cas de figure, le Conseil, appréciant le bien fondé des moyens soulevés,
pourrait-il respecter le délai de publication de la liste définitive des candidats à l’élection au plus tard le 20 janvier 2024.
Au vu de ces constats et considérations, il y a lieu d’envisager les réformes appropriées et non superficielles du système de parrainage sénégalais qui s’est révélé très complexe et sélectif.
Ma conviction reste que le fichier électoral dont la fiabilité a été certifiée par les MAFE n’est pas la source du problème.
En tout état de cause, l’on ne saurait changer les règles du jeu en cours de jeu !
Ndiaga SYLLA, Expert électoral
Maderpost