Le Niger vit des heures graves. Beaucoup d’incertitudes, du désordre, une confusion propre aux actions d’éclat. D’Abuja à Washington en passant par Addis-Abeba, Bruxelles, Berlin, Paris, la communauté internationale a tapé du poing sur la table pour « condamner » cette tentative de coup d’état et « sommer la libération immédiate » du Président Bazoum Mohamed, retenu dès les premières heures de la matinée du mercredi par des éléments de la garde présidentielle.
Par Ismaïla Aidara
EDITO – Une mission de bons offices dépêchée par le Président nigérian Bola Ahmed Tinubu, nouveau président de la CEDEAO conduite par son chef d’Etat-major des armées, n’a pas porté ses fruits.
Le locataire du palais de la Marina, le Président Talon Patrice renonce finalement à son voyage sur Niamey pour « fermeture des frontières nigériennes », après s’être entretenu quelques heures avant avec Bola Tinubu, à Abuja, sur la situation du Niger.
Une mission commando pour le retour de la normalité des lignes en vue de ramener à la raison les putschistes, de libérer le Président Bazoum a foiré.
Le pouvoir de Niamey au lendemain de l’élection du Président Bazoum Mohamed avait été très tôt secoué deux jours seulement de la grande cérémonie d’investiture début avril 2021 du successeur d’Issoufou Mahamadou.
Des tirs à l’arme lourde, en pleine nuit du 30 au 31 mars. Arrestations de plusieurs personnes et reprise de la situation en main. Le Président Bazoum, fidèle compagnon politique et historique d’Issoufou Mahamadou (2011- 2021) était déjà sur ses grands chevaux pour faire bouger les lignes.
Homme de conviction, requinqué d’un courage d’acier, Bazoum Mohamed transpirait et portait espoir d’imprimer un Niger émergent, réconcilié avec toutes les composantes du peuple dans la diversité de ses contradictions et de ses richesses. Que d’ambitions affichées !
Qu’on l’aime ou pas, Bazoum Mohamed inspirait respect. Ce mercredi 26 juillet fut une journée sombre, puis noire au fil des heures fiévreuses et poignantes. D’un simple mouvement d’humeur qui a grossi en coup d’état est celui de « trop ».
La marche démocratique a été encore stoppée dans un pays où l’exception est l’anormalité dans la succession de ses dirigeants. Quel gâchis pour la grande amorce démocratique nigérienne, devenue un modèle que bon nombre de pays africains enviaient et le citaient en exemple, afin de décourager les potentiels aventuriers des troisièmes mandats lourds de conséquences.
Mahamadou Issoufou, le prédécesseur de celui qui vit depuis mercredi dernier « reclus » à la résidence présidentielle, a été le premier président nigérien démocratiquement élu de l’histoire à pouvoir passer la main à un autre président démocratiquement élu.
Un bond en avant aujourd’hui gravement compromis. « Si nous, chefs d’État, ne donnons pas l’exemple, qui le fera ? », ne cessait-il de répéter, tel un leitmotiv. Quand les autres s’accrochent à leur fauteuil doré, lui a fait le choix de l’alternance.
Il peut se targuer de n’avoir pas succombé à la tentation du diable fatal comme ce fut le cas de Mamadou Tandja, son prédécesseur renversé en 2010 par le général Salou Djibo.
Mohamed Bazoum, son successeur n’aura pas cette chance en dépit d’un volontarisme évident, un grand engagement pour perpétuer l’héritage d’Issoufou qui a remis la démocratie sur les rails en dépit d’un certain passif comme l’emprisonnement de l’opposant Hama Amadou à la fin de 2015 et les arrestations de militants de la société civile en 2017 et en 2018.
Sans oublier la crise sécuritaire si compliquée et dégradante. Bazoum Mohamed pourtant s’y efforçait. En dépit de la complexité des enjeux sécuritaires dont les paradigmes ont beaucoup évolué.
Le Niger est englué dans un étau de feu inextricable, sans fin.
Bazoum Mohamed paie-t-il le lourd tribut d’une prime de confiance débordante vis-à-vis de la garde présidentielle qui veillait sur sa sécurité ?
Au regard de ce qui s’est passé, surtout par suite de l’allégeance subite des autres corps de l’armée aux putschistes, l’évidence est établie qu’il y a eu des trahisons internes et en haut lieu de l’establishment de l’armée, affirment des sources crédibles à Confidentiel Afrique.
Le syndrome de la soldatesque est passé par là.
Le Sahel sombre dans un chaos sans précédent. En moins de 3 ans, 5 coups d’État. Le Niger constitue ainsi la dernière citadelle à ne pas prendre. Dommage ! Le Sahel s’installe dans un cycle métastasé des bruits de bottes à ciel ouvert.
Il faut donc sauver le Président Bazoum Mohamed des « mains » des putschistes, en protégeant son intégrité physique et celle de sa famille.
Son tempérament de guerrier, son attachement viscéral aux principes de démocratie font qu’il est entré dans l’histoire politique des dirigeants nigériens les plus respectés. Bazoum va-t-il signer sa démission tant attendue par les nouvelles autorités militaires ? Les heures qui suivent nous édifieront.
Une soldatesque à l’épreuve de la démocratie nigérienne
Le général Tchiani Abdourahamane patron de la garde présidentielle – qui était lui-même choisi par Issoufou Mahamadou confirmé par Bazoum -, devenu le nouvel homme fort du pays, sera-t-il à la hauteur des enjeux pour une transition constructive, non haineuse en plaçant la cohésion sociale nationale au-dessus de tout, aussi des pulsions soldatesques.
Mais, surtout ne pas tirer sur la corde de l’humiliation d’un homme qui mérite beaucoup de respect. Sauvons le démocrate Bazoum Mohamed ! Un devoir pour les épris de justice et de liberté.
Maderpost / Confidentiel Afrique / Ismael Aidara