Des dossiers électriques, le Dg de Senelec n’en manque pas dans ses tiroirs. De la très médiatisée affaire Akilee à la centrale de Sendou en passant par ses rapports supposés heurtés avec la tutelle, Papa Mademba Bitèye n’a pas de temps à regarder les insectes tournoyer autour des lampadaires. Sur tous ces dossiers et sur d’autres, il a accepté, de bon cœur, de se livrer à Walf Quotidien (Première partie).
ELECTRICITE – Le différend Senelec-Akilee tient en haleine le pays depuis plusieurs mois. Finalement, vous avez résilié le contrat de la start-up pour la fourniture d’un système de comptage sur dix ans. Qu’est-ce qui a motivé cette rupture ?
Cette rupture est motivée par l’impossibilité de trouver un accord sur les points de déséquilibre manifeste du contrat liant Senelec à Akilee.
Avant de revenir sur ces déséquilibres, je voudrais d’abord signaler qu’il se pose un problème de validité du contrat.
S’agissant des déséquilibres, ils portent sur l’exclusivité de 10 ans pour la fourniture de 2,7 millions de compteurs intelligents avec un prix d’achat fixe sur cette période. Nous estimons que cette procédure n’est pas conforme au code des marchés publics qui régit ceux de Senelec.
Elle a été accordée non pas à un fabricant de compteurs mais à un simple intermédiaire avec tout ce que cela comporte comme surcoût pour l’acheteur qu’est Senelec. En outre, l’évolution technologique est telle que les prix des compteurs baissent régulièrement et économiquement, il n’est pas justifiable pour Senelec de signer avec un prix fixe sur une aussi longue période sans clause de révision des prix dans ce contrat.
Akilee dit que le compteur est un accessoire mais ne veut pas lâcher l’approvisionnement de cet accessoire parce qu’il s’élève à 130 milliards F CFA. Ensuite je voudrais vous faire remarquer que le modèle économique du contrat n’est pas conforme aux standards internationaux dans le domaine.
En effet, Senelec rembourse intégralement l’investissement consenti, fournit toutes les garanties financières dans le cadre de ce projet et à la fin partage avec Akilee les économies réalisées.
La clé de répartition dans le contrat varie entre 30 et 40% pour Akilee ; ce niveau de partage est une autre absurdité. Or, dans la pratique, pour prétendre à un partage des économies, il faut accepter de supporter l’intégralité des investissements.
La troisième raison du déséquilibre tient à l’exploitation du système par Akilee pendant la période d’exclusivité de 10 ans.
Akilee met le système à la disposition de Senelec mais c’est le personnel de Akilee qui en assure l’exploitation pendant cette période même si celui de Senelec en a la compétence.
Par conséquent, c’est Akilee qui lit les compteurs et dit à Senelec ce que chaque client doit payer à la fin de chaque période de facturation. Akilee reste propriétaire de la licence du système et à la fin de la période s’il n’y a pas d’accord, Akilee emporte son système et remet juste à Senelec la documentation malgré le coût payé par Senelec pendant les 10 ans qui s’élève à environ 9 milliards F CFA.
C’est une question de sécurité nationale. Aucun Sénégalais ne peut accepter que l’on puisse transiger. Je rappelle juste qu’un système identique a été proposé gratuitement à Senelec par un fabricant pour un achat unique de 300 000 compteurs.
Senelec dispose d’un système qui fonctionne depuis 2018 avec 12 000 clients et qu’il était plus facile et moins onéreux de faire son extension que d’en acheter un nouveau et à ce coût.
Avant Akilee, c’est ce que Senelec fait depuis 2018 et continuera de faire sans nul doute. Il y a également la suppression de toutes les externalités positives autour du compteur de Senelec.
Pendant la période d’exclusivité de 10 ans, non seulement Akilee fournit les compteurs mais elle fournit également les coffrets, les disjoncteurs et même la visserie. Or, ces derniers équipements sont vendus par la quincaillerie qui se trouve dans le quartier.
Combien de pères de famille vivent du commerce de ces équipements ? Au nom de quoi, Senelec devrait-elle supprimer le bénéfice de 300 à 500 F CFA qu’un père de famille gagne sur la vente d’un disjoncteur et ce pendant 10 ans ?
Qu’est-ce que ces commerçants vont faire de leur stock ? Non, ces derniers sont des Sénégalais au même titre que d’autres et méritent d’être protégés par Senelec. Enfin, la DCMP qui est l’autorité en matière de marché public n’a jamais vu ce contrat ni été associée dans le processus de contractualisation.
Pourtant, en tant qu’administrateur de Senelec à l’époque, vous n’avez pas apporté d’observations sur la signature de ce marché qui a normalement été soumis à votre approbation. Qu’est-ce qui a changé votre point de vue sur ce marché ?
Je ne peux pas laisser dire que le contrat a été soumis à notre approbation à l’époque. Pour faire des observations sur un contrat, il faut d’abord le voir et le lire.
Je n’ai vu le contrat que quelques mois après ma nomination comme Directeur Général de Senelec. Lors du conseil d’administration de Senelec du 27 mai 2020, les quatre administrateurs qui étaient là avec moi au CA du 27 décembre 2019 ont également confirmé devant le PCA n’avoir jamais vu ce contrat.
Ensuite, il ne faut pas faire des amalgames comme je l’entends souvent. Il faut faire la différence entre le projet et le contrat qui lie Senelec à Akilee.
Tout le monde est d’accord sur le projet car Senelec avait pris la décision de le faire avant Akilee. Elle avait même reçu plusieurs offres dans ce sens, notamment celles de Huawei, Hexing et même Orange.
Si Amadou Ly n’avait pas fait le plan stratégique de Senelec, il ne pourrait jamais prétendre à ce projet. Senelec est en train de continuer ce projet. Ce qui est à retenir, c’est que nous avons des divergences fondamentales au niveau du contrat pour réaliser ce projet comme je vous l’ai expliqué en amont.
Pourquoi avoir préféré acheter 45 mille compteurs monophasés chez les israéliens de Powercom alors que votre désormais ex-partenaire Akilee pouvez-vous les fournir ?
Contrairement à ce qui a été dit, Senelec n’a jamais signé de contrat avec Powercom mais juste effectué un achat ponctuel de 45 000 compteurs.
Cet achat ponctuel se justifiait par l’incapacité de Akilee de respecter ses engagements de fournir à Senelec 256 000 compteurs en 2019 comme stipulé dans le contrat.
Senelec ne pouvait pas attendre une rupture de compteurs pour donner des explications à ces clients.
Je puis vous dire que Senelec a lancé un appel d’offres pour la fourniture de 400 000 compteurs sur financement de la KFW dans le cadre de la coopération allemande.
Vous vous imaginez, Akilee qui devait nous fournir 2,7 millions de compteurs n’a pas pu soumissionner, faute de références répondant au dossier d’appel d’offres.
La société qui vendait à Akilee a soumissionné et d’ici peu nous allons vous donner les prix obtenus par Senelec et les économies réalisées par rapport au contrat de Akilee.
Maderpost / Walfadjri
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