La dégradation continuelle de la situation sécuritaire au Nord-Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), inquiète et préoccupe au plus haut niveau l’Union Africaine (UA). Le président en exercice de l’UA, le président du Sénégal, Macky Sall, et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat appellent à un «Cessez-le-feu immédiat, à respecter le droit international, la sécurité des civils et la stabilité aux frontières de tous les pays de la Région». Tout en engageant toutes les parties prenantes au conflit à un «dialogue constructif».
NORD-KIVU – L’Union Africaine (UA) suit de près et avec inquiétude les développements du conflit armé dans le Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo (RDC). A travers un communiqué conjoint daté du 30 octobre 2022 (à Addis Abeba, siège de l’UA en Ethiopie), le président en exercice de l’Union Africaine (UA), le président du Sénégal, Macky Sall et le président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, «expriment leur profonde préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire dans les Provinces orientales de la République Démocratique du Congo».
Dans le document sur la situation à l’Est de la RDC ; «Ils appellent toutes les parties à établir un Cessez-le-feu immédiat, à respecter le droit international, la sécurité des civils et la stabilité aux frontières de tous les pays de la Région. Ils exhortent, en outre, toutes les parties prenantes à s’engager dans un Dialogue constructif, dans le cadre du Mécanisme existant, le Cadre de Paix, de Sécurité et de Coopération de l’Union Africaine pour la RDC et la Région, et du Dialogue de paix Inter-Congolais de la Communauté d’Afrique de l’Est. À cet égard, ils appellent toutes les parties à participer de bonne foi au Troisième Dialogue de paix Inter-Congolais qui se tiendra à Nairobi du 4 au 13 novembre 2022», renseigne la même source.
Aussi Macky Sall et Moussa Faki Mahamat soutiennent-t-ils sans réserve la «Feuille de route de Luanda» (Angola), tout en encourageant le président angolais à «poursuivre sa mission» de réconciliation de la RDC et le Rwanda. «Ils expriment leur soutien total à la Feuille de route de Luanda visant à normaliser les relations politiques entre la RDC et le Rwanda. Ils soulignent que les initiatives de l’Union africaine, de la EAC et de la CIRGL sont complémentaires et se soutiennent mutuellement. Ils encouragent le Président Joao Lourenço à poursuivre sa mission en tant que Facilitateur d’un Dialogue constructif entre les deux pays frères, la RDC et le Rwanda», conclut le document.
LA RDC EXPULSE L’AMBASSADEUR DU RWANDA QUI PARLE DE DECISION «REGRETTABLE»
En attendant, selon RFI, face à la multiplication des attaques rebelles, surtout ces dernières semaines, la RDC, par la voix du porte-parole du gouvernement congolais et ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, décide d’expulser l’ambassadeur du Rwanda, en raison de l’«appui» au M23. Vincent Karega, puisse que c’est de lui qu’il s’agit, a 48 heures pour quitter la RDC ; une des mesures issues d’«une réunion élargie du Conseil supérieur de défense» présidée par le président de RDC, Félix Tshisekedi, samedi à Kinshasa pour évaluer la situation après «une série d’attaques et d’occupations de localités congolaises (…) par le M23, appuyé par l’Armée rwandaise», a indiqué Patrick Muyaya dans un communiqué lu à la télévision officielle.
«Il a été observé ces derniers jours une arrivée massive des éléments de l’Armée rwandaise pour appuyer les terroristes du M23 en vue d’une offensive générale contre les positions des Forces Armées», congolaises, a-t-il affirmé. «Au regard des faits qui précèdent», le «Conseil supérieur de défense demande au gouvernement d’expulser, dans les 48 heures suivant sa notification, M. Vincent Karega», ambassadeur du Rwanda en RDC, du fait notamment «de la persistance de son pays à agresser la RDC», a ajouté le porte-parole.
RFI de relever que le gouvernement congolais, justifiant sa décision d’expulser Vincent Karega, ambassadeur rwandais en poste à Kinshasa, dit détenir des rapports émanant notamment des drones qui démontreraient l’arrivée massive des troupes rwandaises sur le sol congolais.
De son côté, hier dimanche, Kigali (capitale du Rwanda) a «noté avec regret» la décision de la RDC d’expulser son ambassadeur à Kinshasa. «Il est regrettable que le gouvernement de RDC continue de faire porter au Rwanda la responsabilité de ses propres échecs de gouvernance et de sécurité», peut-on lire dans le communiqué des autorités rwandaises.
Pourtant, un rapport non-publié de l’ONU, consulté en août dernier par l’AFP, pointait une implication du Rwanda auprès du M23. Et, cette semaine, un ambassadeur américain aux Nations unies a clairement évoqué «l’aide apportée par les Forces de défense rwandaises au M23». Mais le Rwanda dément et accuse en retour la RDC – qui nie elle aussi – de collusion avec les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un mouvement de rebelles hutu rwandais, dont certains impliqués dans le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda.
LE M23, SUR PLUSIEURS FRONTS, DANS LE NORD-KIVU, GAGNE DU TERRAIN
Le M23 («Mouvement du 23 mars»), une ancienne rébellion tutsi qui a repris les armes fin 2021. Depuis une semaine, l’Armée congolaise fait face à une offensive des combattants du M23 sur plusieurs fronts, dans la province du Nord-Kivu. Le M23 a gagné du terrain samedi dans l’Est de la RDC, s’emparant notamment de deux villes, Kiwanja et Rutshuru-Centre, situées sur la route nationale 2, axe stratégique desservant Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, provoquant des milliers de nouveaux déplacés. Les deux villes sont situées à près de 70 Km de Goma. Alors que l’arrivée des rebelles a provoqué de nouveaux déplacements de populations, un calme précaire règne dans les deux agglomérations.
Il n’y a quasiment pas eu d’affrontements à l’entrée du M23 à Kiwanja, rapporte le correspondant de RFI à Kinshasa. Cependant quatre casques bleus marocains ont été ciblés et blessés par balles, poussant la Mission onusienne de sécurité (MONUSCO) à se fendre d’un communiqué pour rappeler que les attaques visant les soldats de la paix peuvent constituer des crimes de guerre. Elle a aussi promis qu’elle «ne ménagera aucun effort pour poursuivre les responsables devant les juridictions nationales et internationales».
Dans la journée de samedi, du matériel militaire et des munitions récupérés dans et aux alentours de Kiwanja ont été déposés par des jeunes dans la base de la MONUSCO. Une quarantaine de soldats des forces armées de la RDC, parmi ceux qui n’avaient pas pu se retirer de la cité plus tôt, se sont également rendus au quartier général de la mission onusienne qui n’a pas encore été contacté par les nouveaux occupants de ces localités. L’ONU s’inquiète des conséquences humanitaires.
Maderpost / SudQuotidien