En chute libre en France, le président Emmanuel Macron ne maîtrise plus sa communication, multipliant les bourdes dont la dernière en date est sa déclaration à l’endroit des chefs d’États ouest-africains ayant mis un terme à la présence des forces françaises sur leur sol, levant ainsi une levée de boucliers parmi lesquels la réplique sèche du Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko.
DIPLOMATIE – La pression est-elle devenue trop forte pour que le chef d’État de l’hexagone perde pied et se mette à dos une bonne partie des Africains, particulièrement les Ouest-Africains ? La réplique sèche et sans attente dans la foulée du Premier ministre sénégalais qui n’a pas fait dans le parallélisme des formes pour mettre les points sur les i, montre à suffisance l’irritation de Dakar et Ndjamena qui a également réagi avant d’être dans la soirée du mercredi 8 janvier le théâtre de feux nourris au palais présidentiel.
Dakar n’a pas apprécié la tonalité d’Emmanuel Macron dont la côte de popularité en chute libre depuis plusieurs mois recommandait une grande prudence dans sa prise de parole fixant le cap de la politique étrangère française, lundi 6 janvier dernier à Paris lors de la conférence des ambassadeurs.
Connu pour sa « façon parfois déroutante de conduire et d’incarner la politique étrangère » de la France, Macron est non seulement sorti des circuits habituels de la communication diplomatique, il s’est, en plus, perdu dans ce que Dakar considère comme une déclaration outrageuse, provocatrice, voire sulfureuse.
En effet, très rarement pour ne pas dire jamais, en public, un chef d’État français n’est allé aussi loin que Macron, au point de pousser le bouchon à la diatribe, quand bien même il serait connu de tous les Africains, particulièrement des anciennes colonies, que la FranceAfrique ne servirait d’abord que les intérêts de Paris.
Des déclarations sur les ondes de l’avocat franco-sénégalais, Robert Bourgi, parlent de valises bourrées de devises quittant des capitales africaines pour l’Elysée. « Si Macron n’en a connaissance, un bref rappel n’est jamais mal venu pour remettre les pendules à l’heure » soutient-on à Dakar.
Me Wade avait décidé du départ des militaires français
La décision en 2024 des Etats du Sahel de couper les relations étroites avec Paris et de mettre fin à la présence sur leur sol des militaires français n’est pas issue d’une négociation, disent aussi bien Dakar que Ndjamena.
Concernant Dakar, la première déclaration à cette fin date de 2010, sous le magistère du Président Abdoulaye Wade.
Dix ans après son accession à la magistrature suprême, Me Wade avait fait savoir, au cours d’une interview avec des journalistes sénégalais, que c’est à la suite d’une déclaration de son homologue français Nicolas Sarkozy en Afrique du Sud, qu’il l’avait interpellé pour lui signifier son « mécontentement ».
« Ce n’est pas en Afrique du Sud que Sarkozy aurait dû parler du retrait des militaires français en Afrique de l’Ouest pour la simple raison qu’il n’y avait aucune base militaire française en Afrique du Sud. Je le lui ai dit et ajouté que je n’étais pas content ».
Selon le Président Wade, c’est à la suite des échanges avec Sarkozy que le départ des militaires français, dans les bases navale, aérienne et l’hydrobase avait pris forme avec un retrait planifié en fonction du choix parisien de dégrossir ses troupes en Afrique du fait du gouffre financier que cela représentait et la montée du nationalisme incarné par un certain Jean Marie Le Pen décédé mardi 7 janvier 2024 à l’âge de 92 ans.
Pris au piège d’un électorat penchant de plus en plus dans l’extrême droite, Sarkozy, Hollande et Macron croulent par ailleurs sous l’obsession française de la démondialisation, la désindustrialisation, l’immigration, la montée en puissance de l’islam en France.
Les choses se complexifient pour Macron quand le Niger fait exploser le prix à la tonne de l’uranium, après que Niamey, Bamako et Ouagadougou décident de ficher dehors les Français. Un coup dur pour l’économie française et les stratèges qui n’avaient vu venir le coup de la Ouest africain connexion.
Elles se compliquent davantage pour Macron, quand Abidjan, Ndjamena et Dakar décident « librement » de fermer les bases françaises. Une décision « unilatérale » pour ce qui concerne Dakar selon le Premier ministre Sonko qui a pris la parole présidentielle pour répondre sans ménagement à l’homologue du Président Bassirou Diomaye Faye.
Le chef du gouvernement qui s’en n’est pas arrêté à rétablir la vérité sénégalaise a en plus administré une leçon d’histoire à Macron en soutenant que la France serait certainement « encore allemande » si les tirailleurs obligés et non moins zigouillés n’avaient pas aidé leurs supposés frères d’armes gaulois à barrer la route aux Panzers.
D’aucuns diront qu’il y a eu le débarquement de Normandie. Mais bon, on ne refera pas l’histoire.
C’est du tic au tac que le Premier ministre sénégalais répliqué, ce qui n’est pas sans laisser croire qu’un vent de froid n’est pas loin de s’abattre sur l’axe Dakar-Paris. Mais une chose est claire, les deux capitales s’éloignent l’une de l’autre.
Maderpost / Charles FAYE