DECOUVERTE – Ingénieur en génie électromécanique, Serigne Mactar Bâ, 34 ans, a créé une fusée, des chars blindés qu’il a proposés à l’armée sénégalaise qui l’ont testé avec succès. Mais aujourd’hui, pour déficit de financement, son entreprise logée dans un camp militaire à Bel Air est à l’arrêt, alors qu’il a dépensé toutes ses économies dans ce projet. Aujourd’hui, il lance un appel au Président Macky Sall. Igfm est allé à sa rencontre. https://youtu.be/pMX0NX1bSZE Son « karma » est à son nirvana. En lévitation permanente à la quête d’un souffle long. Il cogite beaucoup, rit beaucoup, parle d’un trait. Par où commencer ? Par sa tenue simple, un pantalon, une chemise noire, par les fusées, le drame de sa vie, ses ennuis du moment, son projet grandiose de voyager dans les étoiles…Il faut dire que Serigne Mactar Bâ ne laisse pas le choix, il marque les esprits d’entrée. Le bonhomme a du vécu. A 34 ans, ce génie sénégalais qui a la tête farcie d’ambitions rêve éveillé de lancer le premier satellite sénégalais. Eh oui, quand d’autres rêvent de traverser la Méditerranée à bord d’une pirogue de fortune, lui rêve de concurrencer la station spatiale européenne. Le rêve est libre et c’est ce qui fait le charme de la vie de ce garçon sympathique. Son allure froide trahit la gestuelle apathique d’un pragmatisme prudent qui se shoote de détails. Ce jour-là, dans ce coin déluré de Grand Mbao, Serigne Mactar Bâ gare sa voiture comme il régente sa vie. Avec précaution. Avec sérieux et méthode. «A 16 ans il lance sa première fusée au prytanée» Mais surtout, ne le prenez surtout pas pour «un fou», «quelqu’un qui perd son temps». En classe de seconde au Prytanée militaire de Saint-Louis, ses camarades l’avaient traité de la sorte, il les a fait mentir. Il a fini par les bluffer. Il a fini par les mettre dans son camp. Le camp de la victoire de la connaissance sur l’ignorance, le camp des idées sur celui des chahuts. On est en 2000, dans l’austère terrain «Mbam » (comme le nom l’indique, terrain de jeu des ânes au Prytanée), un jeune homme, élève écervelé, un peu tête en l’air, s’essaie à la lancée de fusée. C’est le chahut dans la foule d’écoliers qui le suit jusqu’au terrain Mbam. L’expérience s’avère un raté. La «fusée ne s’envole pas, mais creuse un cratère très profond sur le sol. Serigne Mactar Bâ, élève en seconde S, en tire les leçons aidées en cela par son professeur de Physique Chimie. Quand il se remémore cette partie de sa vie, il pouffe de rire. «Ma première fusée n’a pas décollé, mais ça a creusé un énorme cratère et pour moi cela veut dire qu’il y a eu poussée. Soit c’est la fusée qui est trop lourde ou le moteur n’est pas puissant. J’ai continué à améliorer jusqu’à mon troisième essai qui décolle enfin. En 2000. La trajectoire n’était pas rectiligne, j’ai commencé alors à calculer le centre de poussée. Le centre de poussée, c’est le centre de gravité du fluide déplacé, l’air que j’ai déplacé il fallait que je calcule le centre de gravité de cette air», confie-t-il tout sourire. Depuis, la classe de seconde au prytanée militaire, il crée un prototype expérimental. L’homme aime se triturer les méninges, il ne se sent bien que dans les bricolages, les inventions. Il obtient son Bac série S sans trop forcer sur son talent, préférant se cacher pour optimiser sa lancée de fusée. Il termine son cursus à l’Ecole supérieure polytechnique (Esp) et sort avec un Dut. Il commence à travailler et à prendre des cours à distance et réussit à décrocher son diplôme d’ingénieur électro-mécanique avec une moyenne de 16,36. Les vacances, il retourne à Grand Médine. Alors que le manteau de la nuit commence à envelopper de sa noirceur la plage de Diamalaye, il sort son propulseur de fusées pour tester ses tirs. «A l’époque, tout Grand Médine sortait pour écarquiller des yeux devant le spectacle de ce génie qui faisait la fierté de sa tante et de son père ancien banquier.» Puis, les tirs sont devenus puissants inquiétant par l’énorme brouhaha que ça causait à tout le voisinage. «Quand mes fusées ont commencé à devenir très puissantes, j’ai arrêté.» «Ma maman est décédée pour que je vive» Un génie est né. Une vie escortée d’un drame silencieux. La naissance de Mactar coïncide avec la mort de sa mère. Lui incarne la vie à travers la mort de sa maman Awa Niang. La voix gagnée par des trémolos, il ne cache pas son émotion. «Ma maman est décédée pour que je vive, donc il fallait que je fasse de ma vie quelque chose. Ma maman était malade et on lui demandait d’interrompre sa grossesse, elle refuse. Dieu a fait que je suis né. Elle m’a allaité jusqu’à mes neuf mois ensuite elle a rechuté c’est ce qui l’a tuée. Une personne est morte pour que je vive. Depuis tout petit, j’intègre cela parce qu’il faut que je fasse de ma vie quelque chose», explique-t-il ému. A chaque fois qu’il lance des fusées, Serigne Mactar Bâ a une pensée pieuse pour sa maman dont le souvenir le poursuit partout. Où il va, où qu’il se retrouve. Depuis, il se bat de toutes ses forces pour imposer ses idées, il ne lâche pas l’affaire, malgré les embûches qui se dressent sur son chemin, malgré les obstacles tenaces. C’est à l’époque, en 2008, que ses fusées basculent du civil vers le militaire et qu’il arrête les essais de tirs. Il entre en contact avec le Président de la République de l’époque, Me Abdoulaye Wade. Puis commence une collaboration avec l’armée sénégalaise en 2009 qui l’aide à tirer les fusées à Dodji, terrain d’entrainement de prédilection des armées sénégalaises. Grâce à l’armée, il perfectionne ses fusées, les rendant plus solides, plus rustiques. Il gagne en expérience. La même année, il gagne le concours des jeunes créateurs à travers son œuvre sur les fusées expérimentales. Macky Sall charmé par son génie, des ministres le ruinent… En 2013, il écrit une lettre au Président de la République, Macky Sall, pour lui faire part de sa création. La réponse du chef de l’Etat ne tarde pas. Dans sa lettre dont iGFM détient copie, Macky y chante les prouesses du jeune homme. «Vous m’avez fait parvenir une vidéo pour illustrer les tests des premiers propulseurs de fusées que vous avez réalisés au Sénégal. https://youtu.be/qH5I3mLJPcE A travers cet accomplissement, il est aisé de percevoir votre génie, mais également votre opiniâtreté durant plus d’une décennie de recherche acharnée. Aujourd’hui, il est heureux de constater le niveau technologique atteint par vos travaux, mais aussi votre ambition de produire divers autres matériels (…) Pour tout l’intérêt que suscitent vos réalisations et projets futurs, je vous demande de vous rapprocher du général de division, Saliou Ndiaye…» Malgré les lourdeurs administratives, quelques paperasses à régler, le Ministère des Forces armées, le ministère de la Recherche scientifique et Serigne Mactar Bâ créateur de l’industrie de Production militaires (Skimikamiya industries) se mettent ensemble pour signer un contrat avec des objectifs précis. «Je fabrique le système d’armes Ninki Nanka, des gilets pare-balles, des blindés. Je demande un financement de 100 millions tout compris, recherche, expérimentation etc, les RPG se fabriquent avec des milliards de roubles. Les véhicules blindés se vendent à 650 millions de FCfa et moi je les fais à moindre coût, des véhicules dont l’ossature blindée a été testée avec succès à 100 millions FCfa. C’est un prix patriotique, mais à l’export sur une année, je suis milliardaire. Ce qui me reste c’est une volonté politique pour m’accompagner.» Lui qui a été contacté par beaucoup de pays africains a choisi de rester au Sénégal par patriotisme. Mais il manque de tout, et l’Etat l’a mis au chômage et ruiné son entreprise pour non-respect du contrat. «L’Etat sénégalais m’a ruiné» Aujourd’hui à force de mettre ses billes à hauteur de 21 millions, l’armée qui a versé 50 millions depuis 2015 et le ministère de la Recherche scientifique, qui peine à sortir le chèque avec les 100 millions (50 millions FCfa en 2015, 50 millions FCfa en 2016), ses activités sont bloquées. Pourtant, un contrat en bonne et due forme est signé. Serigne Mactar Bâ, à force d’attendre de l’argent qui ne vient pas alors qu’il a versé toutes ses économies dans l’usine d’équipements militaires, perd gros financièrement. «Ils m’ont ruiné. On me tient des promesses, ça va venir, ça va venir. Mais toutes mes relances sont restées lettres mortes. Mes 21 millions FCfa sont partis en fumée. Ils n’ont qu’à respecter leur part du contrat. J’ai une entreprise à milliards, ils respectent la part du contrat je mets le système d’armes Ninki Nanka sur un véhicule blindé. C’est un appareil fini. L’appareil, l’Etat l’achète à 900 millions. Moi, je le fais avec moins de 200 millions FCFa. J’ai interpellé toutes les autorités et c’est de guerre lasse que j’ai décidé de parler. Parce que je n’en peux plus d’attendre des promesses.» Pourtant, l’Ivoirien Adama Bictogo, propriétaire de l’entreprise chargée de la confection des visas électronique, a été indemnisé à hauteur de 12 milliards de FCfa. Même si cette indemnisation a choqué les membres de la section sénégalaise de Transparency international qui ont parlé d’enrichissements sans cause. Voilà un jeune sénégalais qui crée des armements pour sa Nation et qui refuse par patriotisme de donner le brevet à des pays de la sous-région qui est sacrifié sur l’autel de son trop plein de respect pour les institutions de son pays. https://youtu.be/A9z7IEF96bw «Je n’ai jamais voulu en parler, mais je souffre», avise-t-il déboussolé par la tournure des évènements. C’est l’enseignant-chercheur, Assane Mboup, qui l’a découvert et qui essaie de voler au secours de ce crack crashé par l’Etat. «C’est une affaire d’Etat, je crois que pour des questions aussi stratégiques, il faut qu’il soit reçu par le Président de la République et qu’il n’y ait pas d’intermédiaire. Ce qui est dommage, c’est qu’on parle de choses compliquées alors que c’est rien pour lui.» Lui va d’ailleurs plus loin jusqu’à dire que Serigne Mactar Bâ est meilleur que Einstein si l’on compare le contexte économique, social dans lequel il évolue. Président Macky Sall, un crack de 34 ans est en train de mourir à petit feu. A vous de sauver le soldat Serigne Mactar Bâ avant qu’il ne soit trop tard. Surtout que des généraux de l’armée plaident pour sa cause, sans succès. Mor Talla GAYE ]]>
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