La notion de « raison d’État » est souvent vue, à tort, comme une nécessité incontournable de gouvernance dans de nombreuses régions du monde.
TRIBUNE – Cependant, cette idée, soutenue par des contextes culturels et politiques variés, mérite d’être questionnée.
À y réfléchir de plus près, on se rend compte que cette notion est fréquemment utilisée comme un subterfuge par les élites pour imposer leur propre vision de la société.
Elle est perçue comme un mécanisme pour préserver le pouvoir en limitant l’accès à l’information, tout en faisant croire que ce secret est essentiel à la paix sociale et à la stabilité de l’État.
Mais cette « raison d’État » n’est-elle pas en réalité une forme de mystification, un instrument d’élites pour dissimuler leurs faiblesses, leurs abus de pouvoir, et leurs arrangements souvent douteux avec des puissances étrangères ?
Ce concept n’a rien à voir avec la démocratie. En réalité, il est souvent l’outil d’une connivence entre élite, qu’elle soit politique, religieuse, militaire ou civile, qui se donne le droit de gérer les affaires publiques sans rendre de comptes.
La gestion de la richesse collective devient alors un partage inéquitable entre ces élites, un véritable scandale social.
Il est grand temps de repenser cette conception de la « raison d’État », et au-delà, celle de l’homme d’État.
Cette distinction entre ceux qui sortent des grandes écoles comme l’ENA ou Polytechnique, et ceux qui viennent d’horizons plus modestes, est aujourd’hui complètement dépassée.
Dans un monde complexe, où les contraintes et les formes de gouvernance se diversifient, il est impératif de remettre en avant des valeurs de moralité et d’éthique.
Ce sont ces valeurs qui devraient guider la gestion des affaires publiques et non la préservation d’un système qui favorise une poignée de privilégiés.
Un véritable homme d’État n’est pas celui qui garde jalousement les secrets et qui porte tout le temps un costume mystificateur.
Ce n’est pas celui qui nargue le peuple pour justifier ses décisions.
Un homme d’État est celui qui prend ses responsabilités, qui expose les vérités, même les plus difficiles, et qui dialogue avec son peuple.
Il doit être proche de celui-ci, comprendre ses aspirations, et agir en fonction de ses besoins.
Il doit non seulement être un éclaireur pour la société, mais aussi celui qui se tient derrière elle, tirant ses actions des préoccupations réelles des citoyens.
Dans beaucoup de pays africains, souvent héritiers de régimes politiques francophones, nous subissons cette forme de dictature des élites qui se légitime sous le couvert de la « raison d’État ».
Pourtant, il est urgent que les démocraties modernes remettent en question ce modèle et repensent le concept même de « raison d’État » et d’homme d’État.
Nous devons en finir avec cette mystification et œuvrer pour une gouvernance plus éthique, transparente, et véritablement démocratique
Magaye Gaye