Un examen de la situation financière des entreprises publiques sénégalaises révèle une dégradation préoccupante des capitaux propres pour plusieurs d’entre elles et appelle à des mesures de redressements.
Sociétés nationales avec une situation critique des capitaux propres (capitaux propres négatifs)
Trois sociétés nationales présentent une situation particulièrement alarmante, avec des capitaux propres négatifs, signe d’une situation financière très fragile.
En premier, la Société Nationale de Recouvrement (SNR). Avec un capital social de 25 millions FCFA, la SNR affiche des capitaux propres négatifs de -86,7 milliards FCFA au 31 décembre 2023.
Cette situation traduit un endettement massif et une accumulation de pertes importantes, mettant en cause la pérennité de l’entreprise.
L’écart entre le capital social et les capitaux propres est abyssal, soulignant l’ampleur des difficultés.
En deuxième position, la Société Nationale de Gestion et d’Exploitation du Patrimoine bâti de l’État (SOGEPA) disposant d’un capital social de 10 millions FCFA, voit ses capitaux propres chuter à -28,5 milliards FCFA.
Cette érosion représente plus de la moitié de son capital social initial, indiquant une gestion financière problématique et des pertes significatives.
En troisième position, le Groupe SN La Poste dont l’accumulation de déficits chroniques a conduit à une forte dégradation des capitaux propres de La Poste.
Selon les comptes provisoires au 31 décembre 2023, pour un capital social de 2,9 milliards FCFA, les capitaux propres s’établissent à -143 milliards FCFA.
Cette situation est la plus critique des trois, avec un écart considérable entre le capital social et les capitaux propres, ce qui souligne l’urgence d’une restructuration profonde.
Sociétés à participation publique majoritaire en difficulté
D’autres sociétés, bien que ne présentant pas encore de capitaux propres négatifs pour certaines, montrent des signes de fragilité financière.
Il s’agit de la société de transport urbain « Dakar Dem Dikk (DDD) » avec un capital social de 1,5 milliard FCFA dont les capitaux propres de la société sont tombés à -60,7 milliards FCFA au 31 décembre 2023.
Se positionne ensuite la Société sénégalaise de Presse et de Publication « Le Soleil » (SSPP LE SOLEIL) qui a un capital social de 277,4 millions FCFA et des capitaux propres en chute à -165,7 millions FCFA, soit moins de la moitié du capital.
S’ensuive la Société des Infrastructures de Réparation navale (SIRN) accusant un capital social de 4,357 milliards FCFA.
En effet, la SIRN affiche des capitaux propres de 2 milliards FCFA au 31 décembre 2023. Bien que les capitaux propres soient encore positifs, ils ont diminué, ce qui indique une fragilisation de la situation financière.
Enfin, la Société nationale de Commercialisation des Oléagineux du Sénégal (SONACOS) avec un capital social de 20,234 milliards FCFA dont les capitaux propres s’établissent à 10,068 milliards FCFA à la clôture de l’exercice au 31 décembre 2023, soit un peu moins de la moitié du capital.
Cette érosion significative des fonds propres est due à des déficits cumulés et nécessite une attention particulière.
Mesures de mitigation et recommandations
Concernant les risques liés à ces sociétés publiques, des mesures d’atténuation sont envisagées, notamment la mise en œuvre des dispositions de l’article 64 de la loi d’orientation n° 2022-08, qui prévoit la mise en place d’un fonds de relance pour le financement des plans de restructuration.
Ce fonds est alimenté par une quote-part de 10% des dividendes perçus au titre de l’année N-1.
Sur les cinq dernières années, le cumul des dividendes reçus s’élève à plus de 243 milliards FCFA, soit une moyenne de 48,7 milliards FCFA par an.
Avec le rythme annuel de croissance des dividendes (une hausse de 27,45% entre 2022 et 2023), l’opérationnalisation du fonds et son alimentation permettraient d’atténuer les risques d’une détérioration accrue des capitaux propres des entreprises publiques et leur impact sur le budget de l’État.
De plus, pour améliorer le cadre de gestion des sociétés publiques, il est préconisé d’effectuer régulièrement des audits de gestion, couplés à une étude de réduction des charges, en particulier pour les entreprises dont les fonds propres sont inférieurs au niveau requis, notamment DDD, Le Soleil et SN La Poste.
Maderpost / Mamadou Barry