La France a longtemps été considérée comme une puissance dominante en Afrique, grâce à son histoire coloniale et à ses liens économiques et culturels étroits avec de nombreux pays d’Afrique. Cependant, ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que la France perd de son influence sur le continent africain.
Par Fernand A.B Makosso
FRANCEAFRIQUE – Il y a plusieurs raisons à cette perte d’influence. Tout d’abord, de nombreux pays africains cherchent à se libérer de la tutelle économique de la France, et à diversifier leurs partenaires commerciaux. Les relations économiques de la France avec l’Afrique ont été largement basées sur l’exploitation des ressources naturelles, mais les pays africains veulent maintenant une coopération plus équitable et plus durable. Du win-win dit-on !
Ces dernières années, la France est de plus en plus confrontée à la concurrence d’autres puissances étrangères qui cherchent également à étendre leur influence en Afrique. C’est le cas des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine. Ces pays ont augmenté leur présence sur le continent, et ont des intérêts économiques et géopolitiques divergents de la France.
Un fait marquant en 2022
Au cours de l’été 2022, une rare coïncidence a attiré l’attention des observateurs avertis de la politique africaine. Les visites en Afrique du président français Emmanuel Macron et du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Le premier s’est ainsi rendu au Cameroun, Bénin, et Guinée-Bissau, tandis que le second s’est déplacé en Egypte, Congo Brazzaville, Ouganda et Ethiopie.
Dès sa première prise de parole au Cameroun, Emmanuel Macron a choisi de mettre en scène lui-même cette « compétition » en Afrique entre deux « puissances » qui continuent de jouir d’un siège permanent au conseil de sécurité des Nations Unies. Mais l’attitude paternaliste du président français a choqué. En Afrique de l’Ouest, sa posture, ses propos ont immédiatement suscité de nombreuses critiques.
Pour la France en perte de vitesse en Afrique, l’urgence n’est manifestement plus au renouvellement de ses relations avec les chefs d’État, et les sociétés civiles peuvent attendre. En Afrique, cette véritable fuite en avant de France, cette (non) stratégie à courte vue, l’enferme finalement dans un cercle vicieux qui l’amène chaque jour un peu plus à perdre en influence.
Alors que Brazzaville accueillait en grande pompe le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, le président français se trouvait au Cameroun. Le Congo Brazzaville, a voulu explicitement faire comprendre au président français que si Paris les estime « infréquentables », d’autres pays, économiquement, et militairement puissants sont prêts à prendre la relève.
Depuis le début de la guerre en Afrique, les européens en général et Emmanuel Macron en particulier, cachent mal leur perte d’influence du pays sur le continent africain. Et alors que l’Europe cherche par tous les moyens à trouver des ressources fossiles alternatives à la Russie, la France patauge en Afrique du Nord.
Ses relations avec le Maroc continuent d’être difficiles, et l’Italie lui a grillé la politesse il y a sept mois en signant un contrat de gaz géant avec l’Algérie. Fini le temps où l’on attendait encore poliment la France sur le continent. Aujourd’hui, les pays africains sont courtisés par l’ensemble des grandes puissances du monde.
Lâcher les chevaux…
La stratégie de la pression par les médias et la justice est désormais connue. La sempiternelle affaire des Biens mal acquis, qui était souvent exhibée pour faire peur aux dirigeants Congolais, Equato guinéens, Gabonais et autres, ne fait plus recette.
Mettre la pression sur les dirigeants africains en lâchant des bombes médiatiques, les unes aussi sales que les autres, apparaît désormais comme des pétards mouillés. Une autre illustration de la perte de son pré carré dans ses ex-colonies, le Togo et le Gabon.
Un « bras d’honneur diplomatique » a récemment été envoyé à Paris par ces deux pays, piliers « historiques » de l’Afrique francophone, dont les présidents ont tous deux succédé à leurs pères à la tête de leurs pays, ont choisi de rejoindre la communauté des pays anglophones.
Leur adhésion officielle a été actée le 25 juin dernier, à l’occasion du Sommet du Commonwealth qui s’est déroulé à Kigali au Rwanda, un pays ex-francophone devenu anglophone, dont la réussite économique inspire sur le continent.
Il y a dix, vingt, ou trente ans, cette situation relèverait de la science-fiction. Aujourd’hui elle est bien réelle.
Chassée du Mali par la Russie, la France est en train de repenser tout son dispositif militaire « antiterroriste » dans la région. La politique africaine d’Emmanuel Macron durant son deuxième mandat qui a démarré l’année dernière, ne s’annonce en tout cas guère comme un long fleuve tranquille, mais bien plutôt comme un chemin de crête périlleux, avec une marge de manœuvre particulièrement étroite.
L’intervention militaire française en Libye a été largement critiquée, et a contribué à l’image négative de la France dans de nombreux pays africains. Les Africains dans une large frange n’ont toujours pas digéré le décès en 2011 de Mouammar Kadhafi à la suite de l’intervention de l’OTAN, motivée par Nicolas Sarkozy.
La France reste un acteur important en Afrique, mais il est clair que la France doit réviser sa politique étrangère en Afrique si elle veut maintenir son influence sur le continent. Il est temps pour la France de mettre en place une stratégie plus durable et plus respectueuse des intérêts des pays africains, pour assurer une coopération mutuellement bénéfique.
Emmanuel Macron l’a dit : « depuis une vingtaine d’années, nous sommes bousculés, peut-être parce nous nous étions endormis alors que la Chine, l’Inde, la Russie, la Turquie ou l’Allemagne menaient l’offensive et prenaient une bonne partie des parts de marché », avait-il déclaré lors de sa dernière tournée africaine à l’été 2022.
Le Résultat est sans appel selon les chiffres que nous nous sommes procurés au sujet du Cameroun par exemple.
Les entreprises françaises, qui sont environ 200, ne pèsent plus qu’environ 10 % de l’économie du Cameroun contre 40 % dans les années 1990. Une différence abyssale.
Maderpost / Par Fernand A.B Makosso, Doctorant en Sciences Politiques. Coordonnateur AFRICA 2050