Aminata Touré restait sous la menace. Celle du président auquel il a compliqué la tâche en devenant non inscrite et celle de son prédécesseur qui ne lui pardonnera jamais d’avoir contribué à mettre son fils en prison.
CONTRIBUTION – Celle qui avait conduit la liste nationale de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY) aux élections législatives du 31 juillet 2022 n’est plus…députée. Aminata Touré vient d’être déchue de son mandat de parlementaire par le Bureau de l’Assemblée nationale réunie en session d’urgence cet après-midi. C’est le « coup fourré » senti par Mamadou Lamine Diallo à l’annonce de cette rencontre imprévue au calendrier. Sur les 16 membres du Bureau, 10 ont voté pour le retrait de son mandat (Benno et Wallu) contre sept. Diallo a dit avoir voté contre l’exclusion.
Sur son compte Twitter, Aminata Touré a réagi en ces termes : « Je viens d’apprendre mon exclusion de l’Assemblée nationale par @Macky Sall en totale violation de la loi. Je reste plus que jamais déterminée à poursuivre mon combat pour l’enracinement de la Démocratie sénégalaise et contre sa tentative de 3e mandat moralement et juridiquement inacceptable. »
Aminata Touré va sans doute saisir les juridictions compétentes pour invalider son exclusion de l’Assemblée nationale. Mais au vu du traitement des affaires politiques par la justice sénégalaise, il est plus que probable qu’elle n’obtiendra pas gain de cause sauf miracle.
Selon plusieurs médias Aminata Touré a été victime des membres BBY du Bureau mais aussi et surtout de certains de ses collègues de la coalition Wallu dominée par le Parti démocratique sénégalais (PDS) de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Au lendemain des législatives, ne souhaitant plus rester dans le groupe parlementaire Benno, elle avait choisi de devenir députée non inscrite en adressant une correspondance dans ce sens au président de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2022, tout en se gardant de parler de « démission ». En effet, selon l’article 60 de la Constitution, « Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. »
Le camp présidentiel n’a jamais digéré le revirement d’Aminata Touré. Une colère renforcée d’ailleurs par l’extrême faiblesse de la marge de manœuvre de Benno dans une Assemblée nationale où les rapports de forces sont légèrement en défaveur de Yewwi Askan Wi. Et à plusieurs reprises, Oumar Youm, président du groupe parlementaire BBY, et d’autres responsables ont théorisé le principe de la « démission » de l’ex tête de liste nationale sans aller plus loin. Apparemment, le dossier était en « instruction » ! Certains diraient que la vengeance est un plat qui se mange froid.
Du côté du Pds, il n’a jamais été pardonné à Aminata Touré son « rôle » dans la descente aux enfers de Karim Wade après la chute de Me Wade en 2012. Les libéraux considèrent en effet l’ancienne Première ministre comme l’artisan du procès dit des « biens mal acquis » au terme duquel Karim Wade avait été condamné à six ans de prison et à 138 milliards de francs CFA d’amende. Après quelques mois en prison, il avait été nuitamment exilé au Qatar en 2015, déchu de ses droits politiques. Depuis, il n’a plus remis les pieds au Sénégal en dépit de plusieurs effets d’annonce restés sans lendemain.
Pour rappel, il y a les jurisprudences Mbaye Ndiaye et Moustapha Cissé Lô. Députés de la mouvance présidentielle wadiste en 2008, ils avaient rejoint l’opposant Macky Sall en rupture avec son mentor. Le Bureau de l’Assemblée nationale les avait alors déchus de leur mandat en dépit des protestations de…Macky Sall. Celui-ci, arrivé au pouvoir en 2012, formalisa leur statut de député et ordonna le paiement rétroactif de leurs salaires et indemnités…
Maderpost / Seneplus