De quoi s ‘agit-il ?
Comme tous les concepts, il existe plusieurs définitions du Local content qui relèvent essentiellement de l’angle selon lequel on l’appréhende (économique, juridique, social, etc.).
Pour l’Association des Pays Producteurs de Pétrole Africains (APPA), il s’agit de la portion de l’ensemble des dépenses engagées dans les opérations pour assurer la formation des ressources humaines locales et leur emploi à différents niveaux de la chaîne pétrolière et gazière, l’approvisionnement en biens et services à travers les entreprises locales sous-traitantes, la réalisation de projets sociaux (santé, éducation, approvisionnement en eau potable et en électricité, création des pistes rurales, etc.) et la création d’industries de valorisation des hydrocarbures.
Une vision plus simple le définit comme représentant toutes les activités qui se développent autour d’une industrie minière et ayant des retombées directes dans l’économie du pays qui les abritent.
Je dirai pour ma part, dans une approche holistique qu’un compendium de la définition du contenu local dans le domaine minier serait «la somme des retombées directes comme indirectes qui resteront de manière durable dans le pays, quand toutes les ressources auront tari et les opérations pris fin».
Mais le concept ne s’adresse pas seulement aux entreprises minières. Il s’agit de toutes les mesures, devenues mêmes des exigences qui imposent aux entreprises d’utiliser des produits, des services ou des personnels locaux pour pouvoir exercer leur activité dans l’économie.
Plus qu’une Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) qui est plutôt volontariste, on parle maintenant d’Exigence de Contenu Local (ECL). Il en va des infrastructures (routes, ponts, structures sanitaires, structures éducatives, etc.), des industries et activités nées de l’écosystème créé, du capital humain constitué grâce au transfert de technologies et aux actions de capacitation y ayant découlé ; en somme la PRÉFÉRENCE NATIONALE.
Les ressources minières, aussi importantes qu’elles puissent être, sont appelées un jour ou l’autre à s’épuiser par tarissement dû à une déclivité élevée, conséquence directe d’une exploitation à outrance souvent guidée par l’appât du gain des grandes compagnies. Aussi les activités des multinationales, aussi importantes qu’elles puissent être, ont-elles une fin d’une manière ou d’une autre.
Les importantes mannes financières qu’elles génèrent toutes, constituent pour les économies des pays qui en disposent, à la fois une aubaine et une source de dépendance qui les fragilisent d’autant par affectation de leur résilience.
L’erreur à ne pas commettre est de faire reposer toute l’économie d’un pays sur ces ressources naturelles éphémères et de ne pas développer des capacités pérennes de développement économique résilientes.
Le Sénégal a fait voter par notre Assemblée nationale le 24 janvier 2019, la loi sur le contenu local. Celle-ci permet aux entreprises privées nationales de bénéficier de certains privilèges dans l’exploitation de nos ressources pétrolières et gazières. Il s’agit essentiellement de «promouvoir l’utilisation des biens et des services nationaux ainsi que le développement de la participation de la main-d’œuvre locale, de la technologie et du capital nationaux dans toute la chaîne de valeur de l’industrie pétrolière et gazière ».
Pour s’assurer de la bonne mise en œuvre des dispositions de cette loi, il a été institué la création d’un comité national de suivi du Contenu Local (CNSCL) «chargé de coordonner l’élaboration du document de stratégie du contenu local qui définit les modalités d’exécution des orientations de l’État en la matière».
Ce comité comportera dans sa composition des représentants des entreprises nationales (Art. 5). Il s’y ajoute que la loi oblige «les contractants, sous-traitants, prestataires de services et fournisseurs, impliqués directement ou indirectement dans les activités pétrolières et gazières, à établir un plan de contenu local qu’ils soumettent au CNSCL. Ce plan décrit les activités de l’entreprise ainsi que les biens, services et compétences nécessaires à leur réalisation». Il est actualisé chaque année (Art.6).
Les dispositions de cette loi viennent compléter l’article 58 du nouveau Code Pétrolier de 2019 qui stipulent que les titulaires de contrat pétrolier ainsi que les entreprises travaillant pour leur compte doivent : • a) donner la possibilité aux investisseurs privés nationaux, disposant de capacités techniques et financières, de participer aux risques et aux opérations pétrolières ; • b) accorder la préférence aux entreprises sénégalaises pour tous les contrats de construction, d’approvisionnement ou de prestation de services, à conditions équivalentes en terme de qualité, quantité, prix, délais de livraison et de paiement ; • c) employer, à qualification égale, en priorité, du personnel sénégalais pour la réalisation des opérations pétrolières sur le territoire de la République du Sénégal ; • d) contribuer au maximum au transfert technologique en direction des entreprises sénégalaises avec des relations d’accompagnement ; • e) verser dans une institution financière de premier rang le montant du cautionnement pour la réhabilitation et la restauration des sites dans les conditions fixées dans le contrat pétrolier.
Quid des accords internationaux ?
Certes le Sénégal a signé et ratifié des engagements internationaux en matière de protection et de garantie des investissements étrangers qu’il faille respecter, mais les dispositions ici énoncées constituent tout aussi des engagements à faire respecter par tout investisseur qui voudrait à l’avenir rechercher du profit chez nous.
À ce titre le Chef de l’État rassure en disant : «Nous savons où nous allons. Il nous faut retrousser les manches, travailler davantage dans la formation des hommes, des femmes, le renforcement des PME et PMI, le développement de ces niches pour que nous puissions avoir cet objectif d’atteindre 50% de contenu local d’ici 2030, pour que le combat soit gagné». Objectif, on ne peut plus salutaire…
M. Mor Ndiaye MBAYE
morfattah@gmail.com