Umoa-Titres est une institution communautaire de l’Union économique et monétaire ouest africaine, créée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) le 15 mars 2013 sur décision du Conseil des Ministres de l’Union. Elle a pour principale vocation d’apporter son concours aux États membres de l’Union.
UMOA – En 2023, les huit (8) États membres de l’Union ont mobilisé sur le Marché des titres publics (Mpt) des ressources d’un montant global de 7 194,42 milliards avec 150 interventions, contre 5 254,66 milliards pour 130 interventions en 2022, soit une hausse d’environ 37%. La révélation est de Mme Oulimata Ndiaye Diassé, Directrice de Umoa-Titres depuis le 1er Octobre 2023.
Dans une interview exclusive au Journal de l’économie sénégalaise (Lejecos), elle a précisé que le taux moyen de couverture des émissions est ressorti en baisse d’environ 28 points de pourcentage pour s’établir établi à 139,90% du montant mis en adjudication, contre 168,28% en 2022.
Mme le Directeur, Pouvez-vous revenir avec nous sur les missions et le cadre d’intervention de Umoa-Titres ?
Je vous remercie pour cette question. D’emblée je dirai que Umoa-Titres (UT) est une institution communautaire de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) créée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) le 15 mars 2013 sur décision du Conseil des Ministres de l’Union. Elle a pour principale vocation d’apporter son concours aux États membres de l’Union, (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) pour mobiliser sur les marchés de capitaux, les ressources nécessaires au financement de leurs politiques de développement économique, à des coûts et risques maîtrisés. J’ajouterai aussi, qu’au-delà de la mobilisation de ces ressources, Umoa-Titres accompagne également les États de l’Union dans tous les aspects liés à la gestion de la dette et de la trésorerie.
Dans le cadre de cette mission, Umoa-Titres accompagne les Trésors Publics dans :
- la détermination et la formulation de leurs besoins de financement
- la programmation et la coordination de leurs interventions sur le marché
- la gestion opérationnelle des émissions des titres publics
- la promotion des titres publics auprès des investisseurs
- le renforcement de leurs capacités
- le placement de leurs excédents de trésoreries
Par ailleurs, l’institution œuvre quotidiennement au développement du marché des Titres Publics et par conséquent du Marché financier régional.
Les Remtp viennent de prendre fin au Bénin. A l’issue de cette rencontre, quels ont été les principaux enseignements à tirer ?
Pour rappel, les Rencontres du Marché des Titres publics (Remtp) ont été instituées par Umoa-Titres dès 2019. Ces journées, ont en effet été identifiées comme l’un des moyens phares pour renforcer le positionnement du Marché des Titres publics, en tant que véritable option d’investissement pour les acteurs du marché en général, et les investisseurs institutionnels en particulier.
La sixième édition de ces Rencontres, qui s’est tenue les 23 et 24 janvier 2024 à Cotonou, au Bénin, a porté sur la thématique générale « Développement du marché obligataire en zone Umoa : Quels axes de réformes ? ». Je tiens à réitérer mes remerciements à l’ensemble des participants. Leurs contributions ont permis de rehausser la qualité des échanges sur les différentes thématiques abordées au cours de cette édition.
À l’issue de ces Rencontres, Umoa-Titres retient la série d’actions ci-après à mener dans le cadre du développement du Marché des Titres Publics de l’Union :
- la mise à disposition d’une plateforme de cotation pour renforcer la formation et la transparence des prix ;
- la réforme du cadre des Spécialistes en valeurs du Trésor (Svt) afin de rendre l’activité plus attractive pour les concernés ;
l’harmonisation de la fiscalité sur les valeurs mobilières, afin d’éviter les arbitrages fiscaux au sein des pays de l’Union et renforcer le caractère régional et intégré du Marché Financier Régional ;
- le renforcement des capacités des acteurs et la poursuite des réflexions sur la mise en place de nouveaux instruments (obligations durables, instruments à taux variables et instruments de la finance islamique) ;
- la mobilisation des parties prenantes de l’écosystème du Mtp pour une mise en œuvre collégiale du plan du marché des Titres Publics ;
- le renforcement du programme de certification Cisi-Umoa mis en place en partenariat avec le Chartered Institute for Securities and Investment (Cisi), par l’ajout de nouveaux modules et la mise en place de parcours métier.
Quel est le bilan chiffré du Marché des Titres Publics en 2023 ?
L’année 2023 a été marquée dans l’Uemoa, entre autres, par des tensions sur le Marché des Titres publics (Mtp), à l’instar des marchés internationaux. Ceci en raison notamment de la normalisation de la politique monétaire de la Bceao, tout comme la plupart des autres banques centrales, pour faire face aux pressions inflationnistes observées depuis le deuxième semestre de l’année 2022, et qui comme vous le savez, sont consécutives principalement aux effets de la crise sanitaire Covid-19 et du conflit russo-ukrainien.
Le marché local a été également impacté par l’incidence négative des différentes crises politiques et sécuritaires survenues dans la zone Uemoa depuis quelques années. Cette situation a favorisé un durcissement des conditions de financement sur ce marché, avec notamment un repositionnement des émetteurs et des investisseurs sur la partie courte de la courbe et une hausse du coût de sortie des émissions.
Dans ce contexte, les huit (8) États membres de l’Union ont mobilisé en 2023 sur le Mtp des ressources d’un montant global de 7 194,42 milliards avec 150 interventions, contre 5 254,66 milliards pour 130 interventions en 2022, soit une hausse d’environ 37%.
Le taux moyen de couverture des émissions est néanmoins ressorti en baisse d’environ 28 points de pourcentage et s’est établi à 139,90% du montant mis en adjudication, contre 168,28% en 2022. Cette évolution est liée notamment à une baisse d’appétence des investisseurs pour les émissions de titres de certains États suite principalement aux effets des crises socio-politiques enregistrées au niveau de la région, auxquelles se sont ajoutées les tensions de liquidité induites par la normalisation de la politique monétaire de la Bceao.
Concernant le coût moyen des émissions, il est ressorti à 6,65% en 2023 contre 4,64% en 2022, soit une augmentation de 2%.
La problématique de la diversification de la base des investisseurs demeure au centre des principales préoccupations de Umoa-Titres. Quels sont les défis à relever et comment Umoa-Titres compte s’y prendre ?
Les diverses analyses font ressortir que l’étroitesse de la base des investisseurs du Marché des Titres publics (Mtp) de l’Union constitue l’une des contraintes majeures de son approfondissement.
En effet, Umoa-Titres en collaboration avec les acteurs du marché a élaboré un plan stratégique de développement du Mtp à horizon 2027 avec huit (8) axes prioritaires dont un axe 5, qui porte sur l’élargissement de la base aux investisseurs étrangers.
Dans ce cadre, l’une des actions que nous initions porte sur le renforcement de la visibilité et de l’attractivité du Mtp sur le plan international, à travers notamment une sensibilisation accrue des investisseurs étrangers. C’est dans cette optique que Umoa-Titres a participé à l’édition 2024 des « Bonds, Loans & ESG Capital Markets » qui s’est tenue les 5 et 6 mars 2024 à Cape Town. Cet événement, axé sur le marché de la dette africaine, est l’un des rares à réunir des banques locales et internationales, des émetteurs, des investisseurs et des acteurs du marché financier du continent africain.
Au-delà de l’attractivité des investisseurs étrangers, Umoa-Titres envisage également de poursuivre les actions de nature à approfondir et à diversifier la base des investisseurs régionaux du Mtp. A cet effet, l’institution organisera à Lomé en juin 2024, la seconde édition de la Journée d’échanges sur les Titres souverains (Jts) et participera tout au long de l’année à des évènements ayant comme cibles les acteurs du Marché des Titres publics.
Toujours dans cette optique de diversification de la base investisseurs, et en vue de mieux répondre aux besoins de ces derniers, Umoa – Titres travaille à l’élaboration de nouveaux produits, qui permettraient non seulement de capter les ressources disponibles sur certaines catégories de produit (Green Bonds, ESG …) ou encore mieux adaptés aux évolutions du contexte de marché (instruments à taux flottant par exemple…).
Bien que la demande des investisseurs locaux en la matière soit encore faible, les différentes initiatives prises dans la zone indiquent une volonté des acteurs du marché de disposer de ce type de produits dans leurs choix d’investissement.
A cet effet, la Bceao a tenu le 6 février 2024 une Conférence Internationale sur « Le rôle des Banques centrales face aux défis du changement climatique » montrant la nécessité d’intégrer ces indicateurs dans les outils de financement de nos économies.
La participation du grand public reste encore faible. Quelles sont les contraintes qui ont été identifiées ?
Les principales contraintes identifiées sont la faible culture financière des populations de la zone Uemoa, d’une part, et d’autre part, la tarification trop élevée et la faible diversification de certains produits et services financiers. Il est également noté que le grand public n’a pas connaissance des véhicules d’optimisation de l’épargne au sein de notre zone.
C’est à cet effet que Umoa-Titres s’est fixée pour objectif d’initier des actions visant la vulgarisation des notions financières liées à l’épargne et au placement. Les actions menées portent également sur le renforcement des capacités des acteurs du marché financier régional, afin qu’ils soient à même d’offrir au grand public des produits et services financiers adaptés et compréhensibles.
Ces dernières années ont été marquées par une situation d’incertitude dans certains pays de l’Union. Quelles sont les conséquences sur le Mtp?
Les différents soubresauts sociopolitiques et sécuritaires observés dans la sous-région ont induit les impacts ci-après sur le Mtp à savoir :
- la hausse des taux de sortie en corrélation avec une perception accrue du risque ;
- le resserrement de la base des investisseurs pour les différents émetteurs ;
- la suspension des interventions de certains émetteurs sur le Mtp en raison de sanctions prises à leur encontre par les instances communautaires.
- le recentrage des émissions des Etats sur les maturités courtes et moyennes afin de s’adapter aux capacités des investisseurs
Face aux impacts ci-dessus énumérés, les Etats ont renforcé leur communication à l’endroit des investisseurs, pour les rassurer et ont à cet effet utilisé différents outils pour mitiger le risque de refinancement sur le Marché des Titres publics.
Quels sont les chantiers et projets en cours de Umoa-Titres ?
Au titre des chantiers prioritaires de l’institution, nous pouvons noter les quatre qui suivent :
- l’élargissement et la diversification de la base des investisseurs ;
- le renforcement de l’efficience du marché ;
- la dynamisation du marché secondaire ;
- le renforcement des capacités des acteurs du marché ;
L’atteinte de ces objectifs requiert notamment :
- le renforcement de la stratégie d’intervention des émetteurs sur le marché ;
- le déploiement du plan stratégique pluriannuel de développement du Mtp ;
- la mise en place effective de la plateforme de cotations et de transactions des titres souverains ;
- le renforcement de la transparence et de la disponibilité de l’information sur le Marché des Titres publics via différents outils que sont : le guide des investisseurs, le guide sur la fiscalité applicable aux valeurs mobilières, les notes d’informations, la notation financière, les simulateurs de rendements et les divers reportings ;
sans oublier le développement de la Web Académie du Mtp par le biais de l’intégration de modules additionnels au programme de certification financière Cisi-Umoa et la vulgarisation de la culture financière.
Maderpost / Lejecos