4 juin, l’anniversaire du décès du défunt Imam Khomeini, constitue une occasion pour réfléchir sur sa pensée politique particulièrement en ce qui concerne le concept de la gouvernance islamique. L’Imam Khomeiny étant l’architecte et le fondateur de la république islamique en Iran, représentait une personnalité multidimensionnelle et incarnait l’un des plus grands érudits musulmans contemporains qui a marqué l’histoire du monde islamique et a promu des idées nobles. GOUVERNANCE ISLAMIQUE – Le présent article essaye d’élaborer le concept central dans la pensée politique de l’Imam Khomeini, à savoir la gouvernance islamique qui fait partie intégrante de ses idées macro et véhicule des concepts les plus centraux de sa pensée politique comme: la relation entre la religion et la politique, la rationalité, la justice, la liberté, l’indépendance, la démocratie, l’Etat de droit, l’unité musulmane, la revitalisation de l’identité islamique et le refus de toute sorte d’absolutisme et de despotisme. L’interaction entre la religion et la politique constitue l’un des concepts centraux de la pensée de l’Imam Khomeiny de telle sorte que nous trouvons la pierre angulaire de sa pensée politique dans l’élaboration du rapport de ces deux concepts au sein de la gouvernance islamique. La croyance en la nécessité d’une gouvernance et en la défense de la nécessité de l’existence d’un système politique dans la société fait partie des discussions fondamentales de la pensée politique de l’Imam Khomeiny. Dans la pensée de l’Imam Khomeini, la gouvernance prévaut sur le gouvernement. C’est à dire, la manière de gouverner est plus important que le gouvernement lui-même. La gouvernance met l’accent sur le processus de gouverner et indique clairement que les décisions sont prises en fonction de certains principes comme la justice sociale, la dignité humaine et la liberté civique ainsi que sur les corrélations complexes et multidimensionnelles entre un certain nombre d’acteurs notamment le gouvernement avec le secteur privé et la société civile. La gouvernance établit une sorte de régulation entre des priorités concurrentielles. L’espace de gouvernance est horizontale où le gouvernement disposant d’une crédibilité particulière en tant que coordinateur et régulateur, surveille le fonctionnement d’autres institutions. Ainsi, l’espace de gouvernance est concentrée sur la redéfinition du rôle équitable du gouvernement ; tandis que le concept du gouvernement est d’une manière particulière lié à l’exercice du pouvoir d’autant plus que sa logique tourne autour du concept d’imposition, parce qu’il dispose du monopole de violence physique et du monopole du maintien de sécurité. Ainsi, La gouvernance islamique tient en compte le dynamisme social alors que le gouvernement islamique dispose d’une approche statique qui essaye de maintenir les dirigeants politiques et/ou religieux au pouvoir, qu’ils soient autoritaires ou non. Le concept du gouvernement islamique rejette toute réflexion sur les rapports entre islam et modernité dont la démocratie a toujours constitué le fruit le plus inaccessible. Il est à dire que même une modernité imposée autoritairement par l’Etat peut difficilement être productrice de valeurs consensuelles dans la société civile ; tandis que la gouvernance islamique essaye d’établir une sorte de compatibilité et de complémentarité entre l’islam et la démocratie qui peut déboucher sur la congruence entre l’islam et la modernité. L’imam Khomeini optait toujours pour la réalisation d’une gouvernance islamique, exprimant les critères les plus importants qui devraient prévaloir dans le système politique islamique. S’inspirant du concept de la gouvernance Islamique qui remonte à la vie du Prophète de l’Islam, il insistait sur le type de gouverner et les relations privilégiées des gouverneurs avec le peuple. En fait, la gouvernance devrait être basée sur les votes des citoyens, afin que la participation du peuple pour la sélection des dirigeants politiques soit garantie. Dans la gouvernance islamique, les dirigeants doivent assumer la responsabilité des affaires politiques et publiques de manière à ce que le processus de prise de décision soit basé sur la consultation avec les représentants de la nation. Ainsi, la gouvernance islamique est liée particulièrement à la démocratie qui peut s’expliquer autour du terme « démocratie religieuse », qui indique le type de gouvernance en République islamique d’Iran. Dans l’expression « démocratie religieuse », le concept de « démocratie » exige l’adhésion à l’opinion des citoyens et le concept de « religion » exige l’obéissance à Dieu. La question fondamentale reste à savoir comment l’obéissance à la volonté du peuple et la religiosité peuvent-elles se combiner dans une « démocratie religieuse »? Pour répondre à cette question, on doit souligner que que l’Islam, selon l’Imam Khomeini, est basé sur la rationalité ; c’est-à-dire que le choix libre et rationnel peut complémenter la religiosité et l’obéissance à Dieu. La raison, le raisonnement et la pensée sont glorifiés dans l’Islam. Selon l’Imam Ali, le premier Imam de l’école chiite, l’un des objectifs les plus importants de la mission des prophètes étant l’éveil de la rationalité humaine : « répandre les trésors de la sagesse parmi les êtres humains ». Par conséquent, au cœur du concept de religion et d’obéissance à Dieu, se trouve la considération de libre choix de l’homme, car valoriser la rationalité humaine dépend de la valorisation de son libre choix. En d’autres termes, dans la gouvernance islamique le choix du peuple est valorisé afin d’élever la rationalité du peuple. Ainsi, la pensée et l’intelligence des gens au niveau conceptuel se traduiront en action de rejeter les tyrannies et les dictatures. La référence au choix de la majorité est particulièrement importante dans le contexte de la gouvernance islamique. La gouvernance islamique, établissant un rapport équilibré entre tradition et modernité, essaye de consolider la compatibilité entre l’islam et la démocratie revendiquée par la société civile, et de coordonner les aspirations des intellectuels et des clercs, tout en respectant des valeurs universelles de liberté, d’indépendance et de justice. Dans la gouvernance islamique, le principe de base est la négation de toute domination coercitive. Partout où il y a domination coercitive, il n’y a pas de société et de système islamiques ; partout où il y a des dirigeants qui ne permettent pas à leur peuple de penser et de décider, il n’y a pas de société et de système islamiques. La société islamique est une société où, selon les enseignements et les conseils du prophète de l’Islam, les gens ont la pensée et la raison, et possèdent donc le pouvoir de prendre des décisions. Même le guide suprême dans le système islamique est choisi, d’une certaine façon, par le peuple. La démocratie religieuse, signifie : prêter attention à ce que le peuple veut, comprendre les revendications des gens et les laisser prendre leurs rôles en fonction de la loi. Ainsi, la gouvernance islamique cherche à garantir les droits civiques des citoyens, respecter l’individualité de la personne humaine, et s’exprimer en concepts identitaires comme « peuple » ou « nation » et en termes tels que « société civile », « Etat de droit », « citoyenneté », et « tolérance » politique. Le deuxième point est la place particulière de la « dignité humaine » dans la gouvernance islamique. Dieu a honoré l’homme dans le Coran : « Nous avons certainement honoré les enfants d’Adam » En conséquence, tout acte qui viole la dignité humaine est interdit dans l’Islam. Il est évident qu’ignorer la volonté des êtres humains est l’un des exemples clairs de violation de la dignité humaine. Pour l’Imam Khamenei, la logique de la démocratie religieuse tourne autour de la dignité humaine : « Dans la vision du monde islamique, l’opinion et les points de vue des gens sont significatifs et valables devant Dieu le Tout-Puissant sur la base de la dignité humaine. … La tutelle [Wilaya] est acceptable lorsqu’elle a été validée par le Législateur divin, et la validation par le Législateur divin signifie que la personne à qui la tutelle – à n’importe quel niveau de la tutelle – est donnée, doit avoir la qualification et la compétence, c’est-à-dire qu’elle doit observer la justice et la piété, ainsi que le consentement et l’acceptation des gens. C’est la raison d’être de la démocratie religieuse ». Et certainement, du point de vue islamique, la dignité humaine dépend de ne pas violer les limites divines, en d’autres termes, de ne pas commettre d’actes préjudiciables à la fois aux individus et à la société. Dans les traditions islamiques, le maintien de la dignité de l’être humain ne peut être combiné avec le fait de commettre des péchés et de suivre de mauvais désirs. Par conséquent, les choix en dehors du cadre de la loi islamique – qui garantit la préservation de la dignité humaine – ne sont pas compatibles avec la démocratie religieuse ; de même, sur la base du premier point, les choix contraires à la rationalité et fondés sur l’ignorance ne sont pas compatibles avec la démocratie religieuse. Fondamentalement, l’adjectif « religieux » dans la « démocratie religieuse » présuppose que les enseignements et les ordres de religion garantissent la rationalité, la dignité et l’excellence humaines. C’est pourquoi, dans la Constitution de la République islamique d’Iran, le Conseil des Gardiens de la Constitution est chargé de superviser le respect des principes religieux dans les décisions parlementaires et les qualifications des candidats, ainsi que l’Assemblée des Experts qui garantit l’existence de la compétence islamique – justice et connaissance de la loi islamique – en la personne du guide suprême et supervise constamment sur lui. C’est là qu’entre en jeu la différence fondamentale entre la démocratie laïque occidentale et la démocratie religieuse. Dans la démocratie religieuse, la centralité de l’être humain, sa liberté, sa dignité humaine et d’autres valeurs humaines n’ont de sens que lorsqu’elles sont en accord avec les principes islamiques. Cependant, les démocraties laïques, étant pour la plupart basées sur des présuppositions matérialistes, définissent et limitent généralement les humains à des êtres utilitaires, condamnés à suivre leurs intérêts à tout prix. Par exemple, dans les sociétés capitalistes démocratiques, le principal critère d’évaluation et le facteur décisif est le « capital », le fait même qui rend très probable, comme cela s’est produit à maintes reprises, que l’opinion publique soit négligée et ignorée au profit de la minorité riche. C’est alors que la démocratie peut se transformer soit en oligarchie des riches ou en médiacratie, à savoir le gouvernement des cartels médiatiques. Alors que l’imam Khomeini n’interprétait pas la politique comme une science du pouvoir ou une sorte de technique d’exploitation des gens en vue de les rendre subordonnés aux dirigeants. C’est ainsi que dans le système de la démocratie religieuse, les comportements manipulateurs et oppressifs sont minimisés. En effet, l’approche occidentalo- centrée, exclu de facto tous les autres modèles politico- idéologiques qui n’entrent pas dans le carcan normatif des marqueurs qui permettent de l’identifier à partir de leurs propres valeurs. Alors que le sens et la profondeur de la modernité de l’islam s’inscrit dans une synthèse des livres relevés et des messages des 25 Prophètes de Dieu, cités dans le Coran. Ce débat nous ramène à la question des inégalités et de la pauvreté dans le monde et aux solutions idéologiques et politiques qui doivent constituer des réponses à ces questions existentielles. La démocratie n’est pas mono-couleur et elle peut varier dans sa forme, selon les pensées philosophiques, politiques, spirituelles et culturelles. En fait, on distingue entre la modernité et le modernisme. L’islam est compatible avec la modernité qui peut prendre plusieurs formes. Tandis que si la modernité se transforme en modernisme, pour imposer l’occidentalisme sans tenir en compte l’approche contextuelle de diversité culturelle, alors l’imam Khomeini s’y était opposé. L’Imam Khomeiny en proposant le modèle de la République islamique a tenté de protéger le système islamique sous la forme d’un système politique adapté aux circonstances de temps et d’espace, parce que la gouvernance islamique signifie la primauté du droit, et la formation d’un gouvernement sur la base du consentement du peuple. Ainsi, la démocratie, le rôle du peuple dans la détermination de son destin et sa présence active dans diverses arènes politiques et sociales, représente un aspect essentiel de la pensée politique de l’Imam Khomeiny. L’imam Khomeiny souligne dans de nombreux cas la nécessité de suivre les votes des citoyens et l’inadmissibilité d’imposer au peuple. En ce qui concerne le rôle d’une nation dans la détermination de son destin, l’Imam Khomeiny disait : « Nous n’avons pas l’intention d’imposer quelque chose à notre nation, et l’Islam ne nous permet pas d’être des dictateurs. Nous sommes soumis aux votes de la nation. Quel que soit le vote des gens, nous le suivons. Le Prophète de l’Islam ne nous autorise pas d’imposer quelque chose à notre nation ». Si le Guide suprême doit être Mujtahid pour garantir la religiosité de l’orientation globale des décisions politiques, il doit aussi être élu par la majorité de la population, par le biais de l’Assemblée des Experts, chargée de désigner le Guide, pour représenter un choix national. La légitimité et l’efficacité de sa fonction dépendent de cette double représentation. La liberté était l’un des concepts clef que l’Imam Khomeiny défendait fondamentalement. Il qualifiait la liberté comme un droit humain fondamental. Il soutenait le droit fondamental de l’homme à la liberté, c’est-à-dire la liberté civique et sociale ou la liberté individuelle qui comprend la liberté de croyance, la liberté d’expression, la liberté de pensée, la liberté des partis et la liberté de la presse. Ainsi, les lois religieuses sont accompagnées par le consentement de la population et le libre choix de la nation. Dans ce cas-là, la gouvernance islamique va assurer la liberté politique de la société civile dans sa diversité. Cela va conduire à garantir la liberté d’expression, la participation sociale et l’égalité des citoyens devant la loi. Cependant, l’imam Khomeini considérait les règles religieuses et nationales dérivées de l’Islam comme la frontière de la liberté. La justice est également l’un des concepts clés de la gouvernance islamique, soulignés par le défunt l’Imam Khomeini. Selon lui, la justice représente l’orientation politique sociale la plus cruciale du système politique. Dans sa pensée politique, l’instauration de la justice dans la société constitue l’un des objectifs les plus importants du système politique. Pour lui, le gouvernement doit veiller à actualiser, à matérialiser et à instaurer la justice dans la société afin d’avancer la société musulmane vers la croissance et la prospérité. L’imam Khomeini croyait en une politique transparente et voulait éliminer la corruption, la pauvreté, l’inégalité et le racisme sur les scènes interne et mondiale. La conformité à la loi est aussi l’un des principes de base de la pensée politique de l’Imam Khomeiny. Selon lui, agir conformément à la loi est obligatoire pour chaque individu dans la société indépendamment de sa position et de son rang. Dans la gouvernance islamique, ce n’est pas la personne mais la loi divine qui compte. Chacun devrait être soumis à la loi, quel que soit son identité. L’imam Khomeiny croyait à l’Etat de droit. Il soutenait que les dirigeants politiques devraient appliquer les lois et d’agir dans l’intérêt des citoyens. La renaissance de l’identité islamique est un autre domaine central de la pensée politique de l’Imam Khomeiny. Il considérait la renaissance de l’identité islamique comme un secret derrière l’indépendance et la souveraineté des pays Musulmans. Cette unité basée sur la croyance à nos propres ressources et capacités, constitue un obstacle à la politique hégémonique et expansionniste des grandes puissances. Ainsi, les États islamiques devraient interagir au niveau international, pour la défense des droits des opprimés du monde entier et s’opposer à toute forme d’hégémonie et d’intervention sur les affaires musulmanes. L’opposition de l’Imam Khomeiny à l’impérialisme, à la domination des puissances impériales sur les musulmans et à la dépendance des musulmans à leur égard va dans le même sens. Reza Dehshiri Ambassadeur de la République Islamique d’Iran au Sénégal ]]>
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