Le sommet Russie-Afrique s’est achevé la semaine dernière dans un contexte de fortes tensions géopolitiques. Alors que les pays occidentaux ont largement isolé Moscou dans le contexte de la crise en Ukraine, de nombreux dirigeants africains ont maintenu des liens plus étroits, empruntant la voie délicate de la neutralité diplomatique.
SOMMET RUSSIE-AFRIQUE – Visant à améliorer les liens économiques entre Moscou et les capitales africaines, le sommet a débouché sur des promesses de remise de la dette africaine et d’approvisionnement en céréales. Ovigwe Eguegu, analyste politique, et Jean-Marie Biada, économiste, nous donnent plus d’informations à ce sujet.
Le point culminant du Sommet Russie-Afrique de cette année a été la remise de la dette par le président Vladimir Poutine. Pensez-vous que cela incitera davantage de pays africains à se tourner vers la Russie ?
Ovigue Eguegu : Je ne vois vraiment pas en quoi la remise de la dette va les faire changer de position. Pour faire mine d’obtenir des résultats intéressants d’un point de vue économique, si vous n’avez pas l’intention d’annoncer des investissements de dix milliards de dollars ici, de deux milliards de dollars par là et d’autres chiffres importants, vous pourriez alors remettre des prêts et des dettes.
La Russie tente, en effet, de resserrer ses liens sur le continent et utilise tous les outils disponibles dans sa boîte à outils, et la remise de dettes est l’un d’entre eux. Je pense que certains pays vont l’apprécier, mais je ne pense pas que cela suffise à changer collectivement la perception de la Russie sur le continent.
Comment la Russie entend-elle se positionner en tant que partenaire économique majeur face à des géants comme la Chine ou l’UE, par exemple ?
Ovigue Eguegu : Historiquement, la Russie a surtout entretenu des relations politiques et sécuritaires avec l’Afrique, même à l’apogée de l’Union soviétique. C’étaient vraiment les deux vecteurs principaux. Les ambitions de la Russie étaient et restent géopolitiques et sécuritaires. De ce fait, il faut également considérer les choses à travers ce prisme, en particulier avec la guerre en Ukraine et toutes les sanctions et contraintes économiques imposées à la Russie.
Le Kremlin s’est réellement engagé à essayer d’accroître son empreinte économique sur le continent. Cela ne fait aucun doute. Les Russes veulent en quelque sorte raviver les liens d’autrefois sur le continent, en termes de soutien industriel, de soutien technique aux industries, à la fabrication. Ils disposent de ce type de technologies, même s’ils n’ont peut-être pas les moyens de les financer.
Les échanges commerciaux entre la Russie et l’Afrique ne s’élèvent qu’à environ 17 milliards d’euros. Même le Brésil commerce davantage avec l’Afrique que la Russie, à hauteur de 19 milliards. C’est donc peu. Les investissements étrangers directs de la Russie en Afrique représentent 1 %, ce qui est également très peu. Il ne s’agit pas d’une relation économique. C’est très marginal. Si vous regardez le ton du sommet, vous verrez qu’il y a beaucoup de messages politiques.
La Russie essaie vraiment de travailler avec les pays africains pour les convaincre d’aller dans le sens du multipolarisme, de transformer le système économique mondial, de créer de nouveaux mécanismes de coopération économique à travers la monnaie notamment, parce qu’elle sait que sans ces changements, elle ne pourra pas vraiment exploiter le potentiel économique du continent africain.
Quels nouveaux objectifs ont été fixés lors de ce sommet entre l’Afrique et la Russie ?
Ovigue Eguegu : Il est évident, d’après les déclarations du président Poutine lors de la séance plénière, du président Cyril Ramaphosa et même de l’Union africaine, que les deux parties souhaitent des relations économiques plus étroites. Les deux parties considèrent qu’il est nécessaire de renforcer les relations en matière de sécurité.
La Russie représente un pourcentage énorme d’armes et d’équipements de défense qui arrivent sur le continent. Je pense donc que la dynamique suivra ce partenariat et cette coopération en matière de politique et de sécurité. Mais je pense que dans l’ensemble, il est très peu probable que les entreprises russes soient compétitives sur le marché africain, car la dynamique n’y est tout simplement pas.
Libye : le marché céréalier “peu affecté” par la crise en Ukraine
En Libye, malgré la flambée des prix mondiaux des céréales et des engrais due à la guerre en Ukraine et au retrait de la Russie de l’accord de la mer Noire, les vendeurs de céréales affirment que le marché n’aurait pas été affecté jusqu’à présent.
Les experts encouragent les pays africains à profiter de cette crise pour investir dans le secteur agro-alimentaire afin d’atteindre l’autosuffisance sur le continent.
Maderpost / AfricaNews