Les sénateurs nigérians ne veulent pas d’une intervention armée au Niger alors que l’ultimatum de la Cédéao arrive à échéance ce dimanche.
NIGER – Abdelmadjid Tebboune ne pouvait pas aborder “le dossier brûlant de l’heure”, comme l’appelle El Moudjahid. Lors d’une rencontre avec la presse de son pays samedi, le président algérien a évoqué la situation au Niger, le voisin du sud confronté à un coup d’État depuis le 26 juillet. “L’option militaire n’a jamais été une solution, regardez ce que cela a produit en Syrie et en Libye”, a-t-il prévenu alors que la Cédéao a fixé un ultimatum s’achevant ce dimanche à la junte militaire au pouvoir.
“Aucune solution au Sahel ne peut être prise sans notre pays. L’Algérie n’utilisera jamais la force contre ses frères et voisins et ne tolère pas le versement de leur sang”, a insisté le dirigeant tout en soulignant qu’Alger appelait “au retour de la légitimité constitutionnelle”. Le président élu Mohamed Bazoum se dit “otage” des militaires qui l’ont évincé du pouvoir.
L’Algérie ne compte toutefois pas parmi les quinze États membres de la Cédéao, ceux qui envisagent une intervention militaire si le général nigérien Abdourahamane Tiani ne cède pas. Mais même au Nigeria, l’un des leaders de l’organisation, l’hypothèse d’un envoi de troupes ne fait pas l’unanimité.
Premium Times rapporte que les sénateurs, à qui le président Bola Tinubu a demandé l’autorisation de déployer des troupes chez son voisin, ont “rejeté la requête”. S’ils condamnent le coup d’État, ils ne veulent pas activer une quelconque option militaire, notamment en raison “de la relation harmonieuse entre le Nigeria et le Niger”, confie un sénateur au site d’informations.
Le nord du Nigeria partage 1 500 kilomètres de frontière avec le Niger. Sept États pourraient être impactés en cas de conflit. Par ailleurs, lutter contre Boko Haram et la violence au sein du Nigeria paraît aux parlementaires plus essentiels que s’immiscer dans les affaires d’un autre pays. Selon la Foundation for investigative journalism, même sous l’égide de la Cédéao autoriser l’envoi de troupes sans l’aval du Sénat représenterait une violation de la constitution.
Wagner impliqué ?
La prise de décision est d’autant plus compliquée que, comme le signale Africa News, le Mali et le Burkina Faso, deux pays suspendus de la Cédéao après un putsch, ont fait savoir qu’ils soutiendraient le nouveau régime de Niamey en cas d’intervention militaire. Et le Telegraph note que les “rebelles nigériens” ont contacté les mercenaires russes de Wagner lors d’une visite au Mali pour discuter d’une éventuelle collaboration.
La France, observe Politico Europe, a réitéré samedi par la voix de Catherine Colonna, sa ministre des Affaires étrangères, son appui aux efforts de la Cédéao pour contrer le putsch. Mais puisque l’horloge tourne, la BBC s’interroge sur “ce qu’il pourrait se passer si l’ultimatum est dépassé”.
Le média britannique cite trois hypothèses. La première serait une extension des négociations. Certes, “le danger est de donner l’impression de plier mais les dirigeants pourraient sauver la face en disant que la diplomatie a permis de faire des progrès et qu’ils ont besoin de plus de temps”. Deuxième option : un accord est trouvé pour un retour progressif à la normale. Sauf que le modèle soudanais, en transition depuis 2019 avant une guerre civile au mois d’avril, n’incite pas à l’optimisme. Enfin, troisième solution, l’intervention militaire de la Cédéao, suivant l’exemple de la Gambie en 2017. La BBC souligne toutefois que le Niger, le plus grand pays de la région en superficie et où vivent 25 millions de personnes, pose nettement plus de problèmes logistiques que la Gambie et ses 2,6 millions d’habitants.
Maderpost / Courrier international