Le Président Macky SALL vient d’être installé le 05 février dernier, dans ses nouvelles fonctions de Président de l’Union Africaine. Au-delà de la fierté que tout sénégalais doit éprouver pour cet honneur fait à notre pays, nous devons prendre conscience que le Sénégal sera la vitrine de l’Afrique au-moins durant les douze mois que durera le mandat. Par Dr Jules Charles Kébé SANTE – Dans son discours d’investiture, le Président a énuméré un certain nombre de sujets qualifiés d’urgences pour notre continent. Parmi celles-ci, intéressons-nous à la pharmacie en tant qu’acteur de ce sous-secteur de la santé, sujet au cœur des préoccupations de tous les états du monde. Avant de prendre la présidence de l’UA, le Président de la République à l’occasion de plusieurs conseils des Ministres du Sénégal, avait rappelé la sur-priorité qu’il accorde à la souveraineté pharmaceutique et aux réformes devant booster le secteur de la santé. C’est sous l’égide du Chef de l’Etat, qu’un plan de développement stratégique de relance de l’industrie pharmaceutique a été adopté à l’issue d’un l’atelier intensif organisé par le Bureau Opérationnel de suivi du PSE (BOS) entre septembre et octobre 2021 et qui a mis en incubation l’industrie pharmaceutique locale, les administrations concernées dont le Ministère de la Santé, des partenaires techniques internationaux et de grandes institutions dans un format inclusif et interactif. Un travail préalable avait été mené sous l’égide du Ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération avec l’appui du cabinet Mc Kinsey, et la participation des acteurs des secteurs privé et public, en vue de partager les données prospectives et les bonnes pratiques devant faciliter l’installation d’unités industrielles. Il appartient dorénavant au Ministère de la Santé et à ses homologues, de s’approprier des défis qui nous attendent avec des enjeux portés par les OBJECTIFS DU DEVELOPPEMENT DURABLES (ODD) dont l’ODD 3- « Santé pour tous » avant l’arrivée d’une nouvelle pandémie qui nous fera regretter un certain immobilisme. Il s’agit ici d’un vrai plaidoyer en faveur d’actions concrètes et efficaces qui devront accompagner le mandat du Président Macky Sall à la tête de l’UA, pour qu’au terme de son mandat, le bilan soit positif en termes d’avancées significatives sur le plan des réformes structurelles attendues par tous les acteurs de la profession, et bien sûr par l’Etat lui-même. Ce bilan ne saurait s’apprécier autrement que par la libération des énergies et la matérialisation des projets les plus viables, portés à la fois par les sénégalais et les investisseurs étrangers. Le contexte Avec la crise sanitaire à Covid-19, nombre de pays africains se sont retrouvés face à la grande vulnérabilité de leur système économique, privilégiant l’importation de biens de consommation dont les médicaments au détriment de la production locale. Devant la capacité de dissémination du virus à Covid-19, les mesures de confinement ont été la première réponse des Etats, entrainant la fermeture des frontières, et l’arrêt quasi-total des activités. Ces mesures ont eu un impact négatif sur nos économies. Lorsque les autorités ont décrété l’état d’urgence en mars 2020, avec limitation des échanges inter-régionaux de biens et de personnes, des millions de personnes se sont trouvées privées de revenus. Pour amortir le choc, au plus fort de la crise en avril 2020, l’Etat du Sénégal a eu le mérite d’avoir mis en place un plan de résilience (Fonds de Riposte et de Solidarité-Force Covid-19), sur lequel des pans entiers de notre économie se sont appuyés ; Plus de 1.000 milliards de FCFA soit 7% du PIB en 2020, ont été mobilisés sous diverses formes, permettant aux entreprises de mitiger la situation de crise économique causée par l’arrêt des activités. Malheureusement, avec la deuxième vague de Covid-19 au Sénégal, la réitération de cet état d’urgence en janvier 2021 dans les régions de Dakar et de Thiès, et ses effets néfastes sur les affaires, a pu être mal supportée par les populations. Cet état de fait aurait servi de catalyseur lors des émeutes de mars 2021. La crise sanitaire a donc accentué les faiblesses intrinsèques de nos économies ; Jusqu’à présent, et particulièrement en Afrique, depuis les indépendances dans les années 60 à nos jours, la marche du continent a été freinée par les crises politiques et les guerres, les aléas climatiques et les variations imprévisibles des cours des matières premières. Désormais, il faudra ajouter à cette liste les crises sanitaires mondiales capables de mettre à rude épreuve la capacité de résilience de nos états. L’épisode COVID-19 a impacté la croissance du PIB national la réduisant de 6% en moyenne (2014-2019) à moins de 1% en 2020 pour les raisons évoquées plus haut. Néanmoins, en 2021, dans les pays riches, la relative accalmie observée dans la propagation du virus, a permis d’initier des plans de relance des économies par injection de milliards de dollars ou d’Euros. L’Union Européenne a mobilisé 750 milliards d’euros d’aides (5% de son PIB en 2020) sous forme de subvention pour financer son plan bien nommé « NEXT GENERATION EU ». Les USA en sont à 3.000 milliards de dollars (plus de 14% de leur PIB). Avec cette mobilisation financière exceptionnelle rappelant le Plan Marshal de l’après-guerre 1939-1945, une part importante de ces fonds sera orientée à coup de subventions, vers l’innovation et l’économie verte mais également dans le financement de plans de réimplantations d’usines délocalisées en Asie (produits pharmaceutiques, masques, composants électroniques, etc.). A l’échelle du monde, Covid-19 a provoqué une accélération du temps dans tous les domaines et dans tous les sens du terme. Au Sénégal, le Plan d’Actions Prioritaires a été ajusté et accéléré (PAP2A) afin de permettre au Plan Sénégal Emergent (PSE) de s’adapter face aux leçons de la crise. Le PAP2A a érigé le secteur de la santé en sur-priorité, particulièrement dans sa composante industrie pharmaceutique locale, sous-secteur qui a connu son apogée au milieu des années 90 avant de décliner. Aujourd’hui le Sénégal à l’instar de nombreux pays africains importe plus de 90% des produits pharmaceutiques. Avec la Covid-19, les enjeux de souveraineté pharmaceutique autour du médicament se sont révélés aux dirigeants. Nos politiques publiques ne peuvent plus ignorer le caractère stratégique conféré par la maîtrise du processus de production de certaines molécules essentielles. Il apparait surtout que pour nos dirigeants, la sécurité sanitaire des populations qui relève de leur responsabilité ne peut être séparée de l’accès au médicament, et il a été prouvé historiquement que l’amélioration de l’état de santé d’une population et le développement économique sont étroitement liés. D’autre part, bien que le médicament soit doté d’un caractère social lié à la santé publique, ses aspects économiques intrinsèques ne devraient plus être ignorés. La production mondiale du médicament et son évolution Investir dans l’industrie pharmaceutique c’est faire preuve d’une grande patience et d’une vision à long terme. Dans les pays émergents, l’Inde et le Maroc sont des exemples à suivre, à la lecture du parcours de ces deux pays phares de l’industrie pharmaceutique au sein des pays émergents. Le Maghreb a su tirer profit de sa proximité avec l’Europe pour développer une industrie pharmaceutique locale ambitieuse, grâce à une forte volonté des Rois Mohamed V et Hassan II et à des politiques incitatives et volontairement protectionnistes prônées dès l’indépendance jusqu’à la fin des années 1970. Le Maroc est aujourd’hui le 2eme plus gros marché africain du médicament avec près de 1.000 milliards de FCFA en 2020. Plus de 10% de sa production sont exportés surtout vers les pays africains. Cependant, loin devant, l’Inde a su capitaliser l’environnement favorable qu’elle a offerte aux industries pharmaceutiques. Avec une population proche de celle de l‘Afrique (environ 1,3 milliard d’individus en 2020), le poids qu’elle représente atteint les 20 % du marché mondial en volume. L’Inde est qualifiée de « pharmacie du monde » ; en effet, sur une production de 40 milliards de dollars, quasiment la moitié constituée en majorité de Médicaments Génériques, est exportée à travers le monde. Plus de 50% de la demande mondiale en vaccin est fournie par l’Inde. Toutes sortes de facilités ont été accordées aux industries pour en arriver à ce résultat. En faisant de sa démographie une force, l’Inde a su inciter l’installation d’unités industrielles en autorisant la copie de molécules par les industries locales, par une loi autorisant la levée des contraintes liées aux brevets. L’Inde sans disposer d’un système sanitaire envié, a réussi en 30 ans, à faire de l’industrie pharmaceutique un secteur pourvoyeur d’emplois qualifiés et de devises d’exportation profitable à l’économie de ce grand pays. Il est vrai aussi qu’il existe une vraie industrie chimique capable de produire les matières premières et les ingrédients indispensables à la production pharmaceutique. Au-delà de notre volonté de développer une industrie locale, la question de l’accès à la matière première est centrale. Dans les riches pays du Nord, après 60 ans d’exploration pharmaceutique par la voie chimique et de délocalisations de sites de production vers les pays asiatiques sous la pression des actionnaires (logique boursière de rentabilité) et des écologistes (risque de pollution chimique devenu insupportable), les enjeux de la pharmacie se sont déplacés vers les pathologies chroniques non transmissibles : diabète, maladies cardio-vasculaires, affections broncho-pulmonaires, oncologie (cancers), et surtout vers l’innovation : immunologie, vaccinologie, médicaments biosimilaires, etc. Des milliards de dollars sont investis dans la recherche au sein de laboratoires de pointe, presque tous localisés dans les pays du Nord. Bien qu’étant le marché le plus dynamique (+12% de croissance par an), l’Afrique ne représente qu’1,1% du marché mondial pharmaceutique en 2020. Cette faiblesse pourrait devenir un atout, c’est bien simple, tout est à faire. Alors il appartient à nos dirigeants de préparer un environnement des affaires favorable à l’installation d’unités de production, adaptées aux capacités des territoires qu’elles couvrent. Cette approche aura l’avantage de mettre en apprentissage tout un écosystème devant graviter autour de cette activité extrêmement exigeante en termes de qualité et de normes à respecter. Au total, dans la zone CEDEAO, environ 70 unités industrielles sont répertoriées. A eux seuls, le Nigéria et le Ghana concentrent 80% des installations, cet état de fait traduit l’ancrage local très fort que l’on observe dans les pays anglophones, qui n’ont aucun complexe à lancer des industries pharmaceutiques capables de produire des médicaments destinés d’abord à satisfaire leur marché intérieur. Seuls un quart des médicaments y sont importés. La crise sanitaire COVID-19, révélatrice de la faiblesse des chaines logistiques distantes La plupart des produits pharmaceutiques produits à travers le monde et vendus en Afrique francophone transitent par les plate-formes logistiques en Europe, avant d’être à expédiés vers l’Afrique et ses consommateurs. Ce circuit est soumis aux aléas du transport international et subit également les effets négatifs post-Covid 19 observés au niveau des chaines logistiques complexes qui se sont organisées entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Au plus fort de la crise sanitaire en 2020, les pays producteurs ont pris des mesures de contingence à l’export de produits pharmaceutiques et autres produits de santé. La limitation des exportations et la fermeture des frontières a entrainé des pénuries de médicaments, de masques, de respirateurs artificiels. Il est compréhensible qu’en situation de pandémie, la France, l’Inde ou le Maroc, nos premiers fournisseurs, décident de réserver à leur marché intérieur, la partie de leur production pharmaceutique destiné à assurer la prise en charge thérapeutique de leurs malades. Cet état de fait a permis à notre pays de prendre conscience du risque sanitaire étendu auquel s’exposent les populations. Tout au long de l’année 2021, la reprise des activités des grandes économies (Chine, USA) a généré des tensions sur les circuits logistiques se traduisant par de fortes hausses des couts du fret maritime (+35% à +150%), une pénurie de conteneurs, l’engorgement des ports, et autres désagréments générant des frais imprévus, érodant la marge des entreprises importatrices chargées d’approvisionner les officines locales. Une situation risquée se traduisant par un effet de ciseau défavorable (activités en croissance mais rentabilité en baisse), obligeant ces acteurs du médicament à se réajuster en reportant les investissements et en réduisant le niveau de service aux officines. Les répercussions de la guerre Russie-Ukraine déclenchée le 24 février2022, commencent à se faire ressentir à l’échelle international. L’interconnexion du commerce mondial accentue sa fragilité. Avec l’embargo sur les produits russes déclaré par les pays membres pour la plupart de l’OCDE, les contrôles vont se renforcer sur le mouvement des navires et au sein des ports du monde. On peut s’attendre également à un rallongement des routes maritimes qui chercheront à éviter les zones de conflit. Forcément, les effets se traduiront par une inflation généralisée sur toutes les chaines logistiques et sur le commerce en général (de la matière première au produit fini). Rappelons ici que dans la plupart des pays africains francophones, le prix des médicaments est administré par les Etats qui en fixent le prix au public afin de garantir une certaine accessibilité financière pour les populations. Compte-tenu de son caractère social et de la charge qu’il représente au sein des ménages africains (jusqu’à 60% du budget des ménages dépensés en soins médicaux), il n’est pas aisé pour les gouvernements africains d’assumer une hausse généralisée du prix des médicaments. Mais dans le contexte mondial actuel, quelles seront les conséquences d’un affaiblissement du sous-secteur privé de la distribution pharmaceutique (Grossistes-répartiteurs) qui assure plus de 80% de l’approvisionnement du pays en produits pharmaceutiques ? Maintenir cette situation de dépendance à plus de 95% aux importations de médicaments est devenue risquée dès l’instant ou la fluidité des chaines logistiques en temps de crise n’est plus garantie. Il y a forcément un cout que supportent de plus en plus mal les entreprises locales de distribution pharmaceutique. Pour le Sénégal, au palmarès des importations, les produits pharmaceutiques représenteraient en 2021, plus de 185 milliards de Francs CFA (282 millions d’Euros), secteurs privé et public confondus. Ce sont autant de sorties de capitaux qui échappent à notre économie. On peut remarquer que ces importations de produits pharmaceutiques accentuent de manière défavorable le déséquilibre structurel de la balance commerciale du pays (Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie- Divers bulletins de conjoncture). Quelles perspectives ? Pour notre continent, voici ce que nous devons retenir : En 2050, l’Afrique sera le continent le plus peuplé du monde avec 2,5 milliards d’habitants et la zone CEDEAO sera en pole position. L’Afrique représente le plus fort taux de croissance du marché pharmaceutique mondial (+ 10 à + 15% par an) et 25% des malades du monde en 2018 ! La ZLECAF (Zone de libre-échange africaine) sera le premier marché du monde par la taille, et son PIB représente plus de 3.000 milliards de dollars pour les 54 pays d’Afrique (en 2020). Les infrastructures portuaires, autoroutières, ferroviaires et les ponts qui se construisent partout en Afrique devraient faciliter les liaisons sous-régionales et l’installation de plate-formes logistiques faisant des capitales africaines situées sur la côte de véritables hub pharmaceutiques à destination des hinterlands ; Les progrès de la lutte contre le marché illicite, les perspectives d’introduire des marqueurs numériques garantissant la qualité et traçabilité des « bons médicaments », favorisent l’essor du marché licite. Les saisies records de médicaments contrefaits ou de médicaments de qualité inférieur, et la condamnation à de la prison ferme des plus grands trafiquants produisent leurs effets ; Les politiques de santé privilégient l’investissement en infrastructures de soins présentant un plateau technique élevé dans des régions dépourvues et éloignées des capitales ; Le développement de système d’assurance-maladie et des mutuelles de santé réduisent la charge que constitue les frais liés aux soins médicaux au niveau des ménages. Pour faire face à cette perspective favorable en illustrant la situation, nous pouvons dire que nos Etats doivent prendre le taureau par les cornes en appliquant le remède de cheval qui évitera de mettre la charrue avant les bœufs en voulant relancer l’industrie locale sans les roues de soutien nécessaires aux premiers pas du jeune enfant sur son vélo. Au Sénégal, des politiques volontairement incitatives (Plan de résilience bis ?) permettraient de mobiliser les ressources nécessaires au financement du plan de relance et de développement pharmaceutique par une ligne d’une centaine de milliards de FCFA, mis à disposition des acteurs locaux. J’aime à rappeler cette réflexion de Monsieur Mamadou Lamine LOUM, ancien premier Ministre du Sénégal qui déclarait à l’occasion d’un forum consacré à l’investissement dans l’industrie pharmaceutique qu’ « elle doit être traitée au même titre que l’industrie de l’armement ou l’industrie aéronautique, compte-tenu de son importance dans la chaine de valeurs qui peut remonter jusqu’à la valorisation de nos ressources agro-forestières, la formation de ressources humaines de haut niveau, le développement d’une industrie chimique, de la technologie et de l’ingénierie, d’une industrie de l’emballage, de la logistique, de la maintenance industrielle et enfin de la santé en général ». Elle est par essence une chaine vertueuse de valeurs utiles à la société. Facteurs déterminants Les politiques économiques en général prônées par les États du Sud et les institutions internationales sont en faveur de l’initiative privée et de la production locale. L’État du Sénégal a créé un Fonds destiné au financement des secteurs stratégiques dont la Santé et la Production pharmaceutique. Les ressources financières étrangères deviennent de plus en plus accessibles sous diverses formes et suivant la tendance, elles sont orientées vers les pays du Sud qui présentent de belles perspectives de croissance et une certaine stabilité institutionnelle. L’adoption en cours de nouveaux textes législatifs aidera le secteur à se réformer pour aller dans le sens du « doing-business » quelle que soit l’origine de l’investisseur. Il ne s’agit ni de dérèglementation, ni de démantèlement du monopole, en contrepartie cela nécessitera une montée en puissance des 2 organes principaux de la Pharmacie : La Direction de la Pharmacie et du Médicament sera transformée sous peu en Autorité Nationale de Régulation de la Pharmacie (ARP) : les textes relatifs à cette réforme viennent d’être adoptés en Conseil des Ministres. Les vœux de la profession ont été exaucés. Avec des objectifs de performance, un budget adapté, un personnel compétent auquel sera assigné une mission : développer le secteur pharmaceutique avec un traitement « fast-track » des dossiers (pour reprendre cette formule du Président Macky Sall). La montée en puissance du Laboratoire National de Contrôle Des Médicaments : bien équipé et doté de moyens financiers lui permettant de fonctionner en continu, avec des missions assignées par l’Agence du Médicament, ceci pour répondre aux normes qualités qui sont la marque de confiance des populations envers le secteur privé pharmaceutique (Obligation de résultats). Pour les porteurs de projet, la création d’un guichet unique auprès de l’ARP permettrait de faciliter les démarches administratives avec l’appui de l’APIX, ceci afin d’administrer les projets Pharma pour mieux coordonner et orienter les investisseurs vers les projets industriels intéressant la gamme très large de possibilités : médicaments humains, vétérinaires (Au Sénégal : marché de 8 milliards de FCFA en 2017 dont 98% importés), compléments alimentaires, diététiques dont l’eau minérale, les gammes blanches (bandes, compresses, autres consommables à base de coton), dispositifs médicaux à usage unique, produits d’hygiène bucco-dentaire, de diagnostic, etc.
- Sur la fiscalité de porte : un des grands freins de la production locale pharmaceutique a été levé par des dispositions douanières étendues à la zone communautaire (CEDEAO). Ce régime particulier dit de perfectionnement actif permet de suspendre le paiement des droits et taxes couvrant les intrants importés dont la matière première, les excipients et fournitures d’emballage. L’apurement se fait lors de la mise à la consommation des produits finis (médicaments) issus du processus de transformation industrielle auquel sont destinés ces intrants. Le régime de ces taxes suit la fiscalité du produit fini, les médicaments étant eux-mêmes exonérés de toutes taxes. (Arrêté ministériel n° 13.715 en date du 14 juillet 2015- MEFP et divers textes communautaires).
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- Le Ministère de la Santé pourrait valider à travers le Plan de Développement, une commande publique déclinant des objectifs clairs pour atteindre un taux de production locale permettant la couverture d’au moins 50% de nos besoins en médicaments en corrélation avec les données économiques prospectives. Le cadre du Partenariat Public-Privé, réduit à sa plus simple expression dans le domaine pharmaceutique pourrait connaitre un développement profitable à nos populations et à notre économie. Cela s’est vérifié au plus fort de la crise sanitaire.
- Quel effet la politique de couverture maladie universelle (CMU) peut-elle avoir sur le dynamisme de l’industrie pharma ? Une préférence pourrait être donnée au remboursement à un taux plus favorable des médicaments produits localement. L’application d’une TVA minorée sur les médicaments importés non essentiels constituerait une source non négligeable de financement de l’ARP.
- La création de zones spéciales dédiées au secteur (industrie, plate-forme logistique, recherche) qui est confronté comme d’autres à des problématiques d’accès à la terre et à des infrastructures de qualité. Production et distribution sont deux métiers qui doivent co-exister pour une performance du sous-secteur industriel. La dispersion sur le territoire des sites industriels pharmaceutiques est une faiblesse en soi. La Zlecaf est une grande opportunité qu’il faut anticiper.
- L’accessibilité financière à l’Energie : le coût de l’Energie représente jusqu’à 20% du coût de production contre 2 à 3% dans certains pays producteurs. Impossible de combler le gap de la compétitivité-prix qui nous oppose aux autres pays producteurs. Sans mesures de régulation favorables à l’industrie pharmaceutique (subvention d’installations solaires par exemple), la volonté présidentielle restera au stade de vœu pieux.
- La formation de cadres alliée à l’importation d’un savoir-faire, s’appuyant sur les Universités et Écoles privées de Pharmacie résolument tournées vers l’industrie, la biologie, la recherche et le développement, la logistique, le management, etc. Avec le numérique, le transfert de compétences et de technologie devrait favoriser une plus grande intégration entre producteurs internationaux et locaux ; les ingénieurs et les techniciens de maintenance sont parties prenantes du Plan Stratégique dans le domaine de la formation des RH.
- La création au sein de l’ARP, d’une bibliothèque virtuelle des projets et des études réalisées par les universités et centres de recherche permettra d’en exploiter les résultats, créant un lien dynamique entre la recherche, l’innovation et le monde industriel.
- L’apport attendu de l’Union Africaine
- Il reste que l’harmonisation des réglementations régissant le secteur pharmaceutique dans ces zones est la clef qui ouvrira l’installation de grandes unités industrielles. Une approche systémique régionale facilitera la compréhension des dynamiques de marché par les investisseurs, rendant beaucoup plus attractif le marché du médicament en Afrique. C’est une des missions que doit s’approprier l’Agence Africaine du Médicament, rattachée à l’UA, en charge de coordonner les approches pays afin de partager la même vision du secteur pharmaceutique. C’est une tâche ardue au vu de la fragmentation des marchés dont les accès sont limités par autant de procédures d’enregistrement que de pays dans la zone UEMOA. Plus spécifiquement, il sera aussi question de vulgariser au niveau des pays demandeurs membres de l’UA, le Plan d’affaires qui constitue la mise en œuvre du Plan de Fabrication Pharmaceutique pour l’Afrique (PMPA- 2012), véritable plan de marche élaboré avec l’aide de l’Organisation pour le Développement Industriel des Nations Unies (ONUDI) vers la création d’une industrie pharmaceutique forte en Afrique. Toujours avec l’aide de cette agence des Nation-Unies, un travail a été établi sur l’application des bonnes pratiques de fabrication (BPF) et les normes qualités que devront adopter ces industries en vue de faciliter leur accès aux marchés. Conclusion L’espoir suscité par la prise de conscience de nos faiblesses structurelles et la volonté de réduire nos vulnérabilités, ne peut s’éteindre ; les populations ne comprendront pas l’inertie des dirigeants politiques dans un environnement troublé marqué par la menace de crises sanitaires localisées ou mondiales. C’est le moment-clef pour le Président Macky Sall, ardent défenseur de la souveraineté pharmaceutique, de convertir tous ses pairs africains en de véritables promoteurs de l’industrie en général afin de réduire la dépendance de l’Afrique aux importations, apportant ainsi une réponse adaptée aux problématiques posées par le chômage massif des jeunes. C’est le temps de l’ACTION POLITIQUE en faveur de ce secteur stratégique car réussir à développer une industrie pharmaceutique viable et pérenne, est un marqueur incontestable des conditions favorables à la réussite du défi de la transformation et de la manufacture locales qui se pose à l’ensemble de nos pays. Les effets induits de cette mutation, peuvent être à l’origine de la naissance d’une véritable révolution industrielle en Afrique. Rappelons-nous que le futur plus grand marché du monde nous tend les bras. Une population bien soignée est un capital humain sur lequel nous pourrons investir pour relever les défis de l’émergence.
- A propos de l’auteur Dr KEBE est le fondateur et Directeur Général de la société anonyme DUOPHARM SA, grossiste-répartiteur, en activités depuis novembre 2010. L’entreprise compte 250 employés à ce jour. Dr KEBE est également l’actuel Président du Conseil d’Administration de la société PARENTERUS SA, première unité industrielle de production de solutés de perfusion au Sénégal, en activité depuis novembre 2020. DUOPHARM détient plus de 35% du capital social de PARENTERUS SA.