Plus le nombre de personnes vaccinées augmente, plus l’avantage compétitif de souches résistantes s’accroît. Selon une nouvelle étude, le risque maximal est atteint avec un taux de vaccination de 60 %, soit justement le seuil que l’on est en train d’atteindre en France. CORONAVIRUS – Chacun espère que la vaccination massive va permettre d’éradiquer l’épidémie de Covid. Encore faut-il qu’un variant résistant au vaccin ne vienne pas tout remettre en question. Or, paradoxalement, le risque d’émergence d’une souche résistante est maximal lorsqu’une grande partie de la population est vaccinée, mais pas suffisamment pour assurer une immunité de groupe, montre une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Scientific Reports.
Les chercheurs ont simulé la probabilité qu’une souche résistante émerge au sein d’une population de 10 millions d’habitants d’ici trois ans, en prenant en compte le niveau de la population vaccinée, le taux de mutation du virus et sa vitesse de transmission, ou les « vagues » successives avec une envolée des contaminations suivie par une chute des nouveaux cas après l’instauration de restrictions (confinements, fermetures, etc).
Sans surprise, ils concluent qu’une vaccination rapide et un faible niveau de circulation réduisent le risque d’émergence d’un variant résistant. Mais l’étude montre aussi que ce risque est maximal lorsqu’une grande partie de la population est vaccinée, mais pas suffisamment pour assurer une immunité de groupe.
La pression sélective s’accroit avec le taux de vaccination« Lorsqu’une majeure partie de la population est vaccinée, en particulier la fraction à haut risque de la population (les personnes âgées et celles présentant des pathologies sous-jacentes), les décideurs et les individus sont tentés de revenir aux directives pré-pandémiques et aux comportements propices à un taux élevé de transmission du virus », mettent en garde les auteurs.
Or, c’est justement le moment le plus propice à l’émergence de variants résistants, en raison du phénomène de « pression de sélection » : plus le nombre de personnes vaccinées augmente, plus l’avantage compétitif des souches résistantes au vaccin s’accroît. C’est d’ailleurs ce qui se passe avec le variant Delta : confronté à une part toujours plus importante de personnes immunisées, il a dû décupler sa capacité de transmission pour continuer à se propager au même rythme.
Plafond de verre Le pic de probabilité est ainsi situé autour de 60 %, soit le taux de vaccination constaté en Angleterre ou en Espagne (le taux est de 50 % en France, 60 % de la population a reçu au moins une dose de vaccin au 27 juillet et 50 % ont reçu leurs deux doses). Or, le fameux seuil d’immunité collective se situe plutôt autour de 90 % de population vaccinée, selon la Haute Autorité de santé. Le problème, c’est que ce taux de 60 % semble justement être celui du fameux « plafond de verre » que l’on constate dans la plupart des pays. Aucun pays dans le monde n’est pour l’instant parvenu à atteindre ce fameux seuil d’immunité collective de 80 %, et même des mesures d’incitation sévères comme le pass sanitaire en France vont avoir du mal à remplir cet objectif. « Si malheureusement l’épidémie de coronavirus reste présente à un niveau élevé et avec une immunité de groupe insuffisante, il faudra peut-être recourir à l’obligation vaccinale », a reconnu Alain Fischer, le Président du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, sur RTL le 2 août. Le virus continue de circuler même parmi une population vaccinéeMais cela sera-t-il suffisant ? Vendredi dernier, les centres de contrôle des maladies américains (CDC pour The Centers for Disease Control and Prevention) ont averti que si le vaccin prévenait le risque de forme grave, il ne bloquait pas complètement le risque de transmission, « car l’immunité engendrée n’est pas majoritairement mucosale » (il n’empêche pas le virus de se développer dans le nez).
Les CDC ont ainsi recommandé de porter à nouveau le masque en intérieur, y compris pour les personnes vaccinées. « Ce serait une utopie de croire que seule la vaccination nous tirerait de cette pandémie », confirme Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève. Une pilule difficile à avaler pour tous ceux qui avaient cru que la vaccination leur permettrait de revenir à une vie normale.
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