Voici plus de 10.000 ans qu’aucun mammouth laineux n’a foulé le sol de notre Planète. Mais des ingénieurs et scientifiques espèrent aujourd’hui ressusciter l’espèce. Ou presque. Avec pour ambition que l’animal hybride qui en résultera puisse participer à notre effort pour limiter le réchauffement climatique. RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE – Quinze millions de dollars. C’est la somme qu’une start-up américaine vient de lever pour ressusciter le mammouth laineux (Mammuthus primigenius). Une espèce qui peuplait l’Eurasie septentrionale et l’Amérique du Nord pendant le Pléistocène. Mais que l’on n’a plus vu déambuler dans les steppes depuis quelque 10.000 ans. Ressusciter le mammouth laineux ou plus exactement, créer une espèce hybride résistante au froid avec des « traits biologiques fondamentaux » – des oreilles plus petites, une tête bombée, une fourrure fournie et un peu plus de graisse – de cette espèce éteinte depuis des milliers d’années. Le tout avec l’ambition d’aider à lutter contre le réchauffement climatique en restaurant des écosystèmes perdus.
Les ingénieurs de Colossal, c’est ainsi qu’est appelée la start-up en question, ambitionnent pour cela de s’appuyer sur l’éléphant d’Asie (Elephas maximus) – lui-même en voie de disparition -, un parent éloigné du mammouth laineux avec qui il partage 99,6 % d’ADN et un ancêtre commun.
Et sur la technologie des ciseaux génétiques, la fameuse technologie CRISPR. Avec l’idée d’introduire des éléments de l’ADN du mammouth laineux dans des cellules d’éléphant d’Asie pour produire des embryons présentant les caractéristiques les plus intéressantes des deux espèces. Des embryons qui pourraient grandir au cœur d’un utérus artificiel construit à partir de cellules souches.
Mais pourquoi tant d’efforts ? Pour ouvrir aux éléphants d’Asie de nouveaux espaces dans lesquels les ingénieurs affirment qu’ils pourraient s’épanouir sans entrer en conflit avec les Hommes.
L’Arctique est l’un de ceux-là. Et cela explique pourquoi les ingénieurs cherchent à enrichir l’éléphant en graisse et en fourrure. Pour l’aider à résister au froid. Lui offrir des outils supplémentaires pour survivre, en somme.
Le généticien de Harvard (États-Unis) George Church, ici à droite, est parmi les fondateurs de la start-up Colossal. Il est l’un des pionniers du séquençage du génome et de l’utilisation de la technologie CRISPR. © Colossal Un impact écologique encore à démontrerD’autres chercheurs s’interrogent. Ils avancent que les éléphants d’Asie sont des animaux sociaux et intelligents, doués d’une culture. Imaginer déplacer ces animaux vers de nouveaux horizons soulève ainsi des questions éthiques majeures. D’autant qu’il n’est pas certain que même un véritable mammouth laineux puisse encore se sentir à l’aise dans l’Arctique d’aujourd’hui.
Sur ce point, les ingénieurs de Colossal espèrent justement que l’introduction dans la région de leurs éléphants hybrides permettra de remodeler les écosystèmes. Pour les faire ressembler à nouveau aux steppes du Pléistocène. Selon eux, la disparition des mammouths a favorisé le développement d’une toundra qui reflète moins bien le rayonnement du soleil.
Et participe ainsi au réchauffement de la planète. Les mammouths laineux façon Colossal pourraient aussi aider, en piétinant sans cesse la neige, à empêcher le pergélisol de fondre en libérant du carbone emprisonné là depuis longtemps.
Pour que cela ait une chance de fonctionner – car l’effet pourrait aussi être inverse -, il faudra donner naissance à suffisamment d’éléphants hybrides, préviennent tout de même des chercheurs extérieurs au projet. Selon eux, les meilleures cibles pour un tel réensauvagement seraient plutôt à chercher du côté des espèces plus récemment disparues ou mieux encore, sur le point de disparaître. Et capables de se multiplier suffisamment vite pour devenir écologiquement efficaces. L’éléphant d’Asie se plaira-t-il dans l’écosystème arctique ? © goodze, Adobe Stock Ne pas se tromper de cibleEnfin, les ingénieurs de Colossal avancent que la méthode pourrait être appliquée ensuite à des espèces aujourd’hui en danger, pour aider à prévenir leur extinction. Mais certains de leurs confrères doutent. Ils craignent que le financement de telles opérations médiatiques nuise aux efforts de conservation plus classiques. Ils avancent même qu’avec une somme équivalente, ces efforts traditionnels pourraient sauver jusqu’à huit fois plus d’espèces.
Dans le meilleur des cas, Colossal estime pouvoir être en mesure de donner naissance à un petit éléphant hybride de mammouth laineux dans environ six ans. Il faudra alors attendre quelque quatorze ans pour qu’il soit en âge de se reproduire.
Et que l’on puisse alors commencer à espérer qu’il ait un effet sur le réchauffement climatique. Compte tenu de l’urgence actuelle, le timing semble de toute façon, quoi qu’il en soit d’un point de vue éthique, un peu serré… Pour lutter contre le réchauffement climatique, la meilleure solution à ce jour reste de limiter nos émissions de gaz à effet de serre !
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