Dans l’interminable attente d’un hypothétique recul du coronavirus, le monde a entamé samedi un week-end pascal inédit, sans processions ni messes traditionnelles, après avoir dépassé le sinistre bilan des 100 000 morts, et les 2100 décès quotidiens aux États-Unis, nouvelle ligne de front de la pandémie.
CORONAVIRUS – Les États-Unis recensent désormais plus de 500 000 cas, selon le dernier bilan de l’Université Johns Hopkins.
Et avec 18 777 décès liés au COVID-19, ils devraient dépasser dans la journée en nombre de décès l’Italie (18 849), le pays le plus touché sur la planète.
Choisir le moment opportun pour rouvrir l’économie des États-Unis sera “de loin la plus grande décision de ma vie”, a reconnu le président américain Donald Trump, alors que la Maison Blanche prévoit possiblement jusqu’à 100 000 à 240 000 décès sur le territoire américain.
Fosse commune
Comme tous les pays, les États-Unis doivent prendre garde à ne pas lever les mesures de confinement trop tôt au risque de voir une nouvelle flambée de l’épidémie, ni trop tard ce qui pourrait alourdir une facture économique déjà très douloureuse.
À New York, ville américaine de loin la plus touchée, des images choc filmées par drone par un média local ont montré des dizaines de cercueils sommaires en train d’être enterrés dans une fosse commune d’Hart Island. Cette île au nord-est du Bronx, surnommée depuis longtemps “l’île des morts” car utilisée depuis le XIXè siècle comme vaste cimetière pour les indigents, accueille aujourd’hui 24 enterrements par jour, contre 25 en moyenne par semaine avant la pandémie, selon l’administration locale.
En ce début de week-end de Pâques, des centaines de millions de chrétiens, reclus chez eux comme la moitié de l’humanité, ont entamé des célébrations inédites, sans fidèles, en particulier sur l’immense place Saint-Pierre-du-Vatican, d’ordinaire noire de monde.
Pour la fête la plus importante de la tradition chrétienne, c’est sur écran que les fidèles suivront les messes pascales d’un pape François confiné.
“L’ombre de la mort”
“Seigneur, ne nous laisse pas dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, protège-nous du bouclier de ton pouvoir”, a murmuré le pape, lors du traditionnel rite du “Chemin de Croix” retransmis en mondovision depuis une place Saint-Pierre vide vendredi soir.
À Jérusalem, pour la première fois en plus d’un siècle, le Saint-Sépulcre sera fermé au public durant tout le week-end. Une simple messe à huis clos y a été célébrée pour le Vendredi saint.
Outre les États-Unis, les bilans de la pandémie se sont aggravés en France (plus de 13 000 morts) et au Royaume-Uni, où un millier de personnes ont succombé en une journée.
Le nombre des décès causés par la pandémie du COVID-19 a également triplé en huit jours en Belgique avec 3019 morts enregistrés. Le Brésil a dépassé les 1000 morts vendredi.
À ce jour, la pandémie a fait au moins 103 141 morts dans le monde, selon un bilan établi par l’AFP à partir de sources officielles samedi à 11 h 00 GMT.
La timide tendance à la baisse de la tension hospitalière dans plusieurs pays montre toutefois que le confinement commence à porter ses fruits. Et l’Espagne (16 353 morts au total) a annoncé samedi une baisse pour le troisième jour d’affilée du nombre de morts quotidiens, avec 510 décès.
Le virus continue cependant de s’y “acharner” par endroits, comme sur la ville martyre de Tomelloso, grosse bourgade viticole au sud de Madrid, où le bilan pour la seule petite maison de retraite locale pourrait atteindre “la cinquantaine de morts”, selon une source municipale.
Istanbul silencieuse
Le gouvernement britannique a exhorté au respect du confinement malgré un week-end ensoleillé. Le mot d’ordre est le même en France, où les autorités tentent de prévenir les départs en vacances avec la peur du gendarme. Dans ce même pays, le recours au chômage partiel a été demandé pour un nombre record de 8 millions de salariés, soit 3 millions de plus en une semaine.
Le confinement a été prolongé en Irlande comme en Italie jusqu’à début mai. Et la Turquie, qui déplore aussi un millier de morts, a confiné 31 villes pendant tout le week-end, plongeant la mégapole Istanbul — 16 millions d’habitants — dans un silence inédit.
Habituellement noires de monde, l’emblématique place Taksim et l’avenue Istiklal, les “Champs Élysées turc”, étaient complètement vides samedi.
Le premier ministre indien Narendra Modi devrait prolonger de deux semaines la durée du strict confinement imposé à son pays de 1,3 milliard d’habitants.
Le port du masque est désormais obligatoire pour les 35 millions de Marocains, à l’image d’une photo devenue virale du roi Mohammed VI portant un masque chirurgical lors de l’une de ses audiences.
En Iran, le bilan officiel s’élève désormais à 4357 morts pour 70.029 personnes infectées depuis le début de l’épidémie.
Alors que certains pays européens se préparent à la sortie du confinement, dans le sillage de la Chine, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné qu’une levée trop rapide des restrictions “pourrait entraîner une résurgence mortelle ” de la pandémie.
Ceci d’autant plus que le virus pourrait voyager en “aérosol” jusqu’à quatre mètres d’un malade, selon une étude publiée vendredi par les Centres américains de prévention et de contrôle des maladies (CDC).
Malgré le fait que le monde s’apprête à vivre la pire crise depuis “la Grande Dépression” selon le FMI, les ministres de l’Énergie de pays du G20 ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur une baisse de la production pétrolière, pour contrer la chute des cours entraînée par la pandémie.
Père de Tahrir
En Europe, en revanche, les 27 sont parvenus jeudi à un accord prévoyant 540 milliards d’euros immédiatement disponibles et un fonds de relance à venir d’un montant équivalent.
Un sommet européen se réunira le 23 avril pour “jeter les bases d’une reprise économique musclée”.
Le Mali, où un couvre-feu nocturne a été instauré et les écoles sont fermées, a annoncé un train de mesures sociales “en direction des couches les plus fragiles” de sa population et envisage d’isoler sa capitale Bamako du reste du pays.
En Chine, où le virus a été apparemment jugulé, des Africains vivant dans la grande métropole de Canton (sud) subissent vexations et discriminations, après plusieurs cas positifs dans la communauté nigériane.
“Je ne peux même pas acheter de nourriture, aucun magasin ou restaurant ne m’accepte”, raconte un étudiant ougandais. “On est dans la rue comme des mendiants”, peste le jeune homme, forcé de quitter son appartement.
Dernière personnalité en date à être emportée par le virus, le père de l’architecture irakienne moderne, Rifat Chadirji, est mort tard vendredi en Grande-Bretagne où il résidait.
Ce photographe et architecte de 93 ans avait notamment signé le Monument de la Liberté, qui surplombe la célèbre place Tahrir de Bagdad.
Maderpost / AFP